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Histoire Lyonel Kaufmann

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Blog

RevuePresse : Cyberhistoiregeo-Carto

5 octobre 2014 by Lyonel Kaufmann

Depuis Scoop.it – histoire

Lyonel Kaufmann‘s insight:

La présentation du blog par son auteur :

«Ce blog  a la volonté réunir un ensemble de cartes destinées au programme d’histoire Géographie du secondaire. pour le moment, il est essentiellement consacré au collège mais certaines cartes génériques peuvent être utilisées au Lycée.

Les cartes sont des réalisations personnelles. Elles sont réalisés avec un logiciel de dessin vectoriel à partir de sources variées. Je cherche encore comment citer de façon adéquate les différentes sources inspirant une carte mais celles-ci sont parfois trop nombreuses pour être citées sur la carte elle même.

Les cartes et fonds sont réalisés en fonction de mes besoins professionnels. Elles ne correspondent pas forcément à tous. Si vous souhaitez une carte ou une modification sur une carte, n’hésitez pas à le demander, cela peut servir à tout le monde, je ferais les modifications avec plaisir dans la mesure du possible et du temps disponible.

La plupart des cartes sont réalises à partir de fonds vectoriels sous licence libre ou de fond créés par mes soins. De nombreuses cartes géographiques sont réalisées à partir de données statistiques libres et des logiciels de traitement des données tels que Quantum GIS. L’habillage est finalisée sur un logiciel de dessin vectoriel.

Le site héberge aussi de nombreuses cartes en provenance de l’atelier d’HG sempai, un collègue qui utilise les mêmes méthodes de travail que moi et fournit un travail de grande qualité. Ses cartes référencées ici le sont avec son aimable autorisation.

L’usage des cartes est libre pour une utilisation scolaire non commerciale.»

See on cyberhistoiregeo.fr

 

Classé sous :Médias et technologies, Nouvelles de l'histoire, Outils enseignement

1914 – 1918 à l’école : ce n’est plus de l’histoire | Rue89

5 octobre 2014 by Lyonel Kaufmann

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Depuis Scoop.it – histoire
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La commémoration de la Première Guerre mondiale est aujourd’hui suffisamment avancée pour que les réticences qu’elle avait suscitées au fil des mois quant aux motivations de ses instigateurs se trouvent confirmées : dans sa déclinaison scolaire, empêtrée dans des injonctions administratives insistantes, cette opération mémorielle à grand spectacle n’a guère à voir avec l’histoire. C’est même tout le contraire.

Lyonel Kaufmann‘s insight:

Un avis «tranché» de la part de Bernard Girard, enseignant en collège.

L’avis divergent de Pierrick Auger : http://pierrickauger.wordpress.com/2014/10/05/je-ne-suis-pas-tellement-daccord/

Et vous ? Votre avis ?

See on blogs.rue89.nouvelobs.com

Classé sous :Nouvelles de l'histoire, sur le web

L'expérience iBooks

5 octobre 2014 by Lyonel Kaufmann

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Depuis Scoop.it – Enseigner avec le numérique au 21e siècle
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Le pdf de ce iBooks est librement consultable et téléchargeable sur mon site

Lyonel Kaufmann‘s insight:

«Après plusieurs mois d’hésitations, j’ai profité de la pause estivale pour sauter le pas et terminer mon iBook commencé il y a plusieurs mois. Porté et inspiré par des productions fantastiques de brillants collègues comme Yann Houry, j’avais envie de faire aboutir mon projet d’iBook. Pourquoi autant d’hésitations ? Pour plusieurs raisons. Tout d’abord c’est un travail fastidieux et long. De plus, comme beaucoup de publications se pose la question des droits. Il faut donc trouver des sources qui sont libres.»

Julien finit en notant l’absence de solutions équivalentes à iBooks Author.

See on salleherodote.fr

Classé sous :Médias et technologies, Outils enseignement, sur le web

Orlando Figes, Les Chuchoteurs. Vivre et survivre sous Staline | Histoire@Politique

28 septembre 2014 by Lyonel Kaufmann

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Après des travaux sur l’époque révolutionnaire et la guerre civile – dont une histoire de la Révolution russe traduite en français –, Orlando Figes s’est intéressé à l’histoire du stalinisme. Son ouvrage, Les Chuchoteurs, paru en anglais en 2007, destiné au grand public, invite le lecteur à réfléchir à l’« influence sur la vie personnelle et familiale » du système répressif soviétique, à en déployer l’impact sur la vie quotidienne et intime des Soviétiques (p. 43). Il s’articule ainsi autour de nombreux témoignages de victimes de la répression, recueillis essentiellement à Moscou et à Saint-Pétersbourg sur près d’une dizaine d’années, par l’association russe Memorial, très active dans la collecte de documents et de matériaux relatifs aux répressions soviétiques. L’ouvrage permet ainsi de suivre de nombreux parcours de vie de Soviétiques pris dans la machine répressive stalinienne, auxquels l’auteur laisse de nombreuses pages pour se déployer et se faire entendre. Il s’inscrit en ce sens dans un certain retour à la subjectivité et aux parcours individuels, initié par de nombreuses recherches sur l’URSS qui s’appuient notamment sur les témoignages, les journaux et les écrits intimes. 

Le compte-rendu de www.histoire-politique.fr

A noter que le travail de collecte de Figes est largement accessible sur le site de l’auteur : http://www.orlandofiges.com/familyHistory.php [lien consulté le 28 septembre 2014].

Référence de l’ouvrage : Orlando Figes, Les Chuchoteurs. Vivre et survivre sous Staline, 2 vol., Paris, Gallimard, 2013, 1183 p.

Classé sous :Histoire savante, Nouvelles de l'histoire

Quelle place pour le mobile de nos élèves en classe ?

9 septembre 2014 by Lyonel Kaufmann

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Du 18 au 22 février, l’Unesco organise la semaine du mobile de l’UNESCO (18 – 22 février prochain) et s’interroge sur la place du téléphone dans l’enseignement.

Comme le note Bruno Devauchelle,

Paradoxe que celui d’une semaine qui est consacrée à l’apprendre à l’aide des mobiles alors que dans le même temps on fait tout pour empêcher les mobiles d’entrer à l’école dans des pays comme le nôtre.

Aujourd’hui, devant les interdictions souvent formulées par les établissement, les téléphones s’insèrent néanmoins dans nos établissements de manière clandestine. Dans le même temps, il existe aussi des expérimentations en classe telle cette expérimentation à Goldau en Suisse (http://www.projektschule-goldau.ch/ , voir aussi ce documentaire vidéo sur cette expérimentation (http://www.educavox.fr/actualite/reportage/Le-smartphone-remplacera-t-il-le).

Hors du monde occidental, l’enseignement mobile est une des réponses au défi de l’alphabétisation et pourrait permettre d’atteindre l’objectif d’un éducation pour le plus grand nombre :

Pour l’Unesco,

L’apprentissage mobile ne relève nullement de la fiction. C’est une réalité qui se vérifie sur le terrain : de la Mongolie au Mozambique, élèves et enseignants utilisent les appareils portables pour accéder à de riches contenus éducatifs, dialoguer et partager des informations avec d’autres apprenants, obtenir le soutien de leurs camarades et de leurs professeurs et communiquer de façon productive.
La technologie mobile n’est pas et ne sera jamais une panacée éducative. Mais elle est un outil puissant et souvent ignoré – un outil parmi d’autres – pour promouvoir l’éducation selon des modalités jusqu’alors impossibles.

Concrètement, la Mobile Learning Week réunie par l’Unesco réunit des experts pour échanger sur les pratiques éducatives. Comment ces technologies peuvent –elles servir l’alphabétisation de tous ? Comment peuvent-elles accompagner le développement professionnel des enseignants ? Dans quelle mesure peuvent-elles appuyer l’égalité et la parité ? Toutes les présentations sur la semaine tournent autour de ces problématiques.

Pour accompagner l’intégration du mobile dans l’enseignement, l’Unesco publie des « Principes directeurs pour l’apprentissage mobile » qui affirment que « la technologie mobile peut permettre d’étendre et d’enrichir les possibilités éducatives des apprenants ». Au Pakistan, l’Unesco soutient un programme d’aide à l’alphabétisation des filles. Dans les villages isolés et  pour cette population marginalisée, le portable permet de s’entraîner à la lecture et à l’écriture et donc de ne pas perdre les quelques acquis obtenus à l’école.

Lors de cette semaine, il est possible de la suivre via Twitter, via Twitter: #mlw2013 ou @UNESCOICTs.

Jeudi 21 et vendredi 22 février, un séminaire en ligne est également organisé. Le programme : http://www.unesco.org/new/en/unesco/themes/icts/m4ed/unesco-mobile-learning-week/webinar/.

A lire :

  • La téléphonie dans l’établissement scolaire !
  • L’enseignement nomade est-il l’avenir de l’école ?
  • http://cursus.edu/dossiers-articles/articles/9122/oser-utilisation-des-telephones-mobiles-classe/
  • http://guides.educa.ch/fr/mobile-learning
  • Ressources sur l’apprentissage mobile | Unesco
  • Le programme (pdf) de la Mobile Learning Week

Classé sous :Médias et technologies

Création d'un jeu historique pour tablettes par des élèves | Ludovia#11

4 septembre 2014 by Lyonel Kaufmann

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« A la recherche de Jeanne dans le Rennes médiéval » est un jeu historique géolocalisé en 9 étapes consacré à la ville de Rennes au Moyen-Âge. Rien de très original jusque-là s’il n’avait été réalisé par des élèves de CE2-CM1 (8-9 ans) à l’aide d’une plate-forme en ligne (GuidiGO) dédiée jusque-là à la réalisation de visites interactives pour les musées ou d’autres organismes. Cet article décrypte la démarche pédagogique originale présentée par Antoine Gouritin, enseignant à l’Université de Rennes en Médiation du patrimoine et stagiaire chez GuidiGO, lors des ExplorCamp de Ludovia#11.

Au cours de l’année scolaire 2013-2014, l’école Saint Michel de Rennes a mis en place un projet pédagogique innovant. Les élèves de CE2-CM1 ont utilisé la plateforme GuidiGO (www.guidigo.com) pour créer un parcours historique ludique à travers leur ville et le publier sur tablettes. Désormais, le jeu est disponible gratuitement sur l’Apple Appstore et sur Google Play.

Techniquement, la plate-forme GuidiGO permet de réaliser très faiclement en ligne une visite virtuelle géolocalisée sur son ordinateur et à l’aide de son navigateur. L’éditeur en ligne divise l’écran en deux parties. A gauche, l’utlisateur a son travail en cours. A sa droite, il peut voir le jeu tel qu’il apparaîtra sur la tablette du joueur.

Concrètement, le projet collectif « A la recherche de Jeanne dans le Rennes médiéval » a fait appel à des compétences pluridisciplinaires : recherches historiques, rédaction, dessin, enregistrement audio, utilisation de l’informatique, travail d’orientation…  Aidés de leur professeur et des historiens de l’association Men Ha Houarn, les enfants se sont impliqués dans ce travail créatif avec beaucoup de sérieux et d’enthousiasme tout au long des 2 mois qu’a duré le projet.

Il est a relevé que les aspects purement numériques, soit l’édition en ligne, n’occupent qu’une part restreinte de l’activité et de la démarche pédagogique. L’autre point à relever est le temps très court qui a été nécessaire pour réaliser le jeu.

Pour le élèves, tout a commencé le 20 mars 2014. Pendant cette journée, ils ont dans un premier temps été mis en situation au Musée de Bretagne à Rennes au travers d’une visite guidée réalisée par le Musée à l’aide de la plate-forme. Dans un deuxième temps, ils ont visité le centre-ville historique de Rennes sous la conduite d’une spécialiste de la période médiévale. A l’issue de cette journée, les élèves avaient ainsi un aperçu du jeu qu’ils auraient à concevoir et des contenus historiques nécessaires pour le réaliser. Au terme de la journée, l’angoissse était perceptible chez les élèves par rapport au travail qui les attendaient.

Cinq jours plus tard, le 25 mars, de manière tout à fait traditionnelle, les élèves se sont attelés à la tâche pour élaborer le scénario et les règles du jeu. En 60 à 90 minutes, les élèves, à l’aide d’un brainstorming, ont identifiés les thèmes qui les intéressaient le plus et déterminés les 9 étapes du jeu. Chaque étape a été ensuite prise en charge par un groupe mélangeant les élèves des deux niveaux.

Trois jours après, le 28 mars, les personnages de chacune des étapes ont été créés par les élèves, puis ils s’agissaient d’écrire les dialogue des personnages et pour certains groupes d’élaborer les défis qui permettent au joueur de passer d’une étape à l’autre. La création des personnages et l’élaboration des défis ont été facilement réalisés par les élèves, contrairement à la création des dialogues. Au terme de cette troisième journée, les élèves se sont mobilisés pour travailler hors la classe.

Le 31 mars, le travail consistait pour les élèves à finaliser leurs dialogues, laborer les défis et démarrer leurs recherches pour les dessins à intégrer au jeu. Il est à noter que les élèves étaient conscients de la nécessité de varier le type de défi proposé, à chaque étape, aux joueurs.

L’enregistrement audio des dialogues a été réalisé quelques jours plus tard doit le 4 avril. A ce stade, chaque équipe/groupe disposait d’un dossier comprenant ses images et ses fichiers audio.

Le projet raconté par les élèves, leurs enseignants et leurs parents.

La mise en ligne des contenus a été faite par les élèves les 18 et 24 avril. Et enfin, le 16 mai, les parents ont pu découvrir en situation la visite-guidée réalisée par leurs enfants en même temps que le jeu était désormais disponible gratuitement au téléchargement.

Au terme de cet ExplorCamp, Antoine Gouritin a fait le bilan suivant de l’expérience. Concernant les élèves, le projet et le travail a permis de mettre en valeur tout à la fois le travail du groupe et l’apport de chaque élève; les élèves ont été fiers de partager leur travail et ont développé leur curiosité pour le patrimoine rennais. Du côté des enseignants, ceux-ci y ont relevé la motivation nouvelle de élèves, la dynamique du travail de groupe qui a notamment permis d’affacer les timidités de certains élèves.

Pour ma part, comme pour toute pédagogie du projet, ce dernier permet de mobiliser et de fédérer les énergies des élèves (dévolution). La grande force réside dans le fait que ce projet scolaire aboutit à une réalisation concrète disponible en ligne pour tout en chacun. La part prise par le numérique est relativement modeste, mais fondamentale puisque c’est lui qui permet la diffusion hors la classe du produit réalisé par les élèves. L’outil choisit est très facilement pris en main par les élèves (absence d’obstacle technique). Enfin le produit final permet également l’échange et une modification de la relation entre les élèves et leurs parents puisque les «experts», ceux qui «savent», sont ici les élèves qui ont coaché leurs parents.

Classé sous :Histoire active, Ludovia, Médias et technologies, Nouvelles de l'histoire, sur le web

La Suisse et la Première Guerre mondiale : 4. dans les manuels

27 août 2014 by Lyonel Kaufmann

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Si la Suisse a été épargnée militairement par la Première Guerre mondiale, elle n’en a pas moins été partie prenante ou touchée indirectement par le conflit mondial. Les conséquences de cette période modèleront durablement la Suisse après la Première Guerre mondiale jusqu’à nos jours. Cette série d’articles a pour objectif de donner des éléments d’intelligibilité de l’histoire de cette période pour la Suisse au lecteur d’aujourd’hui et de répondre à la question : «Pourquoi enseigner la Première Guerre Mondiale en Suisse ?».

Dans les trois premiers articles, nous nous sommes centrés sur les travaux de l’historiographies pour dresser le tableau de la Suisse pendant la Première Guerre mondiale. Dans ce dernier volet, nous allons nous intéresser à la manière dont les manuels scolaires vaudois en ont rendu compte de 1938 à 2011.

Les ouvrages retenus sont les suivants :

  • Michaud, G. (1939). Histoire de la Suisse. Lausanne ; Genève [etc.]: Payot,
  • Grandjean, H., & Jeanrenaud, H. (1941). Histoire de la Suisse II. Lausanne, Genève, Neuchâtel, Vevey, Montreux, Berne, Bâle: Librairie Payot.
  • Chevallaz, G.-A. (1957). Histoire générale de 1789 à  nos jours. Lausanne: Payot.
  • Bourgeois, C. (1995). L’époque contemporaine, 1770-1990 : version B. Lausanne: LEP Loisirs et pédagogie : Edipresse-Livres. L’édition utilisée est celle de 1999 qui comporte désormais deux volumes. Bourgeois, C. (1999). L’époque contemporaine, 1914-1990. Lausanne: LEP Loisirs et pédagogie : Edipresse-Livres.
  • Cote, S. sous la direction de (2011). Histoire 9e. Paris: Nathan.

Tous ces manuels sont ou ont été utilisés dans les classes vaudoises en dernière année de la scolarité obligatoire ((Pour une présentation de ces manuels et des collections auxquels ils appartiennent, à l’exception du Nathan : http://manuelshistoire.ch)).

Après la lecture des pages que ces manuels consacrent à la Suisse pendant la Première Guerre mondiale, il ressort que ces manuels envisage l’impact du conflit mondial en Suisse sous les quatre axes suivants :

  • les aspects militaires
  • les relations avec les belligérants et la neutralité
  • le Röstigraben ou le fossé moral entre la Suisse romande et la Suisse alémanique
  • la situation économique et sociale en Suisse
  • l’action humanitaire de la Suisse (et du CICR)

Le seul élément que nous ne retrouvons pas, relativement à l’histoire savante, concerne la question de la politique à l’égard des étrangers qui est tronquée et abordée uniquement sous l’angle (favorable pour la Suisse) de la question humanitaire alors que la Première Guerre mondiale représente un tournant dans le traitement de cette question en Suisse. A noter que cette question de la place des étrangers est actuellement une question sociale vive dans les débats politiques suisses.
Autrement, les points cités ci-dessus peuvent être plus ou moins développés et l’agencement des faits dans les différents manuels permet de faire émerger entre eux des discours historiques ou des points de vue divergents.
C’est plus particulièrement le cas concernant tant la description ou les causes tant du Röstigraben que de la grève générale de 1918. Sur ces questions, il y a très nettement une différence de traitement entre les trois premiers ouvrages et les deux derniers et plus particulièrement à propos de la grève générale de 1918. Une césure peut ainsi être constatées avec les manuels des années 1990. Précisons d’entrée que cela n’a guère à voir avec l’évolution de la connaissance historique, mais bien plutôt de l’adoption d’un point de vue différent par le manuel.

Michaud, G. (1939). Histoire de la Suisse.

Il est intéressant de constater que, dès le manuel secondaire Michaud de 1939, l’essentiel des faits sont présentés tel le Röstigraben («dès le début de la guerre, une sorte de fossé se creusa entre Suisses français et Suisses allemands» p. 151), les difficultés économiques et sociales («les longues mobilisations  les privations de toute espèce, le chômage de certaines industries provoquèrent un malaise général» p. 152-153) ou la grève générale de 1918, même si les autorités endossent le beau rôle et les grévistes l’habit du méchant, manipulé par des agitateurs étrangers :

«Des agitateurs étrangers, venus se réfugier en Suisse, répandirent des idées révolutionnaires dans certaines classes de la population. Le 11 novembre 1918, jour de l’armistice, une grève générale éclata. Le 1er corps d’armée fut mobilisé et l’ordre put être rétabli. Mais une terrible épidémie de grippe, qui se déclara à la même époque, fit un grand nombre de victimes chez les civils et les soldats»

(Michaud 1939 : 153)

Grandjean, H., & Jeanrenaud, H. (1941). Histoire de la Suisse II

Deux ans après le manuel Michaud, le manuel primaire Grandjean & Jeanrenaud (1941) est publié en pleine Deuxième Guerre mondiale et alors qu’est célébré le 650e anniversaire de la Confédération. Dans sa conclusion (p. 218-219, le lourd contexte de sa parution est très largement perceptible :

«Au cours des siècles, la Suisse a vécu des heures sombres et des heures lumineuses. Elle a connu des victoires et des défaites ; presque toujours c’est la discorde qui a causé ses malheurs. Dans l’avenir, elle aura aussi des difficultés à vaincre. Elle n’y parviendra que par un effort constant de volonté de ses citoyens. Sa force résidera dans l’union de tous les Suisses. Comme l’a dit un poète :  Nous voulons être un peuple uni de frères,  Qu’aucun danger ne pourra séparer. Instruit par les événements récents, le peuple suisse demeure plus que jamais attaché à son indépendance, à sa neutralité, à ses libertés et à ses droits. Il est résolu à défendre sa patrie à tout prix. A l’intérieur du pays, il est décidé à maintenir la démocratie et le fédéralisme. L’existence même de la Suisse en dépend.»

(Grandjean & Jeanrenaud 1941 : 218-219)

Dès lors, il n’est plus question d’évoquer les divisions qui traversaient la Suisse entre 1914 et 1918 entre Romands et Alémaniques. Exit donc le Röstigraben ((Une phrase l’évoque de manière trop elliptique pour les élèves «[Le Conseil fédéral] institua un contrôle des journaux. Les esprits furent parfois surexcités et des troubles politiques éclatèrent» p. 209.)). La grève générale subsiste sans évocation («En 1918, le Conseil fédéral mobilisa des troupes pour mettre fin à une grève générale» p. 209). Les difficultés économiques sont présentées sous l’angle unique du rationnement qui amène une hausse des prix («Les prix augmentèrent considérablement, malgré la lutte organisée contre la spéculation et l’accaparement» p. 210), mais «les industries suisses travaillèrent à plein rendement. Des nombreuses usines fabriquaient jour et nuit des munitions pour la Suisse et pour l’étranger» (p. 209).

Chevallaz, G.-A. (1957). Histoire générale de 1789 à  nos jours.

En 1957, une nouvelle collection de manuels d’histoire est publiée pour remplacer la collection dont fait partie le manuel Michaud. Georges-André Chevallaz, auteur du manuel d’histoire contemporaine, est à la veille de sa carrière politique qui le mènera à la syndicature de la ville de Lausanne à laquelle il accède en 1957 également, puis au Conseil fédéral. A la publication du manuel, il est encore directeur de la Bibliothèque universitaire après avoir été enseignant à l’Ecole de commerce de Lausanne. Le contexte entourant la publication de la collection n’est plus à la lutte contre le nazisme, mais celui de la Guerre froide.
Concernant la Première guerre mondiale, l’évocation du Röstigraben est, comparativement au Grandjean & Jeanrenaud, réintroduite. Le manuel évoque même l’Affaire des colonels et l’affaire Grimm-Hoffmann:

«Deux officiers de l’état-major général transmettaient – à titre d’échange – les renseignements sur les Alliés à l’attaché militaire allemand. A la grande colère de l’opinion romande, ces deux officiers ne furent frappés que d’une sanction dérisoire» (p. 351).

«Deux hommes politiques, un conseiller fédéral et un conseiller national, s’entremirent, en 1917, pour obtenir l’adhésion de la Russie à une paix séparée avec l’Allemagne. Le conseiller fédéral paya de sa démission immédiate ce manquement à la neutralité» (Chevallaz : 351).

Concernant l’affaire des colonels, il est intéressant de constater que dans le premier énoncé, Georges-André Chevallaz adopte le point de vue officiel (Etat-major général, Conseil fédéral et Tribunal militaire) avec «à titre d’échange» alors que le deuxième énoncé comporte une forme de critique à la décision laissée à la charge néanmoins de l’opinion romande («sanction dérisoire»).

Politicien de droite et de la Guerre froide, Georges-André Chevallaz est nettement moins pondéré ou elliptique lorsqu’il traite de la Grève générale de 1918. Ceci deux ans avant la réintégration des socialistes au Conseil fédéral ((Cependant le manuel restera en vigueur sans que ce passage ne soit modifié jusqu’en 1986 et même au-delà pour certains enseignants.)) :

«Les socialistes suisses avaient, durant la guerre, subi l’influence de révolutionnaires étrangers réfugiés en Suisse, russes notamment parmi lesquels Lénine. Certains de leurs chefs avaient participé aux conférences de Zimmerwald et de Kiental où s’était organisé le mouvement socialiste d’extrême gauche, noyau de la future internationale communiste. L’exemple de la Révolution soviétique de 1917 les incite à agir. Ils trouvèrent un terrain préparé : un mécontentement justifié régnait parmi les salariés. Tandis que les prix montaient considérablement, que certains spéculateurs et trafiquants s’enrichissaient sans mesures, les salaires restaient stationnaires, manifestement insuffisants»

(Chevallaz 1957 : 351)

Très visiblement pour le manuel Chevallaz, le socialisme en Suisse ne peut être qu’un produit importé par des révolutionnaires très peu recommandables alors que l’organisation des conférences doit d’abord et beaucoup à un socialiste suisse Robert Grimm, le principal responsable du Comité d’Olten organisant la Grève générale.

Notons enfin que dans l’introduction du chapitre IX intitulé «La Suisse dans le monde divisé (1914-1956)», les principales composantes du destin privilégié de la Suisse (Sonderfall) sont déclinées :

«Dans un monde divisé, la Suisse s’en tient fermement à sa politique de neutralité. Providentiellement épargnée par les deux guerres mondiales, elle est terre de rencontre entre les puissances, siège de nombreux organismes internationaux» (Chevallaz : 349).

Bourgeois, C. (1999). L’époque contemporaine, 1914-1990.

Il faut attendre la collection Bourgeois et Rouyet de 1995 pour constater une inflexion du discours des manuels relativement à la question de la Grève générale :

«La fin de la guerre est marquée par des troubles sociaux qui débouchent sur une grève générale en 1918» (Bourgeois 1999 : 845)

En effet, présentée de la sorte, c’est la situation intérieure qui est la cause de la grève générale. Exit les agitateurs étrangers et leur influence sur les meneurs suisses de la grève. Par ailleurs, le texte principal est complété par un encadré comportant une photo de la troupe face aux grévistes à Zurich et un court texte présentant la grève factuellement.

Relativement à la situation économique de la Suisse pendant le conflit, le manuel met précédemment en évidence la dégradation des conditions de vie entre 1914 et 1918 et met en avant la dichotomie suivante :

«La population vit de plus en plus mal alors que les industries qui travaillent pour les belligérants font des bénéfices sans précédents» (p. 845)

En outre, la neutralité helvétique est toute relative à l’évocation du passage suivant concernant les relations avec les Alliés :

«Les Alliés craignent que les marchandises arrivent en Allemagne par le biais des pays neutres. Ils les soumettent au blocus. […] C’est en mettant son économie à leur service que [la Suisse] peut assurer son ravitaillement» (p. 845)

Par ailleurs, pour la première fois, un manuel d’histoire vaudois met en évidence, au moyen d’un document inséré dans le manuel, les sentiments pro-allemands de l’Etat-major. Il s’agit d’une lettre du général Wille :

«Sprecher fait le sabreur. Il me demande de déployer la bannière du prophète, de déclarer la guerre sainte et d’entrer en pays de France» (Bourgeois 1999 : 845)

On est loin des propos du colonel Michaud qui en 1939 dans son manuel évoque le Röstigraben, mais précise que ce malaise «ne s’étendit heureusement jamais jusqu’à l’armée dont la cohésion resta intacte» (Michaud : 152)

Cote, S. sous la direction de (2011). Histoire 9e.

En 2011, le canton de Vaud introduit une collection de manuels d’histoire de l’éditeur français Nathan. En fait, il s’agit de l’adaptation d’une collection destinée aux élèves français à laquelle des pages concernant l’histoire suisse ont été produites. A l’origine, il s’agit d’une collection réalisée pour le canton de Neuchâtel, reprise ensuite dans le canton de Vaud.
Concernant ce volume, les pages d’histoire suisse ont été rédigées par trois enseignantes neuchâteloises (une institutrice, une licenciée en histoire et une licenciée en sciences sociales) sous la supervision scientifique de Marc Perrenoud. Ce dernier est un spécialiste d’histoire économique, plus particulièrement concernant les relations économiques et financières suisses avec l’étranger pendant et après la Deuxième Guerre mondiale. Il travaille comme historien au Département fédéral des Affaires étrangères, après avoir été collaborateur scientifique aux Archives fédérales, et travaille notamment à l’édition des Documents diplomatiques suisses (DoDis). Il a également été membre de la Commission indépendante d’experts «Suisse-Seconde Guerre mondiale», mieux connue sous la dénomination de «Commission Bergier», chargée de faire la lumière sur les relations entre la Suisse et l’Allemagne nazie entre 39-45 et de la question des fonds juifs en déshérence.

Quatre pages (p. 28-31) sont consacrées à la Suisse durant la Première Guerre mondiale et organisée sur le principe de la double page de magazines.

En page 28-29, la page de gauche est formée par le texte principal, un encadré comportant le vocabulaire historique, un encadré sur la mobilisation du 1er août 1914 et un document image des mobilisés. La page de droite comporte trois encadrés dont une source et deux photos ainsi qu’un questionnaire portant sur les documents et un résumé à rédigé à propos de ces deux pages. Le texte principal en page 28 est précédé d’une question : «Comment la Suisse réagit-elle face à la guerre ?» Deux sous-titres organisent ensuite le texte

  • Défense militaire et neutralité
  • L’indépendance économique menacée

Les pages 30-31 sont elles présentées sous la forme d’un dossier consacré au fossé moral et à la dégradation sociale en Suisse durant le conflit. Le dossier est introduit par une question : «Qu’est-ce qui divise les Suisses durant la Première Guerre mondiale ?» Le dossier est introduit par un court texte de présentation, assimilable à une forme de texte principal. Quatre documents composent ce dossier. A nouveau, le dossier se conclut par une série de questions portant sur les documents et un résumé à rédiger par les élèves.

Au niveau de son organisation, ce manuel rompt avec les autres manuels analysés par la place occupée par les encadrés. Concernant les pages 28-29, l’impression première est que le texte principal du manuel diminue. Cependant, les encadrés, à une exception, ne sont pas constitués de sources historiques. En quelque sorte, on assiste à un éclatement du texte principal, même si le texte principal renvoie entre parenthèses à un document (doc. x). On peut prendre l’exemple du document 3 intitulé «Ulrich Wille (1848-1925)» :

«Ulrich Wille (à droite sur la photographie), commandant des la 6e division aux manoeuvres militaires de Kirchberg (SG), est inspecté par l’empereur Guillaume II (au centre), lors de son accueil triomphal en Suisse alémanique en 1912. Ulrich Wille a effectué son instruction militaire en Prusse. Son épouse appartient à la famille von Bismark et l’empereur est le parrain de l’un de ses fils. Elu général en 1914, ouvertement favorable à l’Allemagne, Wille suggère au Conseil fédéral d’entrer en guerre au côté des Empires centraux (1915). Ceci et sa personnalité provoquent un fort mécontentement en Suisse romande»

(Cote : 29)

Cet procédé permet au texte principal du manuel de conserver l’illusion de sa neutralité puisque le texte correspondant au document est le suivant :

«Le 3 août, l’Assemblée fédérale donne les pleins pouvoirs au Conseil fédéral et élit le général Ulrich Wille (doc. 3)»

Concernant l’armée et surtout son orientation, celle-ci est définitivement discréditée et est clairement présentée comme violant les principes de la neutralité. Contrairement au Chevallaz, ce n’est pas une affaire présentée comme secondaire (l’Affaire des colonels) qui illustre le préjugé favorable de l’armée à l’égard de l’Allemagne, mais le plus haut responsable de l’armée suisse qui est, sans réserve, présenté comme inféodé à celle-ci.
Concernant cette page, il faut encore noter que désormais l’action humanitaire de la Suisse durant le conflit n’est pas présentée pour elle-même, mais comme un outil au service de la politique étrangère suisse et de la politique de neutralité :

«Entre 1914 et 1918, la Suisse propose ses bons offices aux belligérants (doc. 3). Le CICR tente de soulager les victimes de conflit (doc. 4)»

Enfin, l’affaire Grimm-Hoffmann ((Mais seul Hoffmann est présenté dans le manuel,)) est également portée à la connaissance des élèves avec le document «Une neutralité au service de la paix». Par contre, contrairement au Chevallaz, le document n’indique pas que le conseiller fédéral est forcé à la démission :

«En 1917, on apprend la manoeuvre secrète et personnelle du conseiller fédéral Arthur Hoffmann pour promouvoir une paix séparée entre l’Allemagne et la Russie. Les Alliés accusent la Suisse de sortir de sa neutralité car une telle paix favoriserait l’Allemagne. Les Suisses romands manifestent contre les tendances germanophiles du Conseil fédéral»

(Cote : 29)

Le dossier des pages 30-31 est centré sur les questions économiques et sociales. La grève générale de 1918 en forme le coeur. Les élèves disposent d’un texte de Jules Humbert-Droz sur la grève de 1918 à La Chaux-de-Fonds (doc 2) et, avec le document 4, d’une chronologie des événements de 1918 en lien avec la Grève générale, des revendications du Comité d’Olten et d’un bilan qui est le suivant :

«A l’issue de la grève, la justice militaire met en accusation 3500 personnes et en condamne 147. Les chefs du Comité d’Olten sont condamnés, dont Robert Grimm qui purgent six mois de prison. Plus tard, il dira : «En 1918, la classe ouvrière a perdu une bataille, mais remporté une victoire. La bataille a été courte, la victoire durable.»

(Cote : 31)

A cinquante ans de distance, le bilan, via les propos de Grimm, est une réponse aux propos du Chevallaz :

«La grève, suivie par 250’000 ouvriers, ne dure pas. Cependant, quelques-unes des revendications ouvrières reçurent satisfaction : les salaires furent revalorisés, la semaine de 48 heures introduites dans les fabriques et la représentation proportionnelle appliquée à l’élection du Conseil national dès 1919».

(Chevallaz : 351)

Sur la durée également, le point de vue de la gauche gagne, dans les manuels, sur le point de vue de la droite bourgeoise !

Conclusion
Dans notre premier article, nous nous référions à François Walter (Histoire de la Suisse. Tome 4) qui indiquait qu’après les deux guerres mondiales, la population helvétique développera, de manière indélébile, le sentiment d’un destin privilégié du pays et d’un peuple élu (Sonderfall) par rapport aux autres pays.
J’ajoutais que la volonté de montrer la Suisse comme une île protégée des tumultes du milieu du conflit était trompeuse et concluais que ce sentiment modèle, aujourd’hui encore, notre rapport au monde extérieur.
Après l’analyse des manuels scolaires utilisés dans le canton de Vaud entre 1939 et aujourd’hui, il apparait assez clairement que les manuels jusqu’aux années 1990 ont participé à cette élaboration du Sonderfall notamment concernant leur traitement de la Première Guerre mondiale. Ils développent, jusqu’à la caricature parfois, le point de vue de la droite libérale et radicale sur le conflit concernant la Suisse.
Avec sa parution en 1995, le manuel Bourgeois sort de ce prisme pour offrir la vision la plus objective de cette période concernant la Suisse. Il n’offre cependant pas d’outil pour comprendre la construction du Sonderfall et son rôle dans nos rapports actuels avec le monde extérieur.
Pour sa part, le manuel Nathan offre la vision exactement opposée à celle offerte par les trois premiers manuels et plus particulièrement à propos de la Grève générale de novembre 1918.
Ainsi, aucun de ces manuels d’histoire ((Et c’est, sauf exception, la règle du genre en Suisse comme ailleurs)) ne propose des points de vue contradictoires aux élèves. Chacun compose un discours de vérité et chacun échoue à proposer aux élèves un outil de compréhension aux phénomènes et événements apparus en Suisse durant la Première Guerre mondiale et modelant encore notre présent. Cela concerne principalement l’édification du «Sonderfall Suisse», le rôle du conflit dans notre réussite économique, les rapports entre la gauche et la droite et la politique suisse à l’égard des étrangers.
Une telle ambition est cependant possible en mettant tous ces manuels entre les mains des élèves. En effet, l’ensemble des points de vue en relation avec le Röstigraben, les actions humanitaires, la situation économique, les rapports gauche-droite ou la grève générale sont alors présents. Seule la question du changement de paradigme de notre politique à l’égard des étrangers n’est pas traitée.
Adoptés par les département de l’éducation, ils ont tous été légitimes ou légitimés en leur temps à faire le cours d’histoire de la Suisse durant la Première Guerre mondiale. En étant de leur temps, ils offrent également un porte d’entrée sur leur époque de publication. Ils sont autant livre d’histoire que porteurs d’une histoire de la Suisse dans ses rapports internes et avec l’extérieur.

 

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La Suisse et la Première Guerre mondiale : 3. la question des étrangers

26 août 2014 by Lyonel Kaufmann

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Si la Suisse a été épargnée militairement par la Première Guerre mondiale, elle n’en a pas moins été partie prenante ou touchée indirectement par le conflit mondial. Les conséquences de cette période modèleront durablement la Suisse après la Première Guerre mondiale jusqu’à nos jours. Cette série d’articles a pour objectif de donner des éléments d’intelligibilité de l’histoire de cette période pour la Suisse au lecteur d’aujourd’hui et de répondre à la question «Pourquoi enseigner la Première Guerre Mondiale en Suisse ?»

Alors que jusqu’en 1888 en Suisse, la balance migratoire était traditionnellement négative, la situation s’inverse à partir des années 1890. Dès 1900, la «question des étrangers» se pose dans la société suisse et devient dominante à partir de 1910 (Arlettaz 2004 : 14) principalement en raison de la montée en puissance du mouvement ouvrier à laquelle s’ajoute la montée des nationalismes. Dans un premier temps, la réponse à cette question consistera été de faciliter l’octroi de la nationalité des étrangers dans une vision libérale de la société considérant que « la Suisse est en mesure d’«assimiler» les étrangers, de les faire siens » (Arlettaz 2004 : 14). Marquant un tournant dans l’attitude à l’égard des étrangers, la Première Guerre mondiale voit la population étrangère diminuer d’un tiers et la suppression de la libre circulation des personnes entre Etats. Avec et après la Première Guerre mondiale, l’attitude change au sujet de l’intégration et de l’«assimilation» des étrangers et, de libérale, la politique suisse à l’égard des étrangers deviendra protectionniste et centralisatrice. Les effets de cette politique structurent aujourd’hui encore le champ politique suisse et ses débats à l’égard de la population étrangère.

La question des étrangers durant la Première Guerre mondiale Alors qu’en 1910, la population étrangère établie en Suisse s’élevait à 795’000 personnes, la Suisse ne comptera plus que 402’000 étrangers en 1920. Entre 1913 et 1920, le mouvement d’émigration nette est de l’ordre de 156’000 personnes. Par ailleurs, durant la guerre, le nombre de personnes venant chercher refuge en Suisse et celui des prisonniers de guerre internés est estimé à quelque 30’000 personnes.

Dès janvier 1916, la Suisse accueille les premiers prisonniers de guerre blessés ((Documents : Le Ministre de Suisse à Paris, Ch. Lardy, au Chef du Département politique, A. Hoffmann. Le ministre fait campagne pour faire aboutir le projet de rapatriement des prisonniers de guerre grièvement blessés. DDS, vol. 6, doc. 82. et Le gouvernement suisse est prêt à mettre à la disposition du gouvernement français la Croix-Rouge suisse et des trains sanitaires pour rapatrier des militaires invalides. DDS, vol. 6, doc. 86.)). De 1916 à 1918, ils seront au total 67’000 à séjourner en Suisse. Ils seront, en moyenne mensuelle, 27’500 de 1917 à 1918. Leur présence inquiète les milieux ouvriers en raison de la concurrence sur le marché du travail des prisonniers aptes au travail. Sous la pression des socialistes, des prescriptions seront édictées par le Conseil fédéral dès juillet 1916 pour réglementer le travail des internés. Parallèlement, les socialistes interviennent en faveur des internés pour dénoncer les mauvaises conditions de logement et de nourriture. De leur côté, les milieux conservateurs «insistent sur le manque de discipline des internés et les excès de tolérance des autorités suisses» (Arlettaz 2004 : 72).

ww1-14-hist-00323-21Genève. Passage par la Suisse d’un train se dirigeant vers Lyon en France et transportant de grands blessés et du personnel sanitaire. Ces blessés sont d’anciens prisonniers de guerre français qui ont été détenus en Allemagne. © Phototèque CICR / DR / R. Gilli / hist-00323-21. Lien : http://www.icrc.org/fre/resources/documents/photo-gallery/2014/150-years-world-war-1.htm

Dans le même temps, la Première Guerre mondial a représenté un défi important pour le CICR. Celui-ci a visité des prisonniers de guerre, s’est efforcé – pour la première fois – de venir en aide aux populations civiles et a mené campagne contre les armes chimiques ; à la fin de la guerre, il a visité des prisonniers politiques pendant la révolution hongroise. De plus, le CICR crée, à l’initiative de son président et futur conseiller fédéral, Gustave Ador, l’Agence internationale des prisonniers de guerre. L’Agence avait pour objectif de centraliser les informations concernant les prisonniers de guerre pour pouvoir informer leurs proches et rétablir le contact. Durant et à la suite de la guerre, les volontaires qui travaillaient à l’Agence ont établi des fiches et des listes concernant près de deux millions et demi de prisonniers de guerre (Histoire du CICR).

03-aipg-hist-03557-24Agence internationale des prisonniers de guerre. Service de recherches des disparus. Classement préliminaire. Les principes et méthodes sont définis au fur et à mesure, suivant les problèmes à résoudre. Pour que la masse énorme de renseignements traités soit exploitables, chacun d’eux est analysé et trié. © Photothèque CICR (DR) / Boissonnas / hist-03557-24. Lien : http://www.icrc.org/fre/resources/documents/photo-gallery/2014/150-years-aipg-ww1.htm.

Par ailleurs, la Suisse accueille également un certain nombre d’immigrés et d’exilés, fuyant le conflit pour des raisons anti-militaristes ou représentants de minorités nationales et susceptibles de créer des tensions internationales. Dans un premier temps, les sympathies à leur égard dépend des affinités à l’égard des belligérants. Cependant, à partir de 1917, «les déserteurs et les réfractaires apparaissent comme une menace pour la sécurité du pays, dont ils accentuent les clivages socio-politiques» (Arlettaz 2004 : 74). Devant la montée du mouvement ouvrier et des mouvements sociaux trouvant leurs origines dans la dégradation des conditions de vie durant la guerre, les étrangers vont constituer, pour les élites, un bouc-émissaire commode et un moyen de discréditer le mouvement ouvrier suisse en le déclarant à la botte d’un complot téléguidé de l’extérieur du pays.

Lenin1914

Lénine, ici en 1914 (https://fr.wikipedia.org/wiki/Lénine#mediaviewer/Fichier:Lenin1914.jpg), est un des immigrés les plus célèbres ayant vécu en Suisse durant la guerre. Pour un résumé de sa présence et de son action en Suisse : https://fr.wikipedia.org/wiki/Lénine#Premi.C3.A8re_Guerre_mondiale.

Entre 1917 et 1919, en lien avec la crise économique et sociale qui frappe la Suisse, la pratique du refuge se durcit qui «traduit les difficultés de concilier une politique humanitaire avec les exigences d’une société en crise» (Arlettaz 2004 : 72). A titre d’exemple, le 1er mai 1918, le Conseil fédéral arrête que les déserteurs et réfractaires, désormais assimilés aux révolutionnaires russes et qui voudront franchir la frontière, devront être empêchés ou refoulés. Sous la pression de la gauche et d’un revirement d’une partie de la droite, l’arrêté est abrogé le 29 octobre 1918, mais les mesures possibles d’expulsion sont renforcées. Cet arrêté «renverse les fondements de la politique d’asile» (Arlettaz 2004 : 77).

En définitive, la substitution d’une population étrangère intégrée par des immigrés de guerre «va profondément modifier l’attitude et la politique de la Suisse à l’égard des étrangers» (Arlettaz 2004 : 72). Désormais, la peur de l’étranger dominera la politique suisse à leur égard et s’incarnera au travers du concept, difficilement traduisible en français, d’« Ueberfremdung ». Il s’agit de la crainte d’un envahissement résultant d’une surpopulation étrangère (envahissement de la Suisse par les étrangers).

Les conséquences de la Première Guerre mondiale sur la politique suisse à l’égard des étrangers

En 1920, la première initiative populaire xénophobe est lancée dans un contexte de crise et de réorientation économique du pays. A ce moment-là, les secteurs économiques le plus touchés sont ceux liés à l’industrie d’exportation. L’agriculture est en récession et le système monétaire européen est désorganisé alors que le marché intérieur est concurrencé par des produits importés bon marché. Des tensions sociales apparaissent suite à la baisse des salaires, réponse des milieux économiques à la crise et à la concurrence. En outre, en décembre 1921, 10,5% de la population active est au chômage. S’ajoute encore une crise du logement (Garrido 1987).

Au niveau politique, cette initiative coïncide avec la montée en puissance d’un nouveau parti : le parti des Paysans, Artisans et Bourgeois (PAB). Ce dernier est l’ancêtre de l’actuel parti populiste et extrémiste de l’Union démocratique du Centre (UDC). Le PAB a été fondé à la suite de la Grève générale de 1918. Le point central du programme du PAB réside alors dans son refus de l’urbanisation et de l’industrialisation dont le pendant est une forte nostalgie du passé.

laur800x0 Source de l’image : http://www.ufarevue.ch/fra/zum-50.-todestag-von-ernst-laur_1237150.shtml

Les écrits d’Ernst Laur, chef de file du PAB, illustrent ceci et sert de filiation pour saisir l’attitude actuelle de l’UDC vis-à-vis des étrangers et de l’Union européenne :

<p« Dans la caserne locative, au contraire, sur les boulevards et dans les lieux de réjouissance de la grande ville, le développement cosmopolite de la ville étouffe souvent l’idée de patrie et celle-ci se trouve même tout-à-fait reléguée à l’arrière-plan par des intérêts économiques internationaux. C’est dans les grands centres que naissent les relations internationales, les associations et les partis internationaux; […]. » (Laur 1919 : 20)

Parallèlement, entre 1917 et 1931, la Confédération élabore une politique de séjour et d’établissement des étrangers «qui trouve sa justification officielle dans la lutte contre la « surpopulation étrangère »» (Arlettaz 2004 : 95). Cette politique officielle est donc fortement influencée par les conceptions de l’Ueberfremdung. En 1931, la première Loi fédérale sur le séjour et l’établissement des étrangers fixe une politique permettant tout à la fois de restreindre l’immigration tout en répondant aux besoins des milieux économiques par une flexibilisation du marché du travail. Elle consacre l’alliance entre les élites libérale, conservatrice et nationaliste. Quatre types de permis sont instaurés dont le statut temporaire de saisonniers interdisant le regroupement familial. Seule l’entrée en vigueur en 2002 de l’accord sur la libre circulation des personnes entre la Suisse et l’Union Européenne (UE) abolira ce statut inique que certains vainqueurs de la votation du 9 février 2014 voudraient réinstaurer.

Prochain article : La Suisse et la Première Guerre mondiale : 4. dans les manuels

Bibliographie

Arlettaz, G., Arlettaz S. (2004). La Suisse et les étrangers. Immigration et formation nationale (1848-1933). Lausanne : Antipodes & Société d’Histoire de la Suisse romande.

