Ourdi au Mexique en 1565, le complot de Martin Cortés (fils d’Hernan Cortés) s’avère paradigmatique des nombreuses rébellions contre la couronne de Castille. Loin de se réduire à un face-à-face entre Espagnols et Indiens, la conquête brouille tous les clivages et sécrète précocement une conscience politique créole. Pour comprendre ces Espagnols des Indes, le livre révèle l’ampleur des désobéissances coloniales depuis les années 1540.
Il nous fait revivre le déroulement des grands procès politiques conservés dans les archives américaines et péninsulaires. Les personnages extraordinaires et les histoires de vies les plus rocambolesques abondent dans cette radiographie méticuleuse du monde colonial et de ses relations avec la péninsule Ibérique. On y découvre la misère des émigrés, les convergences d’intérêts entre indigènes et colons, la corruption des magistrats, les faiblesses de l’appareil administratif et le mélange détonnant d’une société conservatrice avec des formes innovantes de culture politique et judiciaire.
La Castille parvient péniblement à faire la reconquête des Indes contre les fils de conquistadors. En sorte qu’on ne saurait parler ni de pacification, ni d’enracinement de la colonisation, durant la seconde moitié du XVIe siècle.
Histoire savante
Compte-rendu : Les visages retrouvés de la terreur soviétique | La vie des idées
De la grande vague de massacres programmés qui a caractérisé les années 1937 et 1938 en URSS, on ne connaissait jusqu’à récemment que la version officielle. Accordant une place importante à la photographie et à l’iconographie, le livre de Tomasz Kizny et Dominique Roynette revient sur le détail de cet épisode longtemps caché du stalinisme.
Recensé : Tomasz Kizny & Dominique Roynette (dir.), La Grande Terreur en URSS, 1937-1938, Editions Noir sur Blanc, Lausanne, 2013, 412 p., 40€.
Le compte-rendu : Les visages retrouvés de la terreur soviétique – La Vie des idées
Revue de presse : L’axe du monde | Histoire Globale
Le déclin de l’Europe, telle est l’inquiétude de Paul d’Estournelles dans un article paru dans La Revue des Deux mondes en 1896, et intitulé « Le péril prochain. L’Europe et ses rivaux ». Avant, donc, Albert Demangeon, auteur, en 1920, du Déclin de l’Europe. Et Jean-Baptiste Arrault, dans sa thèse, avait bien raison d’affirmer que « le premier XXe siècle, même avant 1914, peut être analysé, et nous avons commencé à le faire, comme une période de crise pour l’Europe ».
Parmi les différents textes de l’époque, Vincent Capdepuy s’attache plus particulièrement dans cet article à l’analyse d’un texte d’Anatole Leroy-Beaulieu, professeur d’histoire contemporaine et des affaires d’Orient à l’École libre des sciences politiques, et intitulé « L’Asie et l’Europe », paru en 1901 dans La Revue d’Asie.
Jacques Le Goff et « l’histoire en tranches » | Mediapart
À tous ceux qui, se souvenant de leurs manuels scolaires, pensent encore que le Moyen Âge s’oppose à la Renaissance, ou que l’histoire moderne succède distinctement à l’histoire médiévale, Jacques Le Goff propose de repenser les grands découpages historiques qui scandent nos imaginaires du passé. Entretien avec Mediapart. Extrait :
Doit-on encore vous considérer comme un historien médiéviste, si le Moyen Âge doit changer de définition ?
C’est une question que je me suis souvent posée. Je me définis aujourd’hui comme un historien du Moyen Âge traditionnel, celui qui s’achève au XVe siècle, parce que je ne suis pas un savant de la dernière partie du long Moyen Âge. Il ne me paraît pas impossible que l’on trouve une autre terminologie pour désigner les historiens qui, comme moi, s’occupent du Moyen Âge traditionnel. Je pense que l’on conservera l’idée d’une période intermédiaire entre Antiquité et Temps modernes mais que le concept de “médiéviste” connaîtra une évolution, et qu’il y aura bientôt des médiévistes du XVIe, du XVIIe ou du début du XVIIIe siècle. Mais il peut y avoir d’autres solutions.
Jacques Le Goff et « l’histoire en tranches » | Mediapart
http://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/190114/jacques-le-goff-et-l-histoire-en-tranches?
Mise à jour du 28.01.2014 :
Le compte-rendu de l’ouvrage par le site Histoire globale : Comment et à quelle échelle périodiser l’histoire ?
