L’Université de Fribourg à mis en ligne une exposition virtuelle, en Français et en Allemand, consacrée à l’histoire des rapports entre médecine et alimentation.
L’exposition consiste en une expérimentation numérique qui propose une stratégie muséographique innovante reposant les fonds de plusieurs institutions culturelles suisses: le Musée d’histoire naturelle à Fribourg, le Musée suisse de la machine à coudre et des objets insolites; l’Alimentarium Nestlé à Vevey, la Bibliothèque cantonnale et universitaire de Fribourg.
L’exposition s’articule autours de neuf thèmes, détaillés en une quarantaine d’objets. Pour chaque objet, le site propose une courte notice scientifique, quelques références et des renvois vers d’autres ressources en ligne.
Cette exposition virtuelle a été préparée dans le cadre du programme de recherche et d’enseignement « Médecine et société » de la Faculté des sciences de l’Université de Fribourg, sous la direction d’Alexandre Wenger et Radu Suciu, avec la collaboration de Julien Knebusch et Bénédicte Prot.
sur le web
14-18 : Archibald Reiss, un Suisse dans la tourmente
Dans un article consacré à la Serbie durant la Première Guerre mondiale, Mediapart ((«Serbie héroïque, Serbie martyre», le désastre de 1915 – Page 1 | Mediapart
http://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/290614/serbie-heroique-serbie-martyre-le-desastre-de-1915?page_article=1)) nous fait découvrir la personnalité d’Archibald Reiss, un Suisse qui fut chargé par la Serbie de mener l’enquête sur les exactions perpétrées par les troupes austro-hongroises lorsqu’elles pénétrèrent en août 2014 en Serbie occidentale. Retour sur le parcours peu commun d’un personnage qui s’inscrit dans la tradition helvétique de l’expert international.
Archibald Reiss (1875-1929) CC BY-SA 3.0 Ce fichier ne fournit pas d’information à propos de son auteur. — originally uploaded on sr.wikipedia.org
L’article de Wikipedia ((https://fr.wikipedia.org/wiki/Rodolphe_Archibald_Reiss)) consacré à Rodolphe Archibald Reiss (1875-1929), nous apprend que celui-ci est né le 8 juillet 1875 à Hechtsberg (Grand-Duché de Bade) et mort le 8 août 1929 à Belgrade (Royaume de Yougoslavie). Il s’agit d’un pionnier de la police scientifique et de la criminalistique moderne, il est notamment le fondateur de l’Institut de police scientifique de l’Université de Lausanne, première école de police scientifique au monde.
Né dans le Grand-Duché de Bade, Archibald Reiss passe son adolescence à Karlsruhe avant d’émigrer à Lausanne où il débute ses études et obtiendra la nationalité suisse. Il y étudie la chimie et obtient un doctorat ès sciences. En 1903, il est nommé professeur extraordinaire de photographie scientifique et judiciaire. En 1909, il fonde l’Institut de police scientifique de l’Université de Lausanne, la première école de police scientifique du monde.
Rodolphe A. Reiss/Accident, Rivaz, mai 1913 © Musée de l’Elysée/ Institut de police scientifique, Lausanne
Survient alors le Premier conflit mondial et après les premières victoires de l’automne 1914 contre les Autrichiens, les armées serbes s’effondrent en octobre 1915. Elles entament alors une terrible retraite jusqu’à l’Adriatique. Dès que les troupes autro-hongroises pénètrent en août 1914 en Serbie occidentale :
« les paysans qui ne sont pas tués sont expulsés ou déportés, « inaugurant » ainsi les camps de concentration répartis à travers tout l’Empire austro-hongrois. Certains retrouvèrent cette fonction durant le second conflit mondial, comme Mathausen. L’état-major austro-hongrois considérait tous les civils serbes comme des ennemis en puissance et entendait « faire payer » à la Serbie l’attentat de Sarajevo. »
«Serbie héroïque, Serbie martyre», le désastre de 1915 – Page 1 | Mediapart
Pour établir scientifiquement la vérité des faits, le gouvernement serbe fait alors appel à Archibald Reiss (1875-1929) – originaire, qui plus est, d’un pays neutre, la Suisse.
