
Ils ont tombé la veste. Ils courent en chemise et en bretelles, crosse de bois en main, à travers la lande comme les enfants d’ici. Ils crient, se bousculent de l’épaule, se taquinent du regard. C’est un match de hurling, le plus vieux sport d’Irlande. Un hockey sur gazon, plus rapide, plus sauvage, plus rieur. Ici, pas de terrain. Juste la campagne, les herbes hautes et l’orge penché par le vent. Ici pas de joueurs. Juste une poignée de paysans, d’amis rudes et de frères, comme Damien et Teddy. La partie est finie. Vestes sur l’épaule, cheveux en désordre, les gars rentrent à la ferme en parlant haut. Nous sommes en 1920. Ce doit être le printemps. La campagne frissonne. Tout est calme, reposé, fraternel. Sur le pas de sa porte, bonnet de dentelle et tablier bleu, la vieille Peggy accueille les garçons comme on attend le ciel. Il y a du feu dans la cheminée. Le thé est prêt.
Et voici que surgit la meute. Une horde en uniforme vert sombre et fauve. Ils sont Anglais, arrivés par bateaux entiers pour prêter main forte à la lutte contre les républicains irlandais. Les Black and Tans ne sont pas des soldats réguliers. […] On leur dit qu’ils combattent une force «dangereuse et brutale», alors ils terrorisent.
Et les voilà qui arrivent à la ferme, qui descendent des camions en hurlant, fusil épaulé, baïonnette au canon. […] «Salopards de catholiques !» hurle un Anglais. «Sale truie !» crache un autre en repoussant la vieille Peggy. Les crosses de fusil s’abattent. Les joueurs de hurling sont brutalement adossés au mur de la ferme. Un officier anglais rappelle que les rassemblements d’hommes sont interdits. Il leur ordonne de se déshabiller. Claquement des culasses. […] «Ton nom ?» «Micheail», répond le plus jeune. «En anglais !» ordonne le Black and Tan. «Micheail», répète le gamin. Les autres supplient, jurent qu’il ne parle que le gaélique, que c’est son prénom en irlandais et qu’il n’a que 17 ans. «Ton nom, putain d’Irlandais ?» Le jeune homme, front levé. «Micheail» . Des hommes l’emmènent dans la remise et le tuent.
Libération (23.08.2006)
Ces images sont les premières du Vent se lève, palme d’or du Festival de Cannes qui a laissé a part belle à l’histoire. Si Indigènes (voir notre billet précédent) a reçu le prix d’interprétation masculine pour ses cinq comédiens,
C’est en
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