Extrait de ce compte-rendu à propos de la Renaissance :
«Ainsi, pour Jacques Le Goff, « le pessimisme de Michelet a englouti son Moyen Âge ». Mais dans un contexte différent, Jacob Burckhardt va lui aussi donner ses lettres de noblesse à cette Renaissance, l’opposant de fait à la période obscure qui l’a précédée, au plan de la politique, du développement de l’individu et de la culture. Sur ces bases, Jacques Le Goff procède à une remise en cause impressionnante, montrant notamment combien le Moyen Âge avait entamé des « réformes » que l’on attribue plus volontiers à la Renaissance : retour au système antique des arts libéraux, extension de l’usage « du latin comme langue des clercs et de l’élite laïque », référence déjà forte à la rationalité, invention de la beauté et de l’artiste. A l’inverse, il montre à loisir combien la Renaissance a aggravé les pratiques du Moyen Âge en matière de lutte contre la sorcellerie et en quoi l’inquisition est tout sauf un progrès des droits humains individuels. On ne peut retracer ici tous les arguments utilisés dans le chapitre principal du livre, long de cinquante pages et intitulé « un long Moyen Âge » (reprenant du reste des travaux antérieurs de l’auteur – 2010). Mais la démonstration de l’auteur est clairement des plus convaincantes.»
Le rôle du manuel dans la leçon d’histoire à l’école primaire (1870-1969)
Le rôle du manuel dans la leçon d’histoire à l’école primaire (1870-1969)
De 1870 à 1970, un modèle de leçon d’histoire s’impose à l’école primaire. Prenant appui sur le récit du maître, à finalité civique et morale, le modèle de leçon d’histoire mis au point à partir des années 1880 comprend un dispositif très strict dans lequel des manuels scolaires d’un type nouveau jouent un rôle fondamental. Il correspond parfaitement aux finalités et aux conceptions de l’apprentissage de l’ordre du primaire et reste stable jusqu’aux années 1960, où il est emporté en même temps qu’elles.
Je note plus particulièrement le rôle joué par le manuel d’histoire au primaire et son évolution du début des années 1930 :
«Entre 1923, date de publication du plan d’étude pour l’école primaire qui remplace celui de 1882-1887, et 1969, année de parution des instructions sur « l’éveil », on peut distinguer deux générations de manuels.
La première comprend les ouvrages publiés au début de l’entre-deux-guerres. Le contexte politique de cette période modifie le contenu de l’histoire enseignée : il n’est plus possible d’enseigner une histoire patriotique comme avant 1914. Mais on note peu de modifications en termes didactiques.
En revanche, le progrès des techniques d’impression entraîne à partir des années 1930 une « révolution des manuels »qui se caractérise principalement par l’essor de l’illustration. […]
Ces images sont des documents pédagogiques destinés soit à illustrer la leçon du maître, soit à en fournir le point de départ. C’est du moins le rôle que revendiquent pour elles les avant-propos des ouvrages.
[…]
Les documents textuels tiennent en revanche une faible place dans les manuels d’histoire. Ils sont souvent présentés sous le titre « Lecture ». Il s’agit de proposer une anecdote, un complément au récit, qui peut être lu après la leçon ou dont la lecture peut interrompre celle-ci de façon à y introduire une rupture qui suscite l’attention des élèves. Les textes d’époque sont peu nombreux parmi ces lectures : ils sont d’accès trop difficile pour les jeunes enfants et réservés au cours moyen deuxième année et à la classe de fin d’études.Enfin, résumés, questions et exercices sont toujours présents dans les manuels et visent toujours à la vérification de connaissances factuelles.»
