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Histoire Lyonel Kaufmann

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Résultats de la recherche pour : esclavage

1848-2018, à la recherche des barricades oubliées | Libération

26 juin 2018 by Lyonel Kaufmann

En partant de daguerréotypes pris dans la rue du Faubourg-du-Temple, le journal Libération nous propose un retour sur l’insurrection ouvrière de juin 1848 à Paris. En élargissant la focale, on retrouve un quartier, ses habitants, une ambiance. Le chercheur Olivier Ihl avait identifié le photographe et le lieu de la prise de vue, «Libé» a refait le cliché 170 ans plus tard. Que reste-t-il du Paris populaire et de ces journées écrasées dans le sang ?

Les 25 juin 1848 et 2018. (Photos Charles-François-Thibault (Version retouchée Wikipédia. Musée d’Orsay) et Denis Allard pour Libération)

Juin 1848. Un matin pas comme les autres rue du Faubourg-du-Temple. Depuis le grenier de la maison du n°92, propriété du jardinier-maraîcher Jean-Pierre Piver, Thibault prépare son étrange machine. Il s’apprête à fixer l’image du quartier sur des plaques de cuivre recouvertes d’argent (daguerréotypes). La capitale est à feu et à sang. Les ouvriers parisiens se révoltent contre la toute jeune Seconde République, née après la révolution de février et la chute du roi Louis-Philippe. Le régime avait soulevé tant d’espoirs, tant d’idées nouvelles : c’est l’époque des socialismes «utopiques», des systèmes en tout genre, des clubs foisonnants, des abolitions de l’esclavage et de la peine de mort en matière politique. Les journaux s’arrachent, les prêtres bénissent des arbres de la liberté. La Commission du Luxembourg devait mettre en application le «droit au travail», mais après la défaite des socialistes aux élections à la Constituante, en avril (au suffrage universel masculin) et surtout la dissolution des Ateliers nationaux (censés garantir l’emploi pour tous), le prolétariat prend les armes. Pas question de se faire confisquer la révolution.

L’ouvrage : La Barricade renversée, histoire d’une photographie, Paris 1848, Editions du Croquant, 2016.

L’article complet de Libération : 1848-2018, à la recherche des barricades oubliées

A lire également : Le photographe des barricades | L’Histoire

Classé sous :Nouvelles de l'histoire, Publications

Les 33 premières années de Lincoln en archives numérisées

24 mai 2018 by Lyonel Kaufmann

Connu comme le président qui a aboli l’esclavage et dont l’élection a provoqué la guerre de Sécession, la figure d’Abraham Lincoln ne cesse de fasciner. L’Abraham Lincoln Presidential Library and Museum (ALPLM), dans l’Illinois, a numérisé et mis en ligne tous les documents relatifs aux trente premières années du Président. On y retrouve, pêle-mêle, gribouillages d’enfance, documents personnels et oppositions législatives à l’esclavage.

Affidavit d’Abraham Lincoln concernant Joseph Tibbs, 4 January 1833

Le projet « The presidential library’s Papers of Abraham Lincoln », mis à la disposition des chercheurs, des enseignants ou encore de tous les curieux, sur le site de la Bibliothèque — celui-ci sera amélioré au fur et à mesure des retours des usagers —, couvre les trente premières années de l’un des présidents les plus aimés de l’histoire des États-Unis. Tout débute à sa naissance, en 1809, jusqu’à la fin de sa carrière législative, en 1842.

Au total, on retrouve 340 documents qui ont été écrits par ou à Lincoln. L’ALPLM propose aussi la lecture de 4 839 documents concernant le contexte historique. Le document le plus insolite ? Un petit classeur, utilisé par Lincoln lorsqu’il était élève. Il y apprend à soustraire, multiplier, diviser ou encore calculer. Y sont annotés également quelques petits commentaires et… des poèmes.

Source : Les 33 premières années de Lincoln en archives numérisées

Classé sous :Humanités Digitales, Nouvelles de l'histoire, Publications

La participation de Suisses à la traite négrière

24 mai 2018 by Lyonel Kaufmann

Olivier Pavillon, «Des Suisses au cœur de la traite négrière», Lausanne, Antipodes, 2017, 159 pages

Recension de l’ouvrage par Pierre Jeanneret pour Domaine public

La participation de familles suisses au commerce des esclaves a longtemps été un sujet négligé par l’historiographie nationale. Tabou, silence délibéré sur un épisode aujourd’hui considéré comme honteux? Un ouvrage pionnier a contribué à faire la lumière: celui de Tomas David, Bouda Etemad et Janick Marina Schaufelbuehl, La Suisse et l’esclavage des Noirs (Antipodes, 2005).

Olivier Pavillon, directeur du Musée historique de Lausanne durant de nombreuses années, apporte de nouveaux éclairages. Son livre est constitué de trois contributions, la première inédite, alors que les deux suivantes ont paru dans des revues historiques cantonales. Il traite le sujet avec un réel talent de narrateur, et sans porter de jugement moralisateur anachronique. Ses personnages sont d’ailleurs des «seconds couteaux», qui cherchent à acquérir une fortune rapidement, mais qui connaîtront souvent la désillusion, et pour qui la traite négrière n’a représenté qu’une activité marginale et limitée dans le temps.

Le premier texte concerne la famille Larguier des Bancels. Il s’agit de paysans aisés devenus marchands qui, par l’achat d’une seigneurie, ont acquis un titre de «noblesse». On suit leur parcours dès leurs origines dans les Cévennes, qui sont passées à la Réforme. A cause des persécutions religieuses sous Louis XIV, une partie de ses membres s’installent dans le Pays de Vaud.

Certains iront chercher fortune hors d’Europe. François Larguier émigre et débarque en 1770 à l’Ile de France (devenue île Maurice depuis sa conquête par l’Angleterre). Y vivent alors quelque 40’000 habitants, dont plus de 30’000 esclaves. Dans le testament de François, il sera mentionné qu’il possède «61 esclaves, 24 chèvres, 150 cochons et 60 volailles diverses» ainsi qu’une «barre de justice pour nègres avec quatre fers».

L’île est alors au centre d’un intense trafic commercial maritime, où le commerce d’esclaves semble ne jouer qu’un rôle secondaire. C’est un autre intérêt du livre de Pavillon que de nous éclairer de façon vivante sur cet important commerce où l’on transporte – si l’on prend l’exemple du vaisseau l’Agilité qui quitte Marseille en 1783 – vins, gruyère, bœuf salé, farine, fers de Suède, gants, rubans, etc. Et, de retour de l’Ile de France, café, bois tropicaux, d’ébène notamment, porcelaines chinoises…

Mais l’époque de la Révolution française, puis la guerre de course avec l’Angleterre et le blocus maritime décrété par celle-ci provoquent bien des tribulations pour les colons, sans compter les cyclones qui font sombrer nombre de navires. Tout se gâte enfin pour les planteurs de l’île avec l’interdiction de la traite par le Parlement anglais en 1807, puis l’Abolition Bill de 1833, qui libère les esclaves de leurs fers. Finalement, les derniers Larguier rentrent en Suisse. Il ne reste pas grand-chose de leur fortune.

La seconde contribution porte sur la société vaudoise D’Illens, van Berchem, Roguin et Cie, qui finance des navires négriers armés à Marseille, mais pendant une période très brève, en 1790 et 1791. Dès lors, le titre du livre nous paraît un peu hyperbolique: ces Suisses sont-ils vraiment «au cœur» de la traite négrière? Il reste cependant gênant – d’où le long silence des historiens – que ces bateaux se soient appelés Pays de Vaud, Ville de Lausanne ou encore l’Helvétie…

Certes, il y a eu, au 18e siècle déjà, débat sur l’esclavage, la traite et la moralité de ces pratiques, mais rares sont les voix, dans le milieu des négociants protestants marseillais, qui se sont élevées contre elles. Ils sont bien isolés, ceux qui, à l’exemple d’Antoine Liquier en 1777, s’exclament: «Barbares que nous sommes! Nous combinons de sang-froid l’achat et l’esclavage de nos semblables, et nous osons encore parler d’humanité et de vertu.» Au-delà de la question de la traite des Nègres, pratiquée pendant une brève période mais sans état d’âme, ce second texte met en évidence l’intérêt porté par les investisseurs vaudois au grand commerce maritime.

La troisième partie du recueil nous plonge dans une époque ultérieure. Elle est centrée sur la vie d’Alfred Jacques Henri Berthoud (1802-1887), négociant et planteur au Surinam ou Guyane hollandaise. Venant d’une famille de notables neuchâtelois, il s’installe dans la colonie en 1821. Il achète des plantations (incluant leurs esclaves) et devient planteur de café, coton et canne à sucre. Il reviendra en Suisse en 1834 et sera un «propriétaire absentéiste». Des hommes de confiance géreront ses domaines.

C’est un maître relativement «humain»: lorsqu’il liquide ses plantations, il a le souci de «placer [s]es Nègres au mieux possible pour eux». Il répugne notamment à séparer les familles de ses esclaves. En bon protestant, il tente de les christianiser, sans grand succès… Il comprend alors qu’on ne peut imposer le baptême. Avec la volonté constamment répétée dans ses lettres d’agir envers ses esclaves selon sa «conscience», mais où l’on peut percevoir, certes implicite, une sorte de mauvaise conscience. Décidément, la foi chrétienne et l’esclavage sont-ils compatibles?

REPUBLIER

La reproduction de cet article est autorisée et gratuite, mais selon les modalités du présent contrat Creative Commons: activer un lien vers la page ou citer l’URL de celle-ci, https://www.domainepublic.ch/articles/32951 – Merci

Complément : une interview de l’auteur par la RTS (9.12.2017):

https://rtsww-a-d.rts.ch/espace-2/programmes/sous-les-paves/2017/sous-les-paves_20171209_full_sous-les-paves_660dfacd-9012-468d-9eaf-84568c6284b1-128k.mp3?mediaId=9115217

Commander l’ouvrage aux éditions Antipodes : http://www.antipodes.ch/collections/histoire/des-suisses-au-coeur-de-la-traite-et-de-la-colonisation-detail

Classé sous :Histoire savante, Nouvelles de l'histoire, Publications

Officialiser la mémoire de la traite négrière : regards sur deux situations sensibles au Bénin et en France

24 mai 2018 by Lyonel Kaufmann

La patrimonialisation des sites, des événements ou des cultures liées à l’histoire de l’esclavage interroge notre rapport à la mémoire.

Gaetano Ciarcia, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)

Depuis la fin des années 1980, plusieurs mémoires du passé de l’esclavage transatlantique s’expriment avec force dans l’espace public par des actions et des propos officiels (création de journées du souvenir) normatifs (lois mémorielles) ou militants. Ainsi on a vu apparaître certaines initiatives visant à débaptiser des rues portant le noms de négriers célèbres, notamment à Bordeaux et à Nantes.

Certains projets y compris dans la recherche académique, interrogent également la question de la réparation.

De concert avec ces productions, il est possible d’observer, à une échelle globalisée, la tenue de cérémonies ainsi que la transformation monumentale d’anciens sites, ports et comptoirs négriers européens, africains et américains en lieux emblématiques d’une mémoire édifiée considérée comme étant vertueuse par rapport aux diverses formes d’oubli, présentées a contrario comme coupables ou fautives, d’une époque tragique.

Une telle logique se nourrit également de revendications identitaires sur la condition présente – qui serait pour certains à réparer – de ceux qui se réclament être les descendants des populations victimes de la traite négrière.

Inverser le cours du temps

Passer de l’amnésie à une souvenance juste et nécessaire permettrait alors d’inverser le cours du temps et de ses stigmates ; ainsi, de la durée éprouvée à rebours du temps révolu de l’esclavage émergeraient divers devoirs civils, moraux et religieux de mémoire.

La Porte du Non Retour, étape de l’itinéraire de la Route de l’Esclave, Ouidah, Bénin, 2007.
Gaetano Ciarcia, Author provided

De nos jours, sur plusieurs sites africains – anciens ports, comptoirs, itinéraires, lieux de culte, de refuge ou centres de pouvoir – ayant été marqués par la période du commerce négrier, une mémoire désormais patrimoniale du passé de l’esclavage doit souvent combler la rareté ou l’absence de ses traces matérielles à cause notamment de la déperdition des vestiges et des archives pouvant documenter de nos jours les diverses époques et modalités de ce commerce sur le continent.

Dans ces contextes, des récits fondateurs – par exemple celui très discuté inhérent à l’île de Gorée au Sénégal comme lieu proéminent du commerce esclavagiste – jouent une fonction cruciale de catalyseurs de la quête émotionnelle d’un drame historique à actualiser.

Fort Orange et Nassau sur l’île de Gorée au Sénégal, longtemps considéré comme plaque tournante du commerce esclavagiste.
Rama/Wikimedia

Le vodun, mémoire religieuse du passé de l’esclavage au Bénin

La notion de vodun peut indiquer des entités sacrées aux pouvoirs surnaturels et les cultes propres à leur vénération.

Simultanément émanations abstraites de présences métaphysiques et supports concrets (autels, objets, formules incantatoires, substances rituelles, etc.) d’une force qui est à maîtriser de la part des humains, les cultes vodun ont également intégré les effets produits à la fois par la diffusion des religions du Livre et par les phénomènes de la traite négrière, de la colonisation, des phénomènes migratoires.

Au cours du mois de février 1993, le Bénin, pays africain parmi les plus affectés par l’histoire de la traite négrière transatlantique a été le foyer du Festival des arts et de la culture vodun, « Ouidah 92 : Retrouvailles Amériques-Afrique ».

Statue de egun-gun réalisée par Yves Kpède dans le lieu dit Kamuno Gbonu (dit aussi : « place de l’esclave »), Abomey, 2006.
Gaetano Ciarcia, Author provided

Le festival, qui a eu lieu dans l’ancien comptoir négrier de Ouidah à une quarantaine de kilomètres de la capitale économique du pays Cotonou, a coïncidé au Bénin avec la reconnaissance – dirigée par les plus hautes instances gouvernementales – des pratiques populaires vodun. Ces pratiques sont désormais mises en valeur en tant qu’expressions cultuelles d’une mémoire religieuse ayant traversé, à l’époque de la traite négrière, l’Océan.

À l’occasion de Ouidah 92, pendant les 10 jours du festival, la sortie publique des « divinités » traditionnelles de la ville s’est faite en concomitance avec la rencontre entre les délégations des cultes vodun venant du Brésil, d’Haïti, de Tobago.

Au cours du même mois de février 1993, la venue du Pape Jean‑Paul II au Bénin et sa rencontre, dans l’esprit du « dialogue interreligieux », avec les plus importants dignitaires locaux a eu sur l’opinion nationale un impact déterminant dans la reconnaissance publique des croyances et des pratiques dites « animistes ».

Un patrimoine mondialisé

En 1994, le lancement de l’itinéraire « La Route de l’Esclave », toujours à Ouidah, sous l’égide de l’Unesco, a illustré cette volonté d’associer la mise en patrimoine d’un passé perçu comme intangible, mais encore sensible, à l’institution d’une mémoire culturelle et religieuse de la traite négrière.

Dans le cadre d’une gouvernance globalisée de cette mémoire, l’institution moderne d’une tradition religieuse locale, s’identifiant au vodun, a fini par intégrer une vision atlantique, voire mondialisée de l’expérience historique marquée, entre autres, par l’implantation et les métamorphoses des cultes africains dans les nouveaux mondes américains produits par la traite négrière transatlantique.

Célébration de cultes vaudou au Bénin par des descendants d’esclaves, Africa News, 2018.

Ainsi – dans la perspective d’un développement touristique et muséal des lieux et à travers la recherche de programmes en mesure de produire de la coopération internationale – un tréfonds mémoriel, à la fois « autochtone » et diasporique, est devenu un enjeu identitaire et un domaine socio-économique à sensibiliser et à alimenter en souvenirs.

À travers les opérations de valorisation suscitée par diverses entreprises locales et internationales impliquées dans la mise en patrimoine culturel de la période esclavagiste, la dimension désormais cosmopolite du sacré vodun est invoquée par de nombreux acteurs.

Concession de la famille Tchiakpè, ancien lieu de transit des convois d’esclaves avant leur embarquement, autel du vodun Gou, Ouidah, 2012.
Gaetano Ciarcia, Author provided

Ces acteurs sont engagés à la fois dans la perpétuation de leur autorité sur la culture locale et dans la recherche de relations avec des bailleurs de fonds étrangers.

Le cas de Nantes

Nous retrouvons des situations patrimoniales en partie comparables au cas béninois aussi en Europe. À Nantes, par exemple, là aussi à partir des premières années 1990, l’exposition et association Les anneaux de la mémoires et l’ouverture de deux salles entièrement consacrées au passé négrier de la ville dans le musée de l’Histoire de Nantes au Château des ducs de Bretagne on été des événements fondateurs significatifs d’enjeux mémoriels qui sont aussi et surtout des enjeux symboliques et politiques.

En 2012 l’ouverture du Mémorial de l’abolition de l’esclavage a suscité diverses controverses et oppositions qui ont divisé le milieux associatifs et institutionnels de la ville. En fait, à l’époque du lancement du projet du Mémorial, en 1998, l’avenir de cet espace sur les berges de la Loire a oscillé entre deux transformations possibles : musée et centre de documentation sur la traite ou lieu de recueillement, doté d’une dimension éminemment éthique et « compassionnelle ».

Mémorial de Nantes, 2015.
Gaetano Ciarcia, Author provided

Finalement, c’est cette dernière option qui a été privilégiée. Dans ce cadre commémoratif, le souvenir de Nantes, port négrier d’autrefois, s’accompagne de la mise en valeur contemporaine de Nantes, cité désormais cosmopolite, ayant su reconnaître ses responsabilités historiques. Un tel choix avalisé par les plus hautes instances municipales a provoqué des divisions et des retentissements dans l’arène politique locale.

Il s’agirait donc d’une politique commémorative municipale issue de la volonté implicite d’instituer une inversion du stigmate. Autour de la conception du Mémorial, une logique de la « réconciliation » a été donc incitée par les pouvoirs publics dans une ville qui, jusqu’au début des années 1990 s’était plutôt distinguée pour le silence de ses élites sur le passé de la traite négrière.

Sur le choix d’un Mémorial consacré à l’abolition par la France de l’esclavage et non pas au souvenir de son rôle d’ancienne puissance esclavagiste ou aux luttes menées par les esclaves, plusieurs associations et historiens se sont dits et se disent en désaccord.

Enjeux et conflits de mémoire

À travers l’invention de dispositifs commémoratifs comme « La Route de l’Esclave » au Bénin ou le « Mémorial de l’abolition de l’esclavage » de Nantes, la restitution monumentale du passé de la traite négrière transatlantique intègre des pratiques mémorielles locales.

Ces dernières se caractérisent par des interprétations – émanant des contextes locaux – qui se voudraient politiquement correctes et relativement consensuelles, mais qui en réalité intègrent des intentions commémoratives pouvant être perçues par leurs visiteurs comme partiales et paradoxales.

Il est alors possible de voir sur la Route de l’Esclave béninoise les statues des rois de la dynastie esclavagiste des rois d’Abomey rappelant la résistance à la colonisation française et préfigurant la fondation de l’État national contemporain ; à Nantes, le souvenir de la déportation négrière être absorbé par la célébration de l’abolition et la mise en scène d’une ville qui aurait vertueusement retrouvé et su organiser sa mémoire embarrassante.

Dans ces contextes, les mémoires instituées du passé de l’esclavage sont l’expression d’intentions conflictuelles étant à la fois en quête d’un consensus ayant une portée culturelle au sens large et significatives de positionnement locaux. Ces positionnements peuvent s’opposer à une interprétation politiquement correcte des faits de l’histoire, tout en participant à la circulation d’un devoir de mémoire mondialisé comme, à titre d’exemple, celui qui est suscité par l’Unesco.

Les tentatives de produire un art de la pacification des diverses mémoires en jeu semble alors coïncider aussi avec la reconnaissance incertaine d’une qualité patrimoniale, anthropologique et historique d’origines dramatiques qui peuvent aujourd’hui être pensée comme une source féconde d’héritage moral et, in fine, de tolérance et cosmopolitisme.

Les routes de l’esclavage (¼), Arte, mai 2018.

Une mémoire inclusive en attente

Néanmoins, la volonté politique conciliatrice prônant une « bonne » gouvernance mémoriale du passé de l’esclavage fait encore aujourd’hui – en France comme au Bénin – l’objet d’attaques de la part d’individus et de groupes qui s’affirment comme descendants, toujours en situation de conflit, de populations ayant été autrefois victimes de la déportation ou s’étant révoltées contre le système esclavagiste.

Ces groupes et ces individus se ressentent en effet minorés ou non représentés par le bien mémoriel institué en question, à cause du fait que, tout en adhérant à la logique désormais globalisée d’un devoir moral et politique de mémoire publique à instituer, ils ne reconnaissent pas des projets tels la Route de l’Esclave à Ouidah ou le Mémorial de l’abolition de l’esclavage de Nantes comme étant les leurs.

Le général Toussaint Louverture, XIXᵉ siècle.
NYPL Digital Gallery/Wikimedia

Ainsi, le même espace peut parfois faire l’objet d’actions cérémonielles qui sont antagonistes entre elles. Par exemple, lors de la journée du 10 mai à Nantes, où, régulièrement les représentants officiels de la municipalité commémorent l’abolition française de la traite négrière, des associations de militants insistent sur la responsabilité historique de l’État français dans la déportation esclavagiste.

En marge des manifestations officielles et dans une apparente absence de dialogue avec les autorités, ces derniers préfèrent honorer le souvenir de figures historiques, comme celle de Toussaint Louverture, qu’ils considèrent négligées par les programmes officiels et par la scénographie commémorative.

The ConversationIl s’agit donc de situations polémiques où des antagonismes entre les divers acteurs impliqués dans l’institution d’une mémoire publique de la traite négrière transatlantique participent de rapports de force constamment en devenir.

Gaetano Ciarcia, Anthropologue, IMAf, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)

This article was originally published on The Conversation. Read the original article.

Classé sous :Histoire savante, Nouvelles de l'histoire, Opinions&Réflexions Balisé avec :débats, esclavage, Histoire, mémoire

De l’esclave à la négritude : une histoire du mot « Noir »

10 mai 2018 by Lyonel Kaufmann

Vidéo | En cette journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions, voici un retour en vidéo sur l’histoire de la désignation de « Noir » et ses usages depuis l’Antiquité ; un vocale qui forme avec le mot « Blanc » le revers d’une même médaille coloniale.

L’histoire de la désignation de « Noir » et de ses usages depuis l’Antiquité révèle des aléas dont le nœud se situe au paroxysme de la traite négrière, au XVIIe siècle.

Source et lire la suite : De l’esclave à la négritude : une histoire du mot « Noir » | France Culture

Source de l’image : Pantins, couple de Noirs, 1er quart du 20e siècle• Crédits : © Conservation des musées et expositions de sites du Parc naturel régional des Vosges

Classé sous :Histoire savante, Nouvelles de l'histoire, Opinions&Réflexions

Des chercheurs français renouvellent l’étude des génocides – La Croix

17 février 2018 by Lyonel Kaufmann

64 historiens et professeurs ont remis le vendredi 16 février au gouvernement et à l’Elysée un rapport sur « la recherche et l’enseignement des génocides et des crimes de masse ». Ils préconisent une « politique de soutien » aux chercheurs et valorisation des recherches comparatives développées en France depuis une vingtaine d’années.

C’est l’aboutissement d’un long travail mené sous la direction de l’historien Vincent Duclert par une cinquantaine de chercheurs. La Mission d’étude sur la recherche et l’enseignement des génocides et des crimes de masse, instituée en 2016, rend ce vendredi 16 février son rapport aux ministres de la recherche et de l’éducation nationale et au président de la République.

Les auteurs y invitent l’État à prendre conscience des avancées de la recherche française. Ils souhaitent la rendre plus visible sur la scène internationale, notamment par la création, en France, d’un Centre international de ressources pour les génocides, les crimes de masse, les violences extrêmes et les esclavages (Cire).