« Pour la première fois dans l’histoire, le docteur Reiss mesura des fosses communes, photographia des amoncellements de corps, collecta les traces matérielles des crimes dans les villages libérés par les armées serbes. Il appliqua les instruments nouveaux de la médecine légale et de la police scientifique à l’étude des crimes de guerre. »
«Serbie héroïque, Serbie martyre», le désastre de 1915 – Page 1 | Mediapart
Pour la première fois, un expert établit scientifiquement le relevé et la description des violations des « lois et coutumes de la guerre » et des crimes contre les civils commis par une armée en campagne. A ce titre, Archibald Reiss s’inscrit dans une tradition suisse de l’expert international, comme a pu l’être, au 19e siècle, le juriste suisse et co-fondateur, puis premier président de la Croix-Rouge, Gustave Moynier (1826-1910) ((https://fr.wikipedia.org/wiki/Gustave_Moynier)).
« Tout ce que l’on peut encore voir dans ce malheureux village de Prnjavor, ce sont des maisons brûlées et des fosses communes dans lesquelles sont entassés les cadavres mutilés de nombreux hommes, femmes et enfants. (…) Près de la gare de Lesnica se trouve une grande fosse commune de 20 mètres de longueur, 5 mètres de largeur et 2 mètres de profondeur. Dans cette fosse, sont ensevelis 109 paysans de 8 à 80 ans »
Archibald Reiss, Comment les Austro-hongrois ont fait la guerre en Serbie. Observations directes d’un neutre, Paris, Armand Colin, 1915, cité par Mediapart.
Archibald Reiss embrassera la cause serbe et s’installa à Belgrade à la fin de la guerre, où il mourut en 1929. Selon Mediapart
« Conservateur idéaliste, Reiss était à la recherche d’une société traditionnelle et patriarcale, organisée autour de la figure du « soldat-laboureur ». Il avait cru d’abord la voir en Suisse, avant de la découvrir en Serbie. »
En 1921, un article de La Tribune de Genève le décrivait comme un homme nostalgique :
« Sa maison est un véritable musée de décoration et de reliques de guerre. M. Reiss vit au milieu de ces souvenirs et lorsque l’ennui le prend il ne va point en Europe, pas même dans sa bonne ville de Lausanne. Il va tout simplement en Macédoine, faire une tournée, monter sur un vieux cheval, avec sa fidèle carabine sur le dos. Ainsi vit simplement, sans prétentions, l’ancien professeur lausannois dans sa maisonnette de Topcidersko Brdo » ((maisonnette construite par lui-même dans le style traditionnel paysan où les amis de Reiss aimaient se rencontrer, dans cette intimité si particulière.))
Rodolphe Archibald Reiss : un Suisse qui passionne les Serbes : Regards croisés
http://regardscroises.blog.tdg.ch/archive/2009/09/14/rodolph-archibald-reiss-un-suisse-qui-passionne-les-serbes.html
A sa mort, il lèguera sa fortune, ses médailles, une partie de ses décorations et des cadeaux au canton de Vaud (Wikipedia).
Liens complémentaires et bibliographie :
- Rodolphe Archibald Reiss : Le Théâtre du Crime – Exposition temporaire : http://www.belgique-tourisme.qc.ca/informations/evenements-mont-sur-marchienne-rodolphe-archibald-reiss-le-theatre-du-crime-exposition-temporaire/fr/E/63978.html
- http://actuphoto.com/27637-trois-expositions-collectives-au-musee-de-la-photographie-a-charleroi.html
- Rodolphe Archibald Reiss : un Suisse qui passionne les Serbes : http://regardscroises.blog.tdg.ch/archive/2009/09/14/rodolph-archibald-reiss-un-suisse-qui-passionne-les-serbes.html
- «Serbie héroïque, Serbie martyre», le désastre de 1915 – Page 1 | Mediapart : http://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/290614/serbie-heroique-serbie-martyre-le-desastre-de-1915?page_article=1
- Quinche, N. (2011). Sur les traces du crime : de la naissance du regard indiciel à l’institutionnalisation de la police scientifique et technique en Suisse et en France. L’essor de l’Institut de police scientifique de l’Université de Lausanne. Genève : Slatkine, 686p., (Coll. Travaux des Universités suisses), (Thèse de doctorat de l’Université de Lausanne).
- Quinche, N. (2010). Bombes et engins explosifs sous l’œil du criminaliste : le travail de l’expert à l’Institut de police scientifique de l’Université de Lausanne (1904-1919). In Revue historique vaudoise, p. 175-191.
- Quinche, N. (2010). L’ascension du criminaliste Rodolphe Archibald Reiss. In Le théâtre du crime : Rodolphe A. Reiss (1875-1929). Lausanne : Presses polytechniques et universitaires romandes, p. 231-250. (Compte rendu in Fotogeschichte, printemps 2010).