Dessemontet, P. (2014). Requiem pour une Willensnation. In L’Hebdo (15.02.2014). En ligne. Dernière consultation le 19 février 2014. Lien : http://www.hebdo.ch/les-blogs/dessemontet-pierre-la-suisse-à-10-millions-dhabitants/requiem-pour-une-willensnation

Garrido, A (1987). Le début de la politique fédérale à l’égard des étrangers. Lausanne : Histoire et société contemporaines.

Grandjean, M. (2014). Suisse : La votation sur l’immigration en un graphique. 09.02.2014. En ligne. Dernière consultation le 19 février 2014. Lien : http://www.martingrandjean.ch/suisse-la-votation-sur-limmigration-en-un-graphique/

Histoire du CICR : La Première Guerre mondiale : http://www.icrc.org/fre/who-we-are/history/first-world-war/index.jsp

Kaufmann, L. (2014). La Suisse, entre ouverture au monde et syndrome de l’enfermement. In Le Café pédagogique, No 150, février. Lien : http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/lenseignant/schumaines/histoire/Pages/2014/150_lachronique.aspx

Laur, E. (1920). Politique agraire. Genève/Lausanne.

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La Suisse et la Première Guerre mondiale : 2. économie de guerre et situation sociale

22 août 2014 by Lyonel Kaufmann

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Si la Suisse a été épargnée militairement par la Première Guerre mondiale, elle n’en a pas moins été partie prenante ou touchée indirectement par le conflit mondial. Les conséquences de cette période modèleront durablement la Suisse après la Première Guerre mondiale jusqu’à nos jours. Cette série d’articles a pour objectif de donner des éléments d’intelligibilité de l’histoire de cette période pour la Suisse au lecteur d’aujourd’hui et de répondre à la question «Pourquoi enseigner la Première Guerre Mondiale en Suisse ?».

Les implications économiques de la guerre

« Partie intégrante du système capitaliste mondial, la Suisse ne pouvait échapper aux implications économiques de la guerre » (Jost 1983 : 91). A la veille de la Première Guerre mondiale, les importations s’élèvent à 46,1% du revenu national suisse alors que les exportations en représentent le 33% (Jost 1983 : 92). La Suisse ne retrouvera pas de telles proportions après 1918.

Prise en tenailles par la guerre économique des belligérants, la Suisse doit conclure des accords pour son approvisionnement. Les Alliés lui imposent des négociations, qui aboutissent à la création en octobre 1915 de la Société suisse de surveillance économique (SSS). Cette dernière limitait fortement l’indépendance économique du pays.  En 1918, l’Allemagne obtiendra la création d’un organisme de contrôle conçu sur le même modèle, la Schweizerische Treuhandstelle (ou STH), qui succède à la Treuhandstelle Zürich. Néanmoins, en raison de l’embargo britannique, puis de la guerre totale menée par les sous-marins allemands, la Suisse éprouve de plus en plus de peine à s’approvisionner.

p3011William Rappard. Source : http://www.unspecial.org/UNS682/t34.html

Début 1918, le professeur William Rappard décrit la situation au colonel House, diplomate américain :

«Nos réserves alimentaires sont presque épuisées, nos rations quotidiennes sont largement inférieures à celles des pays en guerre» ((Document : Le Professeur W. Rappard au Colonel House. Renseignements sur l’opinion publique suisse après la conclusion de l’accord économique avec les Etats-Unis. L’importance politique du ravitaillement de la Suisse par les Etats-Unis. Quelques informations sur la situation internationale: situation dans les Empires Centraux après Brest-Litovsk, la politique à suivre pour briser le militarisme allemand. DDS, vol. 6, doc. 379.)).

Au final, le pays «naviguera» entre les différents belligérants pour assurer son approvisionnement et céder si nécessaire « aux exigences économiques des puissances étrangères » (Jost 1983 : 94). L’économie suisse produisit et vendit également « une importante production de matériel de guerre et de munitions destinée aux pays en guerre »  (Jost 1983 : 94). Mais, comme l’indique Walter (2010 : 126)

« comment faire comprendre que des machines achetées en Allemagne et payées avec des produits helvétiques allaient ensuite fabriquer des armes pour l’Entente, à condition toutefois que les Suisses puissent manger du pain pétri grâce aux céréales américaines ! »

D’autre part, la Première Guerre mondiale permet d’installer la Suisse comme place financière internationale et son industrie bancaire prend définitivement son envol. Durant les quatre ans de guerre, profitant de ce que leurs concurrentes étrangères sont affaiblies, les banques suisses vont occuper l’espace laissé libre. Dépendant des partenaires étrangers avant 1914, les établissements suisses purent acquérir une solidité et des marges suffisantes pour acquérir une autonomie face à leurs concurrents et s’emparer de parts de marchés dans le contexte de la réorganisation de l’économie mondiale. Pour Jost (1983 : 93), « avec la Première guerre mondiale, une nouvelle époque commence pour l’économie suisse ».

Sur le plan financier, les recettes de la Confédération reposaient en 1914 à 85% sur le produit des douanes. Ce chiffre tomba à 52% en 1916, 31% en 1917, 18% en 1918, puis remonta en 1919 (24%). Il fallait trouver d’autres ressources. L’emprunt fut le moyen privilégié de la Confédération (912 millions), des cantons et des communes. A fin 1918, le découvert de la Confédération atteignait 1,5 milliard de francs (en 1913, elle dépensait quelque 110 millions), celui des cantons et des communes plus d’un demi-milliard. L’endettement total dépassait 5,5 milliards. De nouveaux impôts furent donc perçus (article Guerre mondiale, DHS).

La situation économique et sociale du pays durant le conflit

Au niveau économique et social, la Première Guerre mondiale désorganise l’économie du pays, rend difficile l’approvisionnement de la population, augmente la paupérisation d’une partie de plus en plus importante de la population (fin 1918, 18,5% de la population bénéficie de prestations de secours), conduit au recul de l’activité dans de nombreux secteurs industriels, fait stagner les salaires (on estime à 25-30% la diminution du revenu réel après trois ans de guerre), renchérit les prix à la consommation (son indice passe de 100 en 1914 à 229 en 1918) et débouche en 1918 sur une crise politique sociale et majeure avec le déclenchement d’une Grève générale. Cette dernière marquera l’ensemble de la politique suisse durant l’Entre-deux-guerres et au-delà.

La Grève générale sera été précédée de signes avant-coureurs auxquels les autorités politiques n’ont pas voulu prêter l’attention nécessaire. Ainsi, dès 1916, les problèmes d’approvisionnement déclenchent des troubles sur les marchés de plusieurs villes dont Berne et Zurich. En 1917, des comités de soldats antimilitaristes voient le jour, plus spécialement en Suisse alémanique. Localement les grèves se multiplient (Walter 2010 : 131). Tout ceci contraste, comme l’indique Walter, avec la prospérité des secteurs profiteurs de l’économie de guerre (Walter 2010 : 132). De plus, des branches comme l’industrie textile ne retrouvèrent pas le niveau d’avant 1914. D’autres par contre, la métallurgie, l’industrie des machines, la chimie, la pharmacie, les banques et les assurances deviendront des secteurs moteurs.

Robert.grimmRobert Grimm, un des principaux dirigeants socialistes et du mouvement ouvrier de la période ((C’est à l’initiative de Grimm que se tient, en septembre 1915, la Conférence de Zimmerwald, petit village campagnard du canton de Berne, réunissant trente-huit responsables politiques de gauche – dont Lénine et Trotsky – qui s’opposent au conflit et à la participation des socialistes à l’effort de guerre de leurs pays respectifs (https://www.marxists.org/francais/inter_com/1915/zimmerwald.htm  et http://fr.wikipedia.org/wiki/Conférence_de_Zimmerwald). Une deuxième conférence se déroulera ensuite, toujours dans l’Oberland bernois, à Kiental en 1916, voir Degen 2007 et 2013.)). Source : https://en.wikipedia.org/wiki/Robert_Grimm

Ainsi, l’Union sacrée, qui avait conduit en 1914 le Parti socialiste suisse a voter les pleins pouvoirs au Conseil fédéral, vole rapidement en éclat. Dès 1916, les inégalités sociales croissantes ne purent plus être ignorées. La trêve conclue au début de la guerre entre la bourgeoisie et le prolétariat fut rompue. En 1917, le Parti socialiste rejette le principe de la défense nationale.