Les recommandations de la mission

  • Associer l’étude des génocides, crimes de masse et violences extrêmes à celle des esclavages et des déshumanisations.
  • Mettre en réseau les équipes et constituer une tête de pont pour représenter la recherche française à l’étranger.
  • Rapprocher les chercheurs en sciences sociales et les enquêteurs judiciaires.
  • Soutenir les chercheurs visés par les négationnismes.
  • Étendre la politique des archives et la porter au niveau européen et international.
  • Effectuer un plan de formation des élus, des fonctionnaires et de certaines professions.
  • Instituer une « Semaine de la recherche et de la connaissance des génocides et des violences extrêmes » dans les établissements scolaires.

Source : Des chercheurs français renouvellent l’étude des génocides – La Croix

En prolongement de l’article, le journal La Croix a interrogé Henri Rousso, historien et membre de cette mission d’étude. Henri Rousso est notamment interrogé sur le développement de l’étude comparée des génocides.

La Croix : À quand remonte l’étude comparée des génocides ?

Henry Rousso : Sur le plan international, c’est une pratique déjà ancienne, qui remonte aux années 1980 avec la revue du Centre de recherches de Yan Vashem en Israël, Holocaust and Genocides Studies. Mais si, dans cette période marquée par un renouveau considérable des études sur la Shoah, la démarche comparative s’impose au niveau mondial, elle demeure critiquée en France, où l’on met plutôt en avant l’idée d’un événement incomparable, d’une singularité absolue.

Le changement de perspective a lieu dans les années 1990. Sur le plan historiographique et mémoriel, le risque de minorer l’importance de la Shoah paraît alors moindre et au lieu d’être considérée à part, comme en marge de l’histoire mondiale, elle devient un exemple de crime de masse.

La mission a voulu prolonger cette évolution en dressant un panorama des études développées en France à la fois sur les génocides et crimes contre l’humanité, jugés comme tels par des cours nationales ou internationales, et sur les violences de masses entraînées par la colonisation ou l’esclavage. Nous avons laissé volontairement ce périmètre de recherche indéterminé, ainsi que les questions, d’ordre juridique, de la qualification et de la dénomination de ces différents crimes de masse, qui relèvent d’un débat toujours renouvelé.

Source : « Il faut rendre plus visible la recherche française sur les génocides et crimes de masse » – La Croix

De son côté, l’e-mag VousNousIls s’est intéressé au rapport sous l’angle des interrelations entre les apports de la recherche sur l’étude des génocides et l’enseignement en France. A ce titre, l’article met en évidence que, concernant la France,

l’étude des génocides, crimes de masse et violences extrêmes, ainsi que de l’esclavagisme, a fait l’objet d’une “activité croissante, depuis le tournant des années 1990 des chercheurs et des enseignants”. Selon le rapport, les profs “sont aujourd’hui armés pour intervenir sur l’essentiel de ces sujets, à commencer par la Shoah.” L’apprentissage d’autres génocides, tels que celui des Tutsis au Rwanda ou des Arméniens dans l’empire Ottoman, à en outre “réaffirmé l’importance de cet événement matriciel”.

Maus d’Art Spiegelman : la BD pour “enseigner l’indicible" / Journées de l'Histoire et de la Géographie, Amiens, octobre 2016

Maus d’Art Spiegelman : la BD pour “enseigner l’indicible » / Journées de l’Histoire et de la Géographie, Amiens, octobre 2016

Toutefois, selon la mission,

les apports de la recherche et de l’enseignement en France souffrent d’une “trop faible interrelation, et parfois d’une insuffisante visibilité tant nationale qu’internationale, même s’ils couvrent des champs de plus en plus vastes”, et cela malgré les engagements des documentalistes, muséographes, responsables mémoriels, artistes, écrivains et créateurs, pour “aborder des objets difficiles et, ensuite pour assumer le pari de la transmission des savoirs.”

Le rapport préconise de « dépasser certains clivages hérités”, comme la “coupure maintenue” entre l’enseignement scolaire et l’enseignement universitaire, entre la recherche et la pédagogie, ou encore entre les missions scientifiques et les fonctions documentaires” » et la création d’un “Centre international de ressources pour les génocides, les crimes de masse, les violences extrêmes et les esclavages”, afin d’approfondir les recherches et de confronter les savoirs, notamment entre historiens sur le plan international.

Pour la Mission, au final,

« l’histoire comparée » permet selon lui d’aborder « d’importantes questions d’histoire contemporaine, comme les idéologies, les régimes politiques ou encore les enjeux stratégiques… Et ainsi de former des citoyens armés pour lutter contre le négationnisme, qui fait un inquiétant retour. »

Source : Un rapport sur la recherche et l’enseignement des génocides et des crimes de masse – VousNousIls

Crédit image : Le cimetière de Potocari en Bosnie-Herzégovine (ex-Yougoslavie) est un lieu en mémoire des victimes du génocide. / Michel Slomka/Hans Lucas

Classé sous :Didactique, Histoire savante, Nouvelles de l'histoire, Outils enseignement

Enseigner les génocides : l’exemple de la semaine de la recherche sur les génocides

12 mai 2017 by Lyonel Kaufmann

A fin avril, François Hollande a initié une « semaine de la recherche sur les génocides » dans les lycées. En l’absence de tout texte officiel, l’Association des Professeurs d’Histoire-Géographie (APHG) a interrogé l’inspecteur général Vincent Duclert, président de la Mission d’étude sur la recherche et l’enseignement des génocides, sur la façon dont elle pourrait s’imposer dans les établissements.

Vincent Duclert, après avoir été pendant treize ans enseignant en collège et lycée, puis quatorze ans professeur agrégé dans le supérieur, est devenu en avril 2013 inspecteur général. Il est également professeur associé à Sciences Po et chercheur à l’EHESS. Nommé par la ministre de l’Education nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche à la tête de la Mission d’étude en France sur la recherche et l’enseignement des génocides et des crimes de masse, s’est à ce titre qu’il a répondu aux questions de l’APHG. Points forts.

Sur l’origine de la « mission scientifique » que la ministre de l’Education nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche a confiée à incent Duclert.

Vincent Duclert : Le principe de cette Mission a été annoncé publiquement lors du discours par lequel la ministre a ouvert le colloque « Le génocide des Arméniens : cent ans de recherche », à la Sorbonne, le 25 mars 2015. Puis elle a été installée officiellement par la ministre le 18 octobre 2016.

La question centrale pour Vincent Duclert sur l’enseignement des génocides, des crimes de masse et des violences extrêmes.

Vincent Duclert : Pourquoi le « Plus jamais ça » proclamé avec beaucoup d’espérance au lendemain de la découverte de la « solution finale de la question juive » et de tous les crimes de masse nazis qui l’ont accompagnée, n’a pu empêcher l’entreprise de destruction conduite par les Khmers rouges au Cambodge ou bien le génocide des Tutsi au Rwanda ? Pourquoi n’ont pas été entendues les analyses d’un Aimé Césaire exposant en 1950 dans son Discours sur le colonialisme comment les traites et les esclavages ont accoutumé l’Europe aux violences extrêmes, avec l’illusion qu’elle les limiterait à ses périphéries notamment coloniales sans réaliser qu’elle les installait au cœur de ses sociétés, de ses Etats ? Pourquoi est-il si difficile de penser la destruction de la société syrienne par le régime de Bachar el-Assad et celle des sociétés moyen-orientales par Daech ou encore les violences extrêmes que subissent les démocrates de Turquie au point d’en pousser certains au suicide, au refus de la vie donc ?

A laquelle s’ajoute un contexte politique inquiétant en France comme ailleurs :

Vincent Duclert : l’actualité de la campagne électorale en France ne peut qu’alarmer sur la dimension de fragilité des savoirs sur les génocides, les crimes de masse et les violences extrêmes, et sur les menaces qui pèsent sur eux. Candidate aux plus hautes fonctions de la République, Marine Le Pen a récusé par sa déclaration du 9 avril dernier l’avancée du discours du Vel d’Hiv’ qui actait le travail des historiens. Aujourd’hui, c’est une mise en cause inquiétante de ces derniers qui ne concerne pas seulement le cas français. Le pouvoir polonais actuel s’est lancé dans une vaste offensive idéologique contre un historien, Jan Gross, membre de notre Mission, coupable d’avoir mené des travaux sur l’importance du « voisinage » dans l’extermination des Juifs de Pologne. …

Tout cela démontre que le savoir sur les génocides, les crimes de masse et les violences extrêmes, non seulement reste fragile mais qu’il est aujourd’hui menacé par des extrêmes radicalisées.