- Quinche, N. (2010). Reiss et la Serbie : des scènes de crime aux champs de bataille, l’enquête continue. In Le théâtre du crime : Rodolphe A. Reiss (1875-1929). Lausanne : Presses polytechniques et universitaires romandes, 2009, p. 289-306.
1914-1918 : La Cinématèque du Centenaire
Dans le cadre de la Mission du Centenaire 14-18, Laurent Véray propose un découpage de la production cinématographique consacrée à 14-18.
Dans leur ouvrage consacré à l’historiographie de la Première Guerre mondiale paru en 2003, Jay Winter et Antoine Prost ((Prost, A. & Winter, J. (2003). Penser la Grande Guerre. Un essai d’historiographie. Paris: Seuil. A lire aussi sur ce site : Films & Première guerre mondiale)) identifiaient trois configurations historiographiques majeures du conflit :
- La première, née au coeur même de la guerre, est surtout d’ordre militaire et diplomatique (politique).
-
Une deuxième étape était perceptible à la fin des années 1950. Après la guerre “vue d’en haut” vient le temps de la guerre “vue d’en bas.
-
La dernière séquence, qui émerge dans la décennie 1980, cherchit à constituer la «culture de guerre» —sur les contraintes et l’encadrement qui pèsent sur les individus ou leur adhésion volontaire— et étudie la “brutalisation” qui résulte de l’expérience de guerre.
Dans le cadre de la mission centenaire, Laurent Véray propose pour sa part un découpage de la production cinématographique consacrée à 14-18. Son découpage comporte quatre périodes :
1. Une phase héroïque et patriotique de 1909 à 1919, destinée à cimenter l’unité nationale en valorisant l’effort de guerre.
Charlot soldat
2. Une phase commémorative, plus réaliste et intrinsèquement pacifique de 1920 à 1950.
3. Une période critique après la Deuxième Guerre mondiale de 1951 à 1989 avec une tendance très affirmée à la transgression, voire à l’antimilitarisme.
Les Sentiers de la Gloire de Kubrick
4. La quatrième phase (1990-…) intervient après la Chute du Mur de Berlin et du communisme, la résurgence des nationalisme et le retour de la guerre en Europe qui aboutit à la patrimonialisation et la mise en mémoire du conflit.
Pour chacune de ces périodes, la Mission du Centenaire et Laurent Véray ont établi une sélection de films devant permettre de dégager les originalités thématiques et esthétiques des films considérés comme les plus importants de 1910 à nos jours. Bien évidemment, comme la production historiographique, ces films sont révélateurs de préoccupations et des questions du moment de leur réalisation et ils peuvent également prendre des libertés avec le discours historiographique de leur temps.
Le dossier de la Mission du Centenaire 14-18 : http://centenaire.org/fr/autour-de-la-grande-guerre/cinema-audiovisuel/la-cinematheque-du-centenaire
D-Day : les commémorations, les médias sociaux et l'enseignement de l'histoire
En 2014, les commémorations historiques sont sur les médias sociaux ou ne le sont pas et elles se succèdent à un rythme soutenu. Depuis 2013, les commémorations de la Première Guerre mondiales ont été lancée (Kaufmann, L. (2013). 14-18, le centenaire en phase d’approche serrée . Le Café pédagogique, No 143, mai) et ce mois de juin déboulent le 70e anniversaire des commémorations du Débarquement anglo-américain en Normandie. Je vous propose un panorama suggestif des commémorations proposées sur les réseaux sociaux ainsi qu’une mise en perspective.
L’opération «Overlord» est un puits sans fond notamment pour les cinéphiles comme pour les ludophiles. La débauche des techniques et des moyens employés (6000 navires, les barges de débarquement, plus de 10’000 avions, les tanks, les canons) et le côté dramatique d’un débarquement de quelques 160’000 hommes (fantassins et parachutistes essentiellement) l’explique probablement.
En outre, très rapidement, les Anglos-américains médiatisent ce débarquement. En effet, en 1945 déjà, paraît un documentaire intitulé « The True Glory » (1945). Il s’agit d’une co-production de l’Office américain de l’information de guerre (US Office of War Information) et du ministère britannique de l’Information (British Ministry of Information). Cette réalisation a alors pour but de mettre en évidence la victoire acquise par les troupes anglo-américaines sur le front de l’Ouest et leur rôle dans la chute du Troisième Reich. Il s’agit à ce moment-là de contrebalancer le rôle joué par les troupes soviétiques dans cette chute. La Guerre froide pointe déjà le bout de son nez. ((Kaufmann, L. (2011). L’enquête historique à l’âge d’Apocalypse. Le Café pédagogique, No 127, novembre))
D-Day et cinéma
Du côté de l’Huffington Post, celui-ci nous propose de revivre le 6 juin 1944 étape par étape au moyen du cinéma.. Depuis 1947, une trentaine de films ont retracé, réécrit ou réinterprété la préparation, le déroulement et les conséquences de cette journée du 6 juin 1944. Evidemment c’est le point de vue anglo-saxons qui est développé :
Débarquement de Normandie : le cinéma vous fait revivre le 6 juin 1944 étape par étape | http://www.huffingtonpost.fr/2014/06/05/debarquement-normandie-cinema-revivre-6-juin-1944_n_5443293.html
On pourra également se référer à mon billet suivant : Film & Histoire : Le débarquement de Normandie https://lyonelkaufmann.ch/histoire/2010/07/27/film-histoire-le-debarquement-de-normandie/
D-Day : les jeux de société refont l’opération Overlord
Les éditeurs ont inventé de nombreux jeux qui ont pour thème le Débarquement du 6 juin 1944.
Le Débarquement est une source inépuisable pour les créateurs de jeux. Le temps d’une partie vous serez dans la peau d’un GI ou d’un tankiste allemand… On peut trouver sur le marché deux types de modèle ludique: les jeux de stratégie à thème historique et les jeux de simulation historique. Les premiers ont des règles simples et sont conçus pour le grand public. Les seconds sont plus pointus et s’adressent essentiellement aux férus d’histoire. À l’occasion du 70e anniversaire du Jour J, Le Figaro vous présente une sélection de six jeux.
D-Day : les jeux de société refont l’opération Overlord | http://www.lefigaro.fr/culture/2014/06/06/03004-20140606ARTFIG00020-d-day-les-jeux-de-societe-refont-l-operation-overlord.php
Le Débarquement anglo-saxon en Normandie sur Twitter ou Facebook
Après le poilu Léon Vivien et sa page Facebook nous retraçant le déclenchement de la Première Guerre mondiale, c’est le tour de Louis Castel (https://twitter.com/louiscastel44 et https://www.facebook.com/louiscastel44), un soldat virtuel qui raconte sur les réseaux sociaux le Débarquement de Normandie.
Depuis le 19 décembre 2013, Louis Castel, personnage de fiction, créé à partir des témoignages issus des fonds du Mémorial de Caen, fait revivre jour après jour jour l’approche du débarquement. Après des mois de préparation, le 6 juin Louis Castel débarque à Omaha Beach. Une aventure à suivre sur Facebook (24 000 amis) et Twitter (5 446 abonnés).
70 ans après, les musées et médias racontent le Jour J et la libération en version numérique
http://www.club-innovation-culture.fr/70-ans-apres-les-musees-et-medias-racontent-le-jour-j-et-la-liberation-en-version-numerique/
Cette utilisation des médias sociaux par les musées sont à mettre en perspective, notamment avec l’affiche suivante présentant l’exposition « On a tous 70 ans » du Mémorial de Caen :
A la suite d’Adrien Genoudet sur Culture visuelle (« On a tous 70 ans » (!) | Fovéa : http://culturevisuelle.org/fovea/archives/723), je partage l’avis que cette personnalisation de la guerre au travers de récits virtuels est une «idée est tout aussi étrange que celle de parrainer un enfant juif disparu à l’école primaire», entreprise que nous avions dénoncée en son temps (Chaque écolier devra connaître une victime de la Shoah (France)
https://lyonelkaufmann.ch/histoire/2008/02/14/chaque-colier-devra-connatre-une-victime-de-la-shoah-france/). A. Genoudet poursuit en soulignant qu’
«En regardant cette affiche qui n’est que l’énième reflet d’une politique mémorielle nationale qui tourne à vide, je commence à me demander ce qu’ils attendent de ces nouvelles générations ? Au regard de cette affiche et de ce joli programme de commémoration il semble que nos générations n’aient le seul choix du spectateur, de celui qui regarde le passé les bras croisés, qui contemple un passé héroïque de milliers de soldats. Nous devons, en somme, envier une position confortable de jeunes dans une société apaisée et pacifique tout en revêtant une posture révérencieuse.»
et que ces affiches seraient symptomatiques
«d’une nouvelle trouille de l’histoire et d’un manque profond de confiance dans les nouvelles générations. Ces adolescents qui regardent le hors champ de l’affiche regardent un avenir à travers une vitre recouverte d’images du passé. Quand permettrons-nous aux nouvelles générations de s’approprier l’avenir en lui laissant toute la force de l’âge ?»
Le D-Day et le tourisme de la mémoire
Depuis quarante ans, le Débarquement anglo-américain en Normandie a pris un grand virage commémoratif et un tourisme de la mémoire s’est développé. Par ailleurs, à ce sujet comme pour d’autres commémorations, on assiste à une saturation commémorative et on ne cesse de nous rabâcher avec la question du devoir de mémoire qu’impliquerait ce type d’événement.
Dans le journal Le Monde, l’historien Claude Quétel
((La bataille de Normandie en neuf points |
http://abonnes.lemonde.fr/archives/article/2014/06/04/la-bataille-de-normandie-en-neuf-points_4432006_1819218.html)) nous rappelle que Le tourisme dit de mémoire a pris une importance considérable en Normandie. Des sites comme la pointe du Hoc et ses trous de bombes ou le cimetière américain de Colleville-sur-Mer et ses 10 000 tombes devant Omaha Beach accueillent plus d’un million et demi de visiteurs par an. ce grand virage commémoratif fut pris par François Mitterrand à l’occasion du quarantième anniversaire. Depuis commémoration et tourisme de la mémoire n’ont cessé de se développer à propos du D-Day.
Pour sa part, Patrick Peccatte ((La commémoration du D-Day et le “devoir de mémoire” rabâché | Déjà vu
http://culturevisuelle.org/dejavu/1656)) s’intéresse à cette saturation commémorative et à ce rabâchage du devoir de mémoire que ce type d’événement génère. Pour Pécatte,
« Galvaudé, réduit à une vague injonction morale, le devoir de mémoire est devenu sous la plume de journalistes peu inspirés un successeur à la mode des “archaïques” souvenir et hommage. Plus généralement d’ailleurs, les formules composées à partir du mot mémoire [devoir de, travail de, transmission de, etc.] sont répétées comme des matras dans les médias. Rabâchée, l’expression devoir de mémoire est considérée sans doute comme étant “dans l’air du temps”, mais sa signification semble parfois mal maîtrisée.»
Peccatte poursuit en nous rappelant ce qu’est le devoir de mémoire, terme si galvaudé,
« Apparu au début des années 1990, le devoir de mémoire désigne une obligation morale à entretenir la mémoire de populations souffrantes, le souvenir de victimes lors de guerres ou d’actes violents passés et la nécessité de préserver la spécificité de ce souvenir (destruction des juifs et des tziganes lors de la Seconde guerre mondiale, déportés, victimes civiles, minorités persécutées, traite négrière et esclavage, colonisation, etc.). Le devoir de mémoire accompagne aussi la reconnaissance de responsabilités de la part d’États, de nations ou de régimes politiques – cf. en France les lois sur la mémoire des Juifs (2000), des Arméniens (2001), des descendants d’esclaves (2001), des harkis et des rapatriés (2005). »
Puis il pose une question fondamentale à propos du D-Day : ce devoir de mémoire s’applique-t-il au souvenir du débarquement et de la bataille de Normandie ?
Il se réfère ensuite au travaux de Sébastien Ledoux qui a fait l’objet d’une de nos chroniques pour le Café pédagogique et d’un interview avec cet auteur (Kaufmann, L. (2013). Histoire du devoir de mémoire et enseignement de l’histoire, une interview de Sébastien Ledoux. Le Café pédagogique, No 142, avril)
Au final, pour Pécatte et pour la France, les commémorations du D-Day contribuent, à partir des années 1990,
«à forger un récit national du débarquement, de plus en plus éloigné de l’interprétation strictement militaire (l’ouverture d’un nouveau front à l’ouest) et politique (ne pas laisser les Soviétiques gagner seuls la guerre sur le continent) qui prévalait auparavant. […] Dans le contexte de la commémoration en question, ce concept imprécis et discutable ne semble pas réellement pertinent.»