Cette manière de concevoir le manuel correspond largement à celle mise en œuvre dans les manuels d’histoire vaudois et romands du primaire dès le manuel Rosier, puis par le manuel Grandjean & Jeanrenaud ((Rosier, W. (1911). Histoire illustrée de la Suisse : à l’usage des écoles primaires (2e éd). Lausanne, Genève, Neuchâtel: Payot ; R. Burkhardt ; Delachaux et Niestlé. Grandjean, H., & Jeanrenaud, H. (1941). Histoire de la Suisse I & II.Lausanne, Genève, Neuchâtel, Vevey, Montreux, Berne, Bâle: Librairie Payot. Présentation du manuel : http://manuelshistoire.ch/corpus/histoire-de-la-suisse-ii-1941/)). En effet, comme nous le notons dans notre thèse défendue avec succès le 20 décembre 2013 ((Kaufmann, L. (2013). Autorité du discours – Discours d’autorité : les manuels d’histoire vaudois (1938-1998), Lausanne : Faculté des Lettres, p. 128)) :
En premier lieu, nous disposons, avec le manuel Grandjean & Jeanrenaud, d’un manuel d’histoire qui encadre fortement les enseignants et les élèves du primaire dans la conduite et l’apprentissage de la leçon d’histoire. Dès la jaquette de couverture, ce manuel est organisé autour d’un axe prioritairement pédagogique et scolaire. Il s’inscrit dans le prolongement et la continuité du Rosier, son prédécesseur. Il n’y a pas rupture, mais évolution dans le sens d’une plus grande maîtrise, via le manuel, de la leçon à conduire par l’enseignant ainsi que du travail de mémorisation/restitution à réaliser par l’élève. Comparativement aux manuels d’histoire français du primaire (Ogier 2007), le Grandjean & Jeanrenaud n’offre pas de différence majeure dans sa conception et sa réalisation et nous y retrouvons :
- la priorité donnée quasi exclusivement à l’histoire nationale ;
- une conception éditoriale issue de l’imagerie populaire et des livres
- des scènes moralisantes et patriotiques ;
- un recueil de connaissances élémentaires et d’images pour reconstituer une trame nationale ;
- le poids de l’histoire politique et militaire agrémentée d’éléments de la vie quotidienne ;
- une histoire incarnée par des personnages masculins (y compris au travers des péritextes) ;
- un enseignement de l’histoire associant l’instruction civique
Référence papier
Angélina Ogier, « Le rôle du manuel dans la leçon d’histoire à l’école primaire (1870-1969) », Histoire de l’éducation, 114 | 2007, 87-119.
Référence électronique
Angélina Ogier, « Le rôle du manuel dans la leçon d’histoire à l’école primaire (1870-1969) », Histoire de l’éducation [En ligne], 114 | 2007, mis en ligne le 01 janvier 2012, consulté le 23 décembre 2013. URL : http://histoire-education.revues.org/1247 ; DOI : 10.4000/histoire-education.1247
Sur trois textes: épistémologie de l’histoire et Humanités numériques | Frédéric Clavert
Trois textes relativement critiques concernant l’histoire à l’ère numérique ainsi qu’une réflexion : que signifie faire de l’histoire, l’écrire et la diffuser avec les outils du numériques?
Sur trois textes: épistémologie de l’histoire et Humanités numériques | Frédéric Clavert
- Guichard, Éric. « L’internet et les épistémologies des SHS ». Sciences/Lettres nᵒ 2 (Automne 2013) – pre-print.
- Wieviorka, Michel. L’impératif numérique ou La nouvelle ère des sciences humaines et sociales ? Paris: CNRS éd., 2013. Voir également la critique écrite par Jean-François Blanchard sur Liens Socio.
- Hitchcock, Tim. « Big Data for Dead People: Digital Readings and the Conundrums of Positivism». Historyonics, 9 décembre 2013.
La culture du passé | Le Débat no 177, 2013/5
« C’est cependant de toute évidence dans les médias que se formulent dans leur richesse et leur complexité les nouvelles formes de présence historique de ce passé anhistorique. Peut-être parce que, dans l’image, le cinéma ou les séries télévisées ne se pose même pas la question sous-jacente et lancinante qui habite l’histoire, l’enseignement et jusqu’à la littérature, laquelle ne se comprend que dans les conditions historiques de son déroulement : pourquoi transmettre le passé ? À quoi peut-il servir ? Les médias se contentent de l’utiliser, de le mettre en scène, en images fortes et en musique. Et même la tentative de reconstitution la plus scrupuleuse relève encore du jeu. C’est pourquoi ce jeu trouve son illustration concentrée dans l’extraordinaire expansion que lui ont donnée la bande dessinée, les jeux vidéo et les séries télévisées. Là, tout y est : les technologies numériques les plus nouvelles au service des clichés les plus répandus du patrimoine historique et mémoriel, le traitement le plus raffiné et le plus ludique de l’imaginaire collectif de base, la mondialisation possible des débouchés et des profits commerciaux et, pour tout dire, la tendance à l’infantilisation générale du monde contemporain.»
Pierre Nora
En rapport avec la citation ci-dessus, voici quelques articles du numéro, rédigés par des spécialistes de ces questions (Antoine de Baecque, Pascal Ory et Isabelle Veyrat-Masson).
- L’imaginaire historique du péplum hollywoodien contemporain par Antoine de Baecque
- La Révolution française au cinéma. À propos de Les Adieux à la reine de Benoît Jacquot par Jean-François Pigoullié
- L’histoire par la bande ? par Pascal Ory
- Au cœur de la télévision : l’histoire par Isabelle Veyrat-Masson
- Jeux vidéo et Histoire par Thomas Rabino
- Révolution numérique et rapport au passé par Philippe Joutