
Le Conseil général de l’Orne diffusera dès la rentrée un nouveau manuel d’histoire géographie destiné aux élèves des classes de 6ème à la 3ème, scolarisés dans l’Orne. Le manuel s’intitule L’Orne, des territoires, une histoire.
Pour les initiants, il s’agit de présenter un double programme composé du contenu officiel national, ainsi que des thématiques sur l’histoire et la géographie propres à la région. Ces cent quarante-quatre pages permettront de faire connaître le département dans les collèges publics et privés.
Est-ce que quelqu’un peu me dire si cette initiative d’un Conseil général (ou d’un département) est la première du genre ou si d’autres ont déjà eu l’occasion de réaliser un type d’ouvrage comparable? A savoir un manuel «régional» en complément du manuel de la République. En effet, j’avoue que cette publication m’interroge dans le cadre d’une éducation nationale française qui a toujours cherché, à ma connaissance, à répondre à la maxime d’une «République une et indivisible», ou qui a lutté contre les langues régionales.
En résumé, ce manuel d’histoire ouvre-t-il une «brèche» dans la conception française de l’éducation nationale?
via Un nouveau manuel d’histoire géographie à la mode ornaise.
En 2006, le conseil général de la Mayenne avait édité un manuel, « Histoire de la Mayenne », abondamment distribué dans les établissements scolaires (aux frais du contribuable). Les auteurs en étaient des historiens, des archéologues, des enseignants, d’ailleurs tout-à-fait compétents dans leurs domaines respectifs.
Couvrant une large période de la préhistoire à nos jours, ce manuel présente un certain nombre de documents iconographiques qui ne sont pas inintéressants. Comme il ne colle pas aux programmes officiels, il n’a que très peu été utilisé dans les classes, sinon, à titre de support ponctuel, ce qu’on peut regretter.
Si la république s’inquiète de ce genre d’initiatives, il y a du souci à se faire pour la république…
B. Girard, prof d’histoire-géo en collège
Merci pour ces intéressantes et précieuses informations.
Par ailleurs, je n’ai pas à être inquiet pour la République (surtout d’où je suis…), ni n’ai d’opposition de principe à ces initiatives.
Je suis plutôt intéressé à ces initiatives pour observer dans quelle mesure, elles marquent une inflexion dans le rapport des collectivités locales à l’éducation.
En effet, l’enseignement en France est conduit sous l’impulsion de l’Etat central. Or, ici, nous avons deux exemples, celui de la Mayenne et de l’Orne qui vont dans le sens d’une forme de «décentralisation» concernant l’enseignement de l’histoire.
La présentation du manuel de l’Orne parle d’ailleurs significativement de double programmation : une nationale et une propre à la région.
De nouveaux acteurs institutionnels cherchent ainsi à faire leur place dans l’enseignement de l’histoire.
Par ailleurs, votre intervention souligne bien la difficulté de la tâche pour un tel moyen d’enseignement de s’imposer lorsqu’il ne colle pas aux programmes officiels.
Bonjour,
En France, il n’existe par a proprement parler de « manuel de la République ». Les manuels sont produits par des éditeurs privés et choisis librement par les établissements. Les manuels ne doivent évidement d’être conformes aux programmes nationaux mais il n’en ont en réalité aucune obligation légale. Ce sont les enseignants qui jugent de la pertinence de l’outil.
Pour répondre à ta question, je n’ai pas connaissance d’autre initiative du même type mais j’imagine qu’il s’agit de traiter les programmes (nationaux) d’histoire et de géographie à partie d’exemples pris dans le département de l’Orne. Si ce n’est que cela, il n’y a aucun problème (du moment que les enseignants restent libres de choisir leurs exemples hors du département s’ils le préfèrent)
Amitiés
Bonjour Antoine,
Sympa de te retrouver ici en pleine période de vacances estivales. J’espère que tu passes un bon été.
Concernant les manuels français, le fait qu’ils soient édités par des éditeurs privés n’enlève en rien, à mon avis, le fait que ce sont bien des «manuels de la République».