Et pendant ce temps-là à l’Est…
Après avoir parcouru ces quelques ressources dénichées sur les médias sociaux en lien avec le Débarquement anglo-américain en Normandie et ses commémorations du 70e anniversaire, replaçons-le par rapport au conflit lui-même et mettons-le en parallèle avec l’effort soviétique et plus particulièrement la bataille de Stalingrad (« D-Day » : sans le sacrifice des soldats soviétiques, pas de victoire : http://rue89.nouvelobs.com/2014/06/06/d-day-sans-sacrifice-soldats-sovietiques-victoire-252742) :
« le sacrifice des soldats soviétiques, pas de victoire finale. Sans Stalingrad, le débarquement anglo-américain aurait été impossible. Pourquoi, alors, ne l’enseigne-t-on pas ainsi aux petits Français ?
Parce que l’Histoire est fabriquée par les contingences du moment. Parce qu’il était impossible, pendant la guerre froide, de reconnaître que la France devait sa liberté à l’URSS, analysait sur France Inter, ce matin, l’historien Denis Peschanski (http://www.franceinter.fr/emission-linvite-de-7h50-denis-peschanski-0), président du conseil scientifique du Mémorial de Caen. Et de rappeler aussi comment l’appréciation, par les Français, du rôle de l’URSS dans la seconde guerre mondiale avait varié après-guerre, en fonction des vicissitudes politiques.»
Dans le journal Le Monde, Claude Quétel, historien, directeur de recherche au CNRS et auteur du «Dictionnaire du Débarquement (2011) et du Débarquement pour les Nuls (2014), met également en évidence que l’armée allemande est déjà à bout de souffle quand commence le Débarquement :
«En fait, le IIIe Reich a pratiquement perdu toute chance de victoire en échouant devant Moscou, à l’hiver 1941. A cette date, sur le papier, les Allemands ont perdu la guerre. Ils n’ont pas le souffle pour durer. Ils pensaient participer à une course de vitesse pour conquérir l’Europe. En fait, le 100 mètres s’est transformé en un marathon.
Les Français et surtout les Normands ne parlent que de la bataille de Normandie. C’est normal, sans doute. Mais, c’est oublier l’opération Bagration sur le front de l’Est. Il ne faut jamais perdre de vue que les Allemands ont dû se battre sur deux fronts, à l’ouest et à l’est, deux marathons en fait ! Le 22 juin 1944, un peu plus de quinze jours après le Débarquement en Normandie – et trois ans jour pour jour après l’invasion de l’Union soviétique par les armées nazies -, Staline attaque, de son côté, les troupes hitlériennes. Objectif : maintenir un maximum de divisions allemandes à l’Est afin de faciliter la progression des Alliés à l’Ouest. Staline met le paquet. Pour cette opération, pas moins de 166 divisions, 1 300 000 hommes, 5 000 avions, 2 700 chars… sont mobilisés. Le front principal n’est pas celui qu’on croit en Normandie : il est à l’Est. Cette offensive soviétique, la plus grande depuis le début de la guerre, a été souvent occultée dans le monde occidental pour cause de guerre froide et de réécriture de l’Histoire.»
La bataille de Normandie en neuf points |
http://abonnes.lemonde.fr/archives/article/2014/06/04/la-bataille-de-normandie-en-neuf-points_4432006_1819218.html
Au terme de ce parcours, il m’apparaît fondamental pour un enseignement en classe d’histoire de replacer le Débarquement anglo-saxon en Normandie dans le contexte global du conflit et plus particulièrement en lien avec le front de l’Est. Il s’agit aussi de le mettre en perspective avec la suite, soit la Guerre froide, de telle sorte à comprendre et suivre le fil du récit déployé dès 1945 par les Anglos-saxons depuis le Débarquement, en passant par la bataille des Ardennes, jusqu’à la libération des camps de concentration.
Europeana, la bibliothèque numérique européenne s’enrichit d’1 million de nouvelles images libres de droit
En avril 2014, la Bibliothèque européenne Europeana a ajouté plus d’1 million de nouveaux éléments à sa collection en ligne. La majorité de ces nouvelles collections est en open content et réutilisable librement.
« La ronde de nuit » de Rembrandt Collection Rijksmuseum
Les bases de données Europeana se composent aujourd’hui de plus de 33 millions d’articles (textes, images, sons, vidéos). Provenant de bibliothèques, d’archives, de musées et d’institution audiovisuelles de tout le continent, de nouveaux contenus viennent chaque mois enrichir sa collection.
Europeana Labs rassemble les données réutilisables, c’est à dire qui bénéficient d’une licence ouverte, et propose un accès direct aux fichiers de ces médias. Le blog Europeana Labs vient d’annoncer que plus d’un million de nouveaux éléments ont été ajoutés à la plateforme en avril dernier, la majorité de ces nouvelles collections étant libres de droits et réutilisables.
Parmi les exemples récents de jeux de données réutilisables
- ensemble des ressources du Rijksmuseum – plus de 110 000 peintures, dessins, statues et autres œuvres d’art;
- événements historiques dans les peintures du musée d’Amsterdam – 212 peintures dépeignant des événements historiques notables.
14-18 : La Grande Guerre des Canadiens
Découvrez la série radio et le site web sur la guerre de 1914-1918 vécue par les Canadiens français. Regardez les photos et écoutez les récits inédits fournis par les familles et des collectionneurs qui ont répondu à un appel au public d’ICI Radio-Canada. L’histoire officielle côtoie les histoires personnelles d’hommes et de femmes qui ont sacrifié leur jeunesse par idéal ou par obligation.
Les 5 épisodes de la série
Épisode 1 . Le baptême du feu
Le 4 août 1914, le Canada entre en guerre aux côtés des Britanniques contre l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie. Partout au pays, des hommes et des femmes s’enrôlent, pour défendre leur patrie d’origine, par esprit d’aventure, par sens du devoir ou encore pour l’expérience, comme le révèlent les histoires de Richard Steacie, de Blanche Lavallée, d’Arthur Giguère ou d’Erol Lizotte. Le 20 octobre 1914, le 22e Bataillon, premier corps canadien-français, est créé. En avril 1915, les troupes canadiennes participent à leur première grande bataille à Ypres en Belgique : c’est leur baptême du feu.
Épisode 2 : Dans les tranchées
Les soldats canadiens campés dans les tranchées vivent avec les poux, les rats, la boue et le froid. Le 15 septembre 1916, le 22e Bataillon s’empare du village de Courcelette, et les Canadiens français sont enfin reconnus. Pendant ce temps, Blanche Lavallée, une infirmière de Montréal, travaille dans un des deux hôpitaux canadiens-français en banlieue de Paris. En 1916, elle y rencontre Henri Trudeau, un futur aviateur. Cette histoire d’amour durera toute une vie.
Épisode 3 : La vie au Canada
À Montréal, environ 35 000 femmes sont employées dans des usines de guerre. D’autres sont caissières ou conduisent des tramways ou encore, comme Blanche Bessette, sont marraines de guerre. En 1918, les Canadiennes obtiennent le droit de vote au fédéral. Dès 1914, les Canadiens d’origines allemande et austro-hongroise sont envoyés dans des camps d’internement, comme celui de Spirit Lake, en Abitibi. En décembre 1917, le port d’Halifax est détruit par une explosion. En Europe, le Canada gagne la bataille de Vimy, mais au prix de 3600 pertes humaines.
Épisode 4 : La crise de la conscription
À l’été 1917, le premier ministre canadien, Robert Borden, dépose une loi sur la conscription. En automne, le Canada remporte la victoire à Passchendaele, en Belgique, mais perd près de 3000 soldats. Borden donne le droit de vote aux soldats et se fait réélire en décembre 1917. En avril 1918, des émeutes contre l’enrôlement obligatoire éclatent à Québec. Le gouvernement impose ensuite la conscription aux fils de fermiers et aux hommes mariés sans enfants. Partout au Canada, les jeunes travailleurs refusent de partir pour la guerre.
Épisode 5 : La fin de la guerre
À partir de 1918, la grippe espagnole fait 50 millions de victimes dans le monde, dont 14 000 au Québec. Des témoins racontent comment ils ont perdu des membres de leur famille en raison de cette épidémie. La 11e heure du 11e jour du 11e mois de 1918 marque la fin de la Grande Guerre. Cent ans après le début des hostilités, la cicatrice est toujours profonde, mais les descendants de soldats canadiens-français se souviennent néanmoins fièrement de leur aïeul.
Source : ici.radio-canada.ca
8 fournitures scolaires devenues obsolètes et remplacées par des outils technologiques
Mashable nous offre un intéressant article sur 8 fournitures scolaires devenues obsolètes et remplacées par des outils technologiques.