Une semaine de la recherche sur les génocides et non pas une entreprise mémorielle. Une reconnaissance des démarches d’enquêtes initiées par les enseignants.

Vincent Duclert : La Mission instituée par la ministre prend dans ce contexte tout son sens, qui est précisément d’opposer à ces tentations idéologiques la garantie de la connaissance scientifique en lui donnant plus de moyens pour protéger l’école. Vous constaterez comme moi que la Mission est née en mars 2015 d’un moment de prise en compte de ce que la recherche peut pour un génocide longtemps ignoré et souvent nié, et qui aujourd’hui contribue, comme la Shoah, comme le génocide des Tutsi comme les crimes du communisme, à la connaissance de l’histoire innommable et bien réelle de l’humanité. On peut et on doit être critique sur les initiatives du politique en matière scientifique, cela fait partie précisément de la démarche scientifique mais je puis attester que cette Mission correspond à de vraies interrogations, qu’elle bénéficie d’une totale indépendance (…) et que son travail n’est rendu possible qu’en vertu de la volonté politique de lui donner précisément les garanties de cette indépendance.

(…)

(Dans son annonce du 24 avril 2017, le Président de la République,) parle bien de recherche et non de mémoire et c’est même une première dans les dispositifs de l’Education pour le second degré, c’est l’occasion qui est donnée de rapprocher ce dernier du supérieur et réciproquement sur des sujets qui méritent une convergence des efforts et de compétences. C’est aussi la traduction très concrète de la reconnaissance qui est accordée à tous les professeurs s’employant à mener des travaux de recherche et à nourrir leur enseignement de cette éthique de l’enquête et de la connaissance scientifique, des professeurs formés par des concours de recrutement incluant des questions de programme liées à la recherche universitaire et formés tout au long de leur carrière par des sessions de travail comme les universités d’été du Mémorial de la Shoah. Cette relation avec les savoirs scientifiques est une garantie fondamentale des progrès pédagogiques et de l’éthique professionnelle des enseignants.

Une semaine de la recherche qui concerne tous les génocides :

Vincent Duclert : le projet est bien d’offrir la possibilité aux établissements, aux équipes de professeurs de réfléchir aux processus génocidaires, aux engagements de celles et ceux qui les révélèrent et les refusèrent, en exploitant les dynamiques de recherche sur les génocides. On ne peut les étudier sans les aborder par les larges continuums de violence dans lesquels ils s’inscrivent, sans penser les circulations qui s’opèrent en termes de pratiques mais aussi de visions du monde et du poids des représentations scientistes ainsi du darwinisme social et du racisme biologique à l’œuvre contre les Arméniens, contre les Juifs, contre les Tutsi, contre les Tziganes.

Quelques exemples de démarches pédagogiques possibles

Vincent Duclert : La semaine de la recherche sur les génocides, les crimes contre l’humanité et les crimes de masse constitue ainsi une opportunité offerte aux équipes pour revisiter et approfondir ce qui a été vu en cours, à l’aune d’un témoignage situé, d’une recherche expliquée, d’une œuvre présentée même dans le cadre de l’accueil d’artistes en résidence par certains établissements. Le choix d’un temps hebdomadaire permet simultanément de ne pas bouleverser l’emploi du temps général et de pouvoir mobiliser les élèves sur des événements qu’ils auront pu préparer, y compris d’un point de vue organisationnel comme au lycée Maulnier qui réalise déjà chaque année ce que nous proposons au niveau national.

Quels sont les degrés d’enseignements concernés par cette semaine de recherche sur les génocides ?

Vincent Duclert : Les lycées, et sans oublier bien sûr les lycées professionnels, ont vocation à organiser ces semaines de la recherche notamment parce que des groupes d’élèves peuvent s’impliquer avec les professeurs dans leur définition et leur organisation. Mais le niveau du collège est aussi concerné, en lien étroit avec les deux génocides étudiés en histoire en classe de troisième, en relation avec les deux guerres mondiales. L’implication des élèves pourra contribuer aussi à orienter le parcours citoyen. Les modalités pratiques sont en cours de réflexion au sein de la Mission, ainsi que l’articulation avec l’école primaire au sein du cycle 3.

Quelle est l’articulation entre cette semaine et le 27 janvier « Journée de la mémoire des génocides et de la prévention des crimes contre l’humanité » ?

Vincent Duclert : Le 27 janvier, « Journée de la mémoire des génocides et de la prévention des crimes contre l’humanité », est une date qui appartient au calendrier mémoriel des commémorations nationales et, pour celle-ci, européennes et internationales. La semaine de la recherche s’en distingue clairement même si le 27 janvier est l’occasion, dans les établissements, d’initiatives pédagogiques fortement ancrée dans le partage de la connaissance. Aussi peut-on tout à fait imaginer que des projets pédagogiques puissent être lancés ce 27 janvier et trouver leur aboutissement lors de la semaine de la recherche à la fin du mois d’avril suivant.

La semaine de la recherche pourrait aussi accueillir certains palmarès académiques du Concours national de la Résistance et de la Déportation dont la première démarche est « la démarche scientifique » : « ce concours est l’occasion de faire entrer, chaque fois que c’est possible, les résultats de la recherche dans les contenus des enseignements ». La démarche scientifique converge d’autant avec la démarche didactique et la démarche pédagogique que défend aussi le CNRD.

L’intégralité de l’entretien : Entretien. Semaine de la recherche sur les génocides avec E. Vincent Duclert (site de l’APHG)

Source de l’image d’en-tête : M. Vincent Duclert ouvre en Sorbonne le colloque international du 25 mars 2015 : « Le génocide des Arméniens, cent ans de recherche ». © Jean Yérémian. Tous droits réservés.

Classé sous :Didactique, Opinions&Réflexions

Devoir de mémoire : histoire d’une formule retracée par Sébastien Ledoux – Chronique no 168

20 mai 2016 by Lyonel Kaufmann

Après avoir consacré en 2013, une chronique au travail de Sébastien Ledoux concernant l’histoire du devoir de mémoire, cette chronique présente le compte-rendu de la publication, début 2016, de sa thèse de doctorat sur ce sujet (1). Aujourd’hui comme hier, le travail de Sébastien Ledoux éclairera les enseignants d’histoire relativement à la Fabrique de l’enseignement de l’histoire.

Dans son introduction, Sébastien Ledoux indique qu’il s’agit dans son travail «retracer non seulement l’invention lexicale, mais également l’invention sociale et l’invention politique liés à l’émergence puis à l’omniprésence du terme «devoir de mémoire» au sein de la société française» (p.12). Ce temps du devoir de mémoire commence dans les années 1970. Entré pour la première fois dans le dictionnaire Larousse en 2003. L’histoire du devoir de mémoire «est donc un objet d’étude qui s’inscrit pleinement dans le camp de l’histoire du temps présent» (p. 12).

Un des premiers apports de son travail réside dans le repérage du moment d’origine du devoir de mémoire. En effet, de nombreuses références renvoyaient l’origine du devoir de mémoire à l’obligation des rescapés de témoigner de l’expérience des camps de la mort et aux écrits de Primo Levi. (p. 12) Or, enquête faite, «dans aucun récit de Primo Levi ne se trouve la trace d’une expression correspondant en français à devoir de mémoire» (p. 14), même si cette notion traverse toute son œuvre.

En fait, les premières occurrences du devoir de mémoire remontent à 1972. Elles sont le fait de l’écrivain et professeur de littérature Jean Roudaut et du psychanalyste François Périer.

Dans les archives visuelles de l’INA, et depuis les années 1960, les occurrences de mémoire le sont dans le sens usuel de “à la mémoire de” ou “en mémoire de”. Il s’agit, y compris pour les associations d’anciens déportés, d’évoquer et de rendre hommage aux morts de la Seconde Guerre mondiale.