Par ailleurs, la situation économique et sociale durant la guerre amène les ouvriers à chercher aide et protection auprès des syndicats et du parti socialiste. Ainsi, L’Union syndicale suisse (USS) passe de 65’000 membres en 1914 à 148’000 en 1917-1918, puis à 223’000 en 1923 (Jost 1983 : 125).

Le traumatisme de la Grève générale de novembre 1918

Strike_1918_ZurichGrève générale en Suisse de 1918 : Photo prise sur la Paradeplatz de Zurich avec des manifestants et des cavaliers de l’armée face à face. Scan du livre « L’aventure Suisse de siècle en siècles », Migros (1991).

En 1918, devant la situation intérieure et extérieure, une conférence est mise sur pied à Olten en février et un comité est créé. En novembre, ce comité d’actions (Comité d’Olten) élabore un programme de revendications politiques et sociales en neuf points : renouvellement immédiat du Conseil national d’après la proportionnelle (système qui venait d’être accepté le 13 octobre), introduction du suffrage féminin, du devoir de travailler pour tous, de la semaine de 48 heures, d’un monopole de l’Etat pour le commerce extérieur, d’une assurance vieillesse et invalidité, d’un impôt sur la fortune pour payer la dette publique, d’une organisation assurant le ravitaillement et enfin d’une réforme de l’armée (Degen 2012).

La fin de la guerre et l’anniversaire de la Révolution d’Octobre précipitent les événements. Le comité d’Olten lance un appel à la grève générale dès le 11 novembre. Dès le 12 novembre, la grève générale est très largement suivie dans les villes industrielles de Suisse allemande. Le Conseil fédéral décide alors de soumettre le personnel de la Confédération à la loi martiale et cette démarche sera suivie par plusieurs gouvernements cantonaux. 100’000 soldats, provenant des cantons ruraux sont dépêchés par le Conseil fédéral dans les villes pour assurer le service d’ordre. Des heurts violents les opposeront avec les ouvriers. Par ailleurs, la bourgeoisie s’organise en unités de gardes civiques pour contrer les grévistes. Le Comité d’Olten décide le 14 novembre de mettre fin à la Grève générale. Par la suite, trois de ses membres seront emprisonnés. Parmi ceux-ci, Robert Grimm profitera de son séjour en prison pour rédiger une Histoire de la Suisse sous un angle socialiste.

Robert_GrimmLa photo des membres du comité d’Olten devant le tribunal lors de leur procès. Source : http://www.robertgrimm.ch/icc.asp?oid=8814

Née avec la Première Guerre mondiale, la Grève générale fera figure de traumatisme. Elle servira pendant plusieurs décennies à dénigrer la gauche. La droite entend en restreindre sa signification aux «influences étrangères» et développe l’idée d’un complot lancé de Pétrograd ou de Berlin pour déstabiliser la démocratie avec la complicité des socialistes suisses. Pour leur part, les socialistes «dénoncent d’entres influences étrangères, celles de la bourgeoisie capitaliste internationale, des riches hôtes qui fréquentent les hôtels» (Arlettaz : 86). La grève générale installera également une hostilité durable entre les ouvriers et le monde paysan, permettant ainsi à la bourgeoisie de maintenir sa domination.

Cependant, si les grévistes ont perdu en 1918, la plupart de leurs revendications trouveront leur concrétisation dans l’Entre-deux-guerres ou juste après 1945. C’est ainsi que le système politique est réformé et passe au système proportionnel pour les élections fédérales, que la semaine de 48 heures de travail (au lieu de 66) est adoptée en 1919 déjà, que la Grève générale fut à la base des conventions collectives signées avant la fin de la guerre et qu’en 1948 sera adoptée une Assurance vieillesse et survivants (AVS). Pour sa part, le parti radical, fondateur de la Suisse moderne en 1848, continuera d’amorcer sa chute et voit se créer sur sa droite l’ancêtre du parti populiste, voire extrémiste, de l’Union démocratique du centre (UDC).

Prochain article : La Suisse et la Première Guerre mondiale : 3. la question des étrangers

Bibliographie

Arlettaz, G., Arlettaz S. (2004). La Suisse et les étrangers. Immigration et formation nationale (1848-1933). Lausanne : Antipodes & Société d’Histoire de la Suisse romande.

Degen, B. (2007). « Kiental, Conférence de  ». In Dictionnaire historique de la Suisse en ligne, version du 16.08.2007. Lien : http://www.hls-dhs-dss.ch/textes/f/F17331.php

Degen, B. (2012). « Grève générale ». In Dictionnaire historique de la Suisse en ligne, version du 09.08.2012. Lien : http://www.hls-dhs-dss.ch/textes/f/F16533.php

Degen, B. (2013). « Zimmerwald, mouvement de ». In Dictionnaire historique de la Suisse en ligne, version du 17.07.2013. Lien : http://www.hls-dhs-dss.ch/textes/f/F17330.php

Eberle, T. S., Imhof, K. (2006). Sonderfall Schweiz. Zürich : Ed. Seismo.

Guerre mondiale, Première. Dictionnaire historique de la Suisse (DHS) : http://www.hls-dhs-dss.ch/textes/f/F8926.php .

Guex, S. (1993). La politique monétaire et financière de la Confédération suisse 1900-1920. Lausanne.

Jost, H.-U. (1983). Menace et repliement 1914-1945. In Nouvelle histoire de la Suisse et des Suisses. Tome 3. Lausanne : Payot, pp. 91-178.

La Première Guerre mondiale sur Dodis. Documents Diplomatiques suisse : http://www.dodis.ch/fr/communiques-de-presse/la-premiere-guerre-mondiale-sur-dodis 

Walter, F. (2010). Histoire de la Suise. Tome 4 : La création de la Suisse moderne (1830-1930). Neuchâtel : Editions Alphil – Presses universitaires suisses.

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Aller ou ne pas aller à Blois…

21 août 2014 by Lyonel Kaufmann

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Dernier avatar de l’utilisation de «La Chute» pour présenter la polémique née de la conférence inaugurale de Marcel Gauchet aux rendez-vous de l’Histoire à Blois dont le thème cette années et “Les Rebelles“ :

La controverse des Rendez-vous de l’histoire de Blois entre Edouard Louis et Marcel Gauchet expliquée par le point godwin

Quelque soit votre position à propos de la polémique, ce nouvel détournement de «La Chute» mérite le détour.

Pour une mise en situation de la polémique, très franco-française :

Allons à Blois… pour nous y rebeller ? | aggiornamento hist-geo

Le 1er aout dernier paraissait dans Libération un appel au boycott des Rendez-Vous de l’Histoire de Blois (RDVH) initié par Geoffroy de Lagasnerie, philosophe, et Edouard Louis, écrivain, tous deux invités à participer à cette manifestation annuelle des historiens

Motif du boycott : la conférence inaugurale sera prononcée par Marcel Gauchet. Ce n’est pas l’homme qui est visé, précisent les auteurs, mais ses prises de positions jugées réactionnaires. Les dernières publications du Débat, dont Marcel Gauchet est responsable de rédaction, tendraient en effet à leur donner raison. Entre la fausse critique des positions déclinistes et identitaires d’Alain Finkielkraut auquel la revue consacre son dossier du printemps, et son ultime n°180 qui, sous couvert de faire retour sur la mobilisation autour du mariage pour tous, proclame unanimement les dangers de l’homoparentalité, il y a de quoi se demander de quelle « rebellion » Marcel Gauchet peut se targuer pour inaugurer des Rendez-Vous de l’Histoire, qui ont choisi de faire des « Rebelles » leur thème pour 2014.

A noter que, via ce site, vous pouvez très facilement utiliser l’extrait de “La Chute“ pour créer une vidéo comparable : http://captiongenerator.com/videos/template/20569. Aucune connaissance technique n’est nécessaire. La séquence est déjà prédécoupée et vous n’avez plus qu’à couper/coller votre texte pour les sous-titres.

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