En introduction, Mashable présente les élèves et l’école d’aujourd’hui. Si les élèves utilisent des tablettes à la place de cahiers, si Wikipédia a remplacé des CD-Rom encyclopédique et que les classes sont plus connectées que jamais au monde extérieur, la pression ne se relâche plus sur les élèves. Ceux-ci réalisent leurs devoirs via une application personnalisée, suivant leurs progrès et rapportant leur travail à leurs professeurs. Fini le temps, pour Mashable, où il était facile de partager ses réponses avec ses camarades et de réaliser ses devoirs sans trop s’impliquer personnellement dans le travail !
Cependant le coeur de l’article rassemble huit exemples d’outils de l’ère prénumérique remplacés par de nouvelles technologies. Vous les découvrirez en lisant : 8 Obsolete School Supplies and the Tech That Replaced Them.
Photo Normandie : Viaduc de Clécy
Vue aérienne du viaduc ferroviaire de Clécy qui enjambe l’Orne sur la ligne Caen-Flers.
Selon le récit de l’abbé Joseph Delacotte, il est bombardé plusieurs fois sans jamais être atteint, une bombe touche une arche dont le sommet s’écroule sur la route le 12 août 1944, trois jours avant la libération.
Voir la p011903 juste avant : www.flickr.com/search/?w=58897785@N00&q=p013145
Bombardement par des Martin B-26 Marauder du 323rd Bombardment Group (USAAF – Ninth Air Force). Voir ce film NARA 111-ADC-1924 en 2:43 : www.youtube.com/watch?v=ixYRMCEPcIQ
Ces images du film NARA ont souvent été reprises dans des documentaires ou des docu-fictions. C’est notamment le cas dans la série Apocalypse et de The War. A lire à ce sujet : Kaufmann, L. (2011). L’enquête historique à l’âge d’Apocalypse. Le Café pédagogique, No 127, novembre.
Pour en savoir plus: www.flickr.com/photos/mlq/1258343884/
L’image sur Flickr : https://www.flickr.com/photos/photosnormandie/13919661633/
Faire la guerre avec la peau des autres | Mémorial 14-18.net
Qui a dit :
« La valeur éducative de la guerre n’a jamais fait de doute pour quiconque est capable d’un peu d’observation réfléchie. L’histoire entière le prouve : les époques de forte culture intellectuelle n’apparaissent chez les peuples qu’après qu’ils ont traversé la douloureuse mais féconde école du sacrifice sanglant […].»
Vous l’apprendrez en consultant le blog Mémorial 14-18.net de Fabrice Bompard, passionné d’histoire et doté d’une bonne plume. Ce dernier se propose depuis juillet 2013 de
faire la chronique, plus ou moins régulière, de la période 14-18, celle qui fut bien entendu marquée par la première guerre mondiale et dont nous allons bientôt célébrer le centenaire.
Je vais donc faire « comme si » je vivais il y a cent ans. Tous mes articles évoqueront cette époque « comme si » elle faisait notre actualité commune. Je ne sais pas si j’y parviendrai car il est très facile de tomber dans l’anachronisme ou de prévoir un peu trop rapidement la suite d’événements connus de tous. En tous les cas, je vais essayer.
Le billet où vous trouverez la réponse à cette question : Faire la guerre avec la peau des autres http://www.memorial-14-18.net/?p=2282
Histoire : comment les Albanais perçoivent-ils la Première Guerre mondiale ? – Le Courrier des Balkans
L’historien Shkelzen Gashi a analysé les livres d’histoire en Serbie, en Albanie et au Kosovo. Il a ainsi constaté que les textes albanais ne mentionnent pas du tout l’existence, dans l’Albanie du début du vingtième siècle, de différents mouvements politiques aux positions inconciliables. Au contraire, on parle d’un mouvement national homogène, avec des objectifs clairement identifiés. Les auteurs des livres kosovars et albanais ont souvent recours au cliché du « peuple qui résiste à l’unisson contre l’envahisseur ». Cette résistance aurait été conduite par Idriz Seferi dans la zone d’occupation bulgare et par Azem Bejta dans la zone d’occupation autrichienne. On ne trouve nulle part mention des batailles communes menées par Azem Bejta et les Serbes locaux contre les forces austro-hongroises. Shkelzen Gashi note également que, dans ces mêmes livres, on ne fait jamais mention des crimes commis par les Albanais contre les Serbes. Les criminels sont toujours les autres, tandis que « notre peuple » serait toujours la victime.
Source: Histoire : comment les Albanais perçoivent-ils la Première Guerre mondiale ? – Le Courrier des Balkans.