La deuxième tracé d’occurrences se situe au début des années 1980. «Elles engagent cette fois-ci deux intellectuels, Philippe Némo et Pierre Nora, et témoignent du point de jonction entre deux périodes : la fin de le idéologie communiste et le nouvel investissement vers le passé» (p. 25–26). Pour Philippe Némo dans la revue Commentaire (1980), il s’agit de manifester son soutien aux intellectuels de l’Europe de l’Est en lutte contre les régimes communistes et notamment aux signataires de la «Charte 77» en Tchécoslovaquie.

La lecture de Pierre Nora est celle d’un France industrielle contemporaine hantée par son passé, déracinée, coupée de ses sources. Ce constat a inspiré son projet des Lieux de mémoire, dont le premier volume parait en 1984.

À la fin des années 1970, la mémoire devient un objet d’étude, pour la génération des chercheurs de la Nouvelle histoire. En 1978, Piere Nora publie l’article «Mémoire collective». Un nouveau cadre épistémologique s’établit alors entre histoire et mémoire. D’un côté la voix des oubliés de l’histoire, celles d’en bas, notamment au travers de l’histoire orale. (Jean-Pierre Rioux, Madeleine Rebérioux). De l’autre, le contreprojet de Pierre Nora qui voit dans cette multiplication des mémoires collectives «la trace d’un morcèlement de la mémoire nationale et la remise en cause de la fonction traditionnelle du discours historique» (p. 39). À ces éléments, il faut ajouter, aux notions d’identité et de patrimoine, la naissance d’un nouvel attrait du public pour l’histoire de la vie quotidienne à travers les récits de vie de simples gens.

Dans les années 1980, c’est au tour du monde politique d’introduire le devoir de mémoire dans son vocabulaire. «Le terme est employé dans des discours, principalement à l’occasion de commémorations officielles concernant les deux guerres mondiales» (p. 59). À ce titre, il faut noter les commémorations du 11 novembre 1984 et la fameuse photo de la réconciliation Mitterand/Kohl avec le président français et le chancelier allemand main dans la main. À cette occasion, Edwige Avice, secrétaire d’État à la défense, évoque à Rethondes la coopération franco-allemande et déclare que «le devoir de mémoire est aussi un devoir d’avenir» (p. 59).

C’est à la charnière des décennies 1980–1990 que «les occurrences de devoir de mémoire relatives au génocide des Juifs apparaissent et que ce fait historique devient la référence principale du devoir de mémoire (p. 43). Désormais, il s’agit d’un impératif moral et de lutter contre l’impunité des criminels nazis et de leurs complices. En 1989, l’article Shoah apparait dans l’Encyclopédie Universalis et cet article emploie le terme de devoir de mémoire. Dès la seconde moitié des années 1980, une troisième référence s’intègre, elle renvoie à la construction d’une identité juive post-génocidaire. Dans les années 1990, s’ajoute la référence au combat contre le négationnisme, porté notamment par l’extrême-droite en France. Lorsque l’on suit l’évolution quantitative et qualitative du terme, la trajectoire du devoir de mémoire connait un tournant en 1992–1993. L’expression devoir de mémoire apparait pour la première fois dans la presse écrite dans les colonnes du journal Le Monde, le 16 avril 1992 à la suite du non-lieu en faveur de Paul Touvier. (p. 87) Le terme apparait alors pour la première fois simultanément dans des quotidiens nationaux de la presse écrite, à la télévision, à la radio ainsi qu’en titre d’une association.

En juin 1993, l’officialisation du devoir de mémoire au rang de formule intervient lorsque le ministère de l’Éducation nationale propose aux élèves de terminales (série A, littéraire) des académies d’Amiens, Lille, Rouen, Paris, Créteil et Versailles, qui passent leur examen au baccalauréat de philosophie le sujet suivant : «Pourquoi y a-t-il un devoir de mémoire?» (p. 119). Trois semaines après, devoir de mémoire est choisi en titre de l’émission télévisée La Marche du siècle le 30 juin 1993, suivie chaque semaine par 3 à 5 millions de téléspectateurs.

Par une analyse qualitative des différents usages du devoir de mémoire relatifs à la Shoah, effectuée pour les médias entre 1993 et 1997, on peut aisément relever la participation des médias à l’opération de référence en tant qu’acteurs engagés (p. 147). La formule devoir de mémoire est mobilisée en 1992–1993 dans une rhétorique de la dénonciation concernant l’occultation d’une vérité historique sur les crimes antisémites perpétrés par le régime de Vichy (p. 151).

Cependant, l’institution scolaire, à l’exemple de l’épreuve de baccalauréat de 1993, joue un rôle non négligeable en la matière. En effet, au début des années 1990, la transmission du génocide des Juifs aux élèves de l’école de la République est perçue comme une priorité par différents acteurs de l’Éducation nationale. Cette priorité se traduit dans les nouveaux programmes d’histoire entre 1994 et 1998. Parmi les outils pédagogiques mobilisés pour favoriser la transmission de la Shoah aux élèves, les visites des camps d’extermination se développent au cours de ces années. Ces visites sont perçues à la fois par les enseignants, les politiques et les médias comme des éducations éducatives propres à former l’élève citoyen. À partir du milieu des années 1990, ces actions sont régulièrement dénommées – et justifiées – par la formule devoir de mémoire. Le traitement médiatique de la visite du camp d’Auschwitz par Jacques Chirac accompagné de lycéens, en septembre 1996, semble apporter un cadre référentiel d’ordre sémantique à cette pratique sociale (p. 154–155). Comme le note Sébastien Ledoux, ce rituel commémoratif crée une «communauté éducative entre le témoin oculaire et les élèves, des élèves devenus, par ce rituel sacré effectué sous le sceau du serment, les «témoins de témoins» (p. 156). Dans son livre L’Ère du témoin, Annette Wiervoka apporte une lecture critique de ces pratiques scolaires en considérant qu’en transformant le jeune en «témoin de témoin», on en fait «le porteur d’un savoir acquis sur la destruction des Juifs, non sur les bancs d’école, […], mais par une expérience vécue dans un modèle qui semble bien remonter aux évangiles : ces jeunes seraient les apôtres qui, une fois les témoins disparus, porteraient plus loin leur parole» (Ledoux, p. 156).

Cependant, les milieux scientifiques perçoivent, derrière le devoir de mémoire, les «abus de la mémoire». Pour Henry Rousso (Vichy un passé qui ne passe pas, 1994), les dérives du devoir de mémoire existent lorsqu’il est érigé en dogme. Celui-ci donne alors sa préférence pour la notion de «travail de mémoire» prônée par Paul Ricœur. Cette notion du «travail de mémoire» est empruntée à Freud dans le cadre de la relation analytique. Ricœur la transpose «au plan public de la mémoire collective». Cette notion peut être illustrée par l’utilisation que Jacques Chirac en fait à l’occasion de l’inauguration du Mémorial en hommage aux Justes à Thonon-les-Bains le 2 novembre 1997 :

«Cinquante ans après, notre pays doit assumer toute son histoire, le blanc, comme le gris, les heures de gloire comme les zones d’ombre. Pour cela, pour bâtir son avenir sur des bases plus claires, il accomplit aujourd’hui un difficile travail de mémoire».

De son côté, Antoine Prost dans son ouvrage Douze leçons sur l’histoire (1996) va privilégier le devoir d’histoire :

«On a fait valoir sans cesse le devoir de mémoire : mais rappeler un évènement ne sert à rien, même pas à éviter qu’il ne se reproduise, si on ne l’explique pas ]…]. Si nous voulons être les acteurs responsables de notre propre avenir, nous avons d’abord un devoir d’histoire» (p. 306).

Néanmoins, ces critiques restent alors limitées au champ scientifique et n’ont aucune incidence sur les acteurs politiques ni les médias.

Au niveau politique, il faut attendre les «années Sarkozy» pour assister à une inflexion à l’égard de la formule du devoir de mémoire. En effet, Président de la République, Nicolas Sarkozy n’utilise pas la formule sans pour autant la critiquer. Il est alors en pleine stratégie de conquête de l’électorat d’extrême-droite. Il est donc malaisé d’utiliser une formule renvoyant à une prise de position contre le Front national. Par ailleurs, il s’agit également de dénoncer une formule qui érigerait un discours de la repentance et tendrait au communautarisme.