Chaque manuel d’ailleurs reproduit le programme officiel pour «prouver de sa bonne foi» et surtout de sa conformité avec l’Education nationale. De plus, un seul programme existe à l’échelle nationale (ce qui n’est pas le cas en Suisse ou en Allemagne par exemple).
S’y ajoutent les instructions officielles, les concours des enseignants ou encore le brevet des collèges et le bac (plus pour tout le monde il est vrai).
J’ajoute encore que, depuis quelques années, le roman national a été recyclé dans les démarches patrimoniales et que les programmes en France restent centrés au primaire comme au secondaire sur l’Histoire de France.
Tout ceci norme bien l’enseignement de la discipline «histoire» et les manuels sont bien les «manuels de la République.»
Pour prolonger, je renvoie le lecteur intéressé à Patrick Garcia et Jean Leduc (2003). L’enseignement de l’histoire en France. De l’Ancien Régime à nos jours. Paris : Armand Colin. Et bien évidemment au Lieux de mémoires de Pierre Nora avec son article Lavisse : instituteur national ou les ouvrages de Suzanne Citron (http://fr.wikipedia.org/wiki/Suzanne_Citron).
Bonjour Lyonel, le Conseil Général de Vendée sponsorise depuis de longues années des manuels régionalistes. Pour les mariages il est même de coutume d’offrir aux mariés l’histoire des Vendéens d’Alain Gérard. Le Centre Vendéen de Recherche Historique initié par Pierre Chaunu et François Furet (et longtemps dirigé par Alain Gérard) entretient depuis sa naissance des liens très étroits avec le Conseil Général et ses dirigeants. Toutefois, ces écrits ne s’inscrivent que très rarement dans une perspective scolaire. La seule incursion régionaliste dans le domaine scolaire, impulsée par le Conseil Général, reste à ma connaissance, un documentaire de Pierre Garguil, Vendée Sauvage, ouvertement destinée aux collégiens, qui avaient d’ailleurs été gratuitement invité à sa projection par le Conseil Général, dans les locaux de l’Institut Catholiques d’Etudes Supérieures (#cqfd).
Néanmoins, il existe dans la quasi-totalité des départements des services éducatifs des archives départementales (donc placés sous l’autorité des Conseils Généraux qui les financent) qui produisent de nombreux textes et documents afin de permettre aux enseignants de traiter les programmes du primaire et du secondaire au travers d’exemples locaux, et dont la compilation pourrait constituer un véritable manuel. La Vendée en la matière s’est d’ailleurs dotée d’une Ecole Départementale des Arts et du Patrimoine qui assistent les enseignants.
S’agit-il d’une brèche dans l’idéal républicain ? A mon sens, et sans omettre les objectifs mémorialistes et identitaires qui sous-tendent ces initiatives, et qui doivent être expliqués aux élèves au cours de leur scolarité, il faut surtout mettre en avant le formidable outillage pédagogique que constitue ces écrits pour les enseignants. Partir d’exemple locaux, s’avèrent souvent très efficace auprès des élèves de par la proximité émotionnelle que cela suscite.
Doit-on parler d’une décentralisation de l’enseignement de l’histoire ? Assurément non : ces outils sont à disposition des enseignants qui (théoriquement) restent à la manœuvre dans l’application de programmes qui demeurent nationaux. Et si ces programmes peuvent connaître des inflexions çà et là en fonction du tissu historique local (je passe sûrement plus de temps sur la question des Guerres de Vendée que mes collègues d’autres régions), cela ne saurait se faire qu’en rapport avec les programmes nationaux.
Bien cordialement. Cyril
Merci à Cyril pour l’exemple vendéen.
Je pense que ces différents exemples sont intéressants relativement à leur périodisation. Il y a bien une forme d’autonomisation ou de développement d’initiatives via les Conseils généraux qui visiblement se sont mises en place après 1981 et les premières politiques de décentralisation réalisées par Gaston Deferre.
Il est certain aussi que certaines collectivités locales disposent de ressources financières qui leur permettent ce genre d’initiative. D’autant plus que, dans certains domaines, l’Etat central peine à jouer son rôle en raison de restrictions budgétaires.