«De manière paradoxale, c’est pourtant par une initiative du président de la République que la formule connaît une nouvelle étape de sa trajectoire. Lors du dîner annuel du CRIF organisé le 13 février 2008, Nicolas Sarkozy déclare que «chaque année à partir de la rentrée scolaire 2008, tous les enfants de CM2 se verront confier la mémoire d’un des 11’000 enfants français victimes de la Shoah» (p. 223).

Ces doubles critiques, politique et scienfique, à l’égard de la formule du devoir de mémoire, conduit à une inflexion de la politique éducative et

«la notion de travail de «mémoire», chère à Ricœur, est introduite en 2005–2006 par le juriste Roland Debbasch, nommé directeur de l’Enseignement scolaire du ministère de l’Éducation nationale, dans différentes circulaires relatives à «la mémoire des génocides et la prévention des crimes contre l’humanité» du 27 janvier, à la journée de la déportation (avril) ou au Concours national de la Résistance et de la déportation. Clôturant en mai 2006 les travaux d’un séminaire sur «La traite négrière, l’esclavage et leurs abolitions: mémoire et histoire», organisé par le ministère, l’inspecteur général d’histoire Laurent Wirth déclare que «face au devoir de mémoire constamment mentionné par les médias», il convenait de «privilégier un devoir d’histoire», en considérant que «l’histoire est essentielle pour pacifier les conflits de mémoire».» (p. 240).

Ces remises en cause de la formule n’empêchent cependant pas la dissémination dans d’autres espaces de parole du devoir de mémoire. À partir des années 2000, si à l’échelle nationale, centrale plus précisément, des médias et du pouvoir, on observe une diminution, conséquence de sa mise à distance par certains acteurs, du recours à la formule, il n’en est pas de même au niveau local en revanche et différents indicateurs montrent une grande continuité dans les usages du terme (p. 243–244). En outre. Pour Sébastien Ledoux, «au vu de la progression du nombre d’occurrences entre 2000 et 2010, devoir de mémoire à réussi sa conversion dans le langage du Web. La formule apparait comme un objet de communication mobilisé à la fois par les médias et par les internautes» (p. 248). Pour Ledoux, on observe de nouvelles formes de patrimonialisation dans et par Internet.

En conclusion de sa quatrième partie, Sébastien Ledoux note que

«La formule s’est construite par des instantes légitimantes du discours (télévision, radio, presse quotidienne nationale, acteurs politiques d’envergure nationale) et s’est déployée par le biais d’usages politiques effectués par les représentants de l’État (le Président Jacques Chirac surtout, et le Premier ministre Lionel Jospin). Cependant, devoir de mémoire s’est très rapidement diffusé au niveau local. Ces usages ont servi à dénommer des rituels commémoratifs inscrits dans le temps long, usages qui perdurent encore actuellement avec la même fréquence. Dans le même temps, un reflux se manifeste au niveau «central» à partir de 2006, qui concernent le temps court de la parole politique du pouvoir national et des médias de référence. Cependant un tel constat doit être nuancé par la forte présence de la formule sur Internet, média qui obéit à une autre temporalité, celle des flux continus. On peut aussi percevoir à l’œuvre une dissociation des temporalités dans l’évolution la plus récente de la trajectoire du terme. Devoir de mémoire se dissémine dans les usages sociaux davantage que politiques, en s’appuyant sur des supports variés à la fois neufs (réseaux sociaux sur Internet) et anciens (presse régionale). En cela, la formule s’est parfaitement intégrée au processus de «glocalisation» à l’œuvre dans la société depuis la fin des années 1990» (p. 251).

L’enseignant d’histoire enclin à privilégier le travail de mémoire ou le devoir d’histoire se heurtera fort probablement à ces usages sociaux que les élèves et leurs parents fréquentent sur les réseaux sociaux et dans la presse régionale. À eux, non pas de les contourner, mais de les prendre en compte pour dépasser l’émotionnel et le compassionnel. De sorte de construire, avec et pour leurs élèves, une intelligilité historique critique et citoyenne.

Note :

(1) Ledoux, S. (2016). Le devoir de mémoire. Une formule et son histoire. Paris : CNRS éditions, 367 p.

Kaufmann, L. (2013). Histoire du devoir de mémoire et enseignement de l’histoire, une interview de Sébastien Ledoux. Le Café pédagogique, No 142, avril.

Ce texte est ma chronique du mois de février pour le mensuel du Café pédagogique : Kaufmann, L. (2016). Devoir de mémoire : histoire d’une formule retracée par Sébastien Ledoux. Le Café pédagogique, No 168, février.

Classé sous :Didactique, Publications

Robert Paxton : “L’idée que la France de Vichy a essayé de protéger les Juifs est absurde”

14 octobre 2015 by Lyonel Kaufmann


Son grand livre, “Vichy et les juifs”, reparaît aujourd’hui, dans une version revue et augmentée. Télérama a rencontré  le grand historien américain Robert Paxton.

Robert Paxton, professeur d’histoire émérite à Columbia University (New York), est l’auteur de La France de Vichy, paru aux éditions du Seuil en 1973, et de Vichy et les Juifs, paru en 1981 aux éditions Calmann-Lévy. C’est ce dernier livre que Robert Paxton réédite aujourd’hui (avec Michaël R. Marrus), dans une version enrichie et complétée qui tient compte des travaux parus depuis trente ans. Une somme qui fait litière de toutes les formes de révisionnisme qui ne cessent de ressurgir ici ou là. Extrait.

Avez-vous l’impression, pour reprendre l’expression de Henry Rousso et Eric Conan, que Vichy reste un « passé qui ne passe pas » ?

Bien sûr. C’est comme l’esclavage ou le sort des Indiens aux Etats-Unis. C’est là, ça fait partie du passé, et dès qu’on cherche à enseigner une histoire du pays, on doit faire face à la question : va-t-on expliquer aux enfants qu’on a eu des périodes sombres dans notre histoire ou doit-on privilégier une image édulcorée de cette histoire ? Dans les périodes de crise, on est plutôt à la recherche d’une histoire positive, mais la cicatrice de l’Occupation a du mal à se refermer.

Le reste de cette entretien (version abrégée) : Robert Paxton : “L’idée que la France de Vichy a essayé de protéger les Juifs est absurde”

Classé sous :Histoire savante, Nouvelles de l'histoire, Opinions&Réflexions, Publications

Henri Guillemin enseigne l’histoire sur Youtube…

18 août 2015 by Lyonel Kaufmann

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Croire à l’histoire officielle, c’est croire des criminels sur parole (Simone Weil)

cité par Henri Guillemin, introduction à sa série sur La Commune de Paris

Henri GUILLEMIN ? Je lui dois en grande partie ma passion pour l’histoire. Je me rappelle ainsi de sa série sur Léon Tolstoï. Et c’est une des magies d’Internet. Cet historien décédé en 1992, lointain souvenir des baby-boomers et inconnu des jeunes générations, fait un carton sur YouTube. Mises en ligne il y a juste trois ans, ses conférences atteignent des dizaines voire des centaines de milliers de vues, soit plus de quatre millions de vues pour ses quatre principales chaînes. Rue89 consacre un article à ce phénomène.

https://youtu.be/dMGNcmx_bEg

En introduction de ce premier épisode sur la Commune de Paris et en s’appuyant sur Victor Hugo, Henri Guillemin prend position sur sa philosophie de l’histoire et la Commune :

« L’objectivité, dont on parle toujours en histoire, ce n’est pas possible. Pourquoi, parce que c’est considérer les faits comme des objets. Comment voulez-vous que l’on considère comme des objets une histoire humaine ? […] L’impassibilité est impossible devant une histoire comme celle la Commune qui est une histoire affreuse, une histoire atroce. Mais si l’impassibilité est impossible, la loyauté est le premier devoir. C’est ce que je vais essayer de faire une histoire véridique, vous dire la vérité, ne pas vous cacher ce qui peut me gêner dans cette histoire qui n’est pas toujours belle en m’appliquant à être honnête.»

Loin des manuels scolaires sans narrateur et sans prise de position apparente, le style Henri Guillemin, perceptible dans cet extrait, contient l’affirmation d’un point de vue, d’un «je». C’est aussi un vocabulaire qui s’éloigne à espace régulier de la neutralité et d’un vocabulaire académique («ce Bonaparte, Napoléon, va tourner mal», «ben ça, c’est un régime sérieux !»).

https://youtu.be/hP-FxPeOjGw

Henri Guillemin intime

Hier, à la Télévision Suisse romande, Henri Guillemin, assis à sa table de travail, m’hypnotisait, avec comme seuls accessoires ses lunettes et sa plume qu’il pointe en direction du téléspectateur lorsque ses mains s’agitent.

https://youtu.be/zhz4-Mc-EwE

« Même devant la mort, deux et deux font toujours quatre » (Léon Tolstoï, cité par Guillemin)

Aujourd’hui, dans son costume sombre, ce même Henri Guillemin enseigne à nouveau l’histoire, mais sur YouTube. Il y retrouve une nouvelle jeunesse et un nouveau public. Cela ne peut que me réjouir. Tout à la fois de ce retour au premier plan de ce «père spirituel historique» qu’il fut me concernant et de ce succès de l’histoire sur l’Internet.

Avec le soutien de la Fonsart, de Memoriav, de la Fondation Hans Wilsdorf et de la Loterie Romande, la Télévision suisse romande a mis en ligne sur son site internet l’ensemble de ces émissions (http://www.rts.ch/archives/dossiers/henri-guillemin/ ou http://gillemin.blogspot.ch) que l’on retrouve également sur YouTube.

Pour Rue89 :

Sa popularité actuelle semble également tenir de sa vision populaire de l’Histoire. Sa défense inconditionnelle de la « cariatide » (le peuple prolétarien selon Victor Hugo) face aux traîtrises d’une certaine bourgeoisie et du « grand affairisme » trouve rapidement un écho sur l’espace contestataire d’Internet, dans un contexte de désenchantement politique et de grondes sociales.
Son plus grand succès en ligne est d’ailleurs son Robespierre et la Révolution française. Loin de l’image répandue du « tyran sanguinaire », Guillemin dresse un portrait à contre-courant d’un « Incorruptible » qui, en 1792, instaure pour la première fois le suffrage universel (seulement censitaire après 1789), abolit l’esclavage (rétabli sitôt après sa mort), interdit les guerres d’agression et la spéculation sur les matières premières (« l’agiotage »), essayant même d’enrayer la « Terreur », qu’on lui a longtemps attribué.
Guillemin n’hésite pas à « déconstruire » plusieurs grands personnages  historiques […]

La longueur de ses émissions, loin du format calibré actuel, ne rebute ainsi pas les internautes. Ceux-ci n’hésitent pas à arrêter et à reprendre à toute heure le visionnage. Faites-en l’expérience, vous ne serez pas déçu.

Mise à jour (17.11.2016)

Voici un à la fois un intéressant article et une vidéo à voir analysant le travail et les émissions d’Henri Guillemin :

  • Henri Guillemin est-il fiable ? – Veni Vidi Sensi

Classé sous :Médias et technologies, Outils enseignement

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17 avril 2025 Par Lyonel Kaufmann Laisser un commentaire

Comment raconter la guerre d’Algérie et ses mémoires sans tomber dans le pathos ou la leçon d’histoire trop académique ? Trous de mémoires relève ce défi avec audace, mêlant comédie burlesque et réflexion historique. Nicolas Juncker y explore, avec un humour grinçant, les tensions et contradictions qui entourent la mémoire de ce conflit, en s’inspirant du […]

Ces familles néerlandaises qui découvrent un passé de collaboration – rts.ch

28 mars 2025 Par Lyonel Kaufmann Laisser un commentaire

C’est avec stupeur que de nombreux Néerlandais et Néerlandaises ont récemment découvert sur internet qu’un membre de leur famille avait collaboré avec les nazis durant la Seconde Guerre mondiale. En cause: la mise en ligne d’une liste de 425’000 noms par les archives nationales des Pays-Bas. Depuis janvier, les descendants affluent à La Haye, souvent […]

Spreitenbach: Un paradis du shopping ou la porte des enfers? – Blog du Musée national suisse

24 mars 2025 Par Lyonel Kaufmann Laisser un commentaire

En 1975, l’Association suisse des instituteurs publia le panneau scolaire n°167. Celui-ci montre une vue aérienne de la commune de Spreitenbach, dans la vallée de la Limmat. Ou plus précisément de la ville nouvelle de Spreitenbach, «Neu-Spreitenbach», avec son centre commercial entouré d’un immense parking rempli de voitures aux couleurs vives et son imposant quartier […]

Tirés de nos archives

M078 – «L’enseignant d’histoire transmetteur de savoir» (Séminaire)

18 décembre 2006 Par Lyonel Kaufmann Laisser un commentaire

L’ENSEIGNEMENT MAGISTRAL L’enseignement magistral ou modèle transmissif se qualifie par l’accès aux vérités par le discours, par l’exposé, par la démonstration. Cette méthode axée principalement sur le professeur, a pour but de présenter des propositions vraies sous forme de transmission. L’élève se devra donc de reconnaître comme évidence les savoirs acquis. Dans notre exposé consacré […]

Un an après : Pourquoi Cléopâtre n’a pas inventé le vibromasseur

8 mai 2017 Par Lyonel Kaufmann Laisser un commentaire

À l’occasion de la sortie récente d’une bande dessinée à succès sur l’histoire de la sexualité, par Philippe Brenot et Laetitia Coryn (Les Arènes BD, 2016), l’information selon laquelle Cléopâtre aurait inventé, il y a un peu plus de 2000 ans, le premier vibromasseur a fait le tour du Web, témoignant de la fascination qu’exerce aujourd’hui encore l’ancienne […]

Une « histoire de l’Histoire » à Berlin, capitale du XXe siècle

15 août 2011 Par Lyonel Kaufmann Laisser un commentaire

Une « histoire de l’Histoire » à Berlin, capitale du XXe siècle Mouvements artistiques, Rosa Luxemburg, Deuxième Guerre mondiale, le Mur et sa chute : Berlin est-elle la « capitale » du XXe siècle, pour le meilleur et pour le pire ? La réponse est oui pour l’auteur de cet article sur Rue89. «Cela devrait être Berlin. C’est […]

Dossier d'actualité – Impact des TIC dans l'enseignement – janvier 2009

4 février 2009 Par Lyonel Kaufmann Laisser un commentaire

Dossier d’actualité – Impact des TIC dans l’enseignement – janvier 2009: Comment individualiser les…

Nuit et Brouillard – Jean Ferrat

23 juillet 2010 Par Lyonel Kaufmann Laisser un commentaire

En 1963, Jean Ferrat compose cette chanson en mémoire des victimes des camps de concentration. Son père, immigré juif de Russie est mort à Auschwitz. La chanson fut « déconseillée » par le directeur de l’ORTF, mais passa un dimanche à midi sur la première chaîne, dans l’émission Discorama de Denise Glaser. Cette chanson fera partie avec cinquante-neuf […]

EdNum – Casser les codes : le long chemin des femmes

26 novembre 2022 Par Lyonel Kaufmann Laisser un commentaire

En rassemblant les acteurs et les actrices engagé.e.s dans l’inclusion indispensable des femmes dans les secteur du numérique, l’association Femmes@Numérique, créée en 2021, souhaite donner toutes ses chances à la transformation en profondeur qui doit être conduite pour atteindre cet objectif. Elle a aussi servi de point de départ à la formation et au colloque organisés les 16 et […]

Thomas Paine, La justice agraire opposée à la loi et monopole agraire, ou plan d’amélioration du sort des hommes, Paris, an V (1797), p.20 L’Europe peut-elle être dite “civilisée” ? – Révolution Française

22 avril 2010 Par Lyonel Kaufmann Laisser un commentaire

L’état actuel de la civilisation en Europe est aussi injuste dans ses principes, qu’odieux dans ses conséquences : on en est généralement convaincu, et c’est ce sentiment intime qui fait craindre les progrès des lumières, et qui fait trembler les possesseurs des propriétés à la seule idée d’une révolution ; […]. Lorsque la richesse et l’éclat, au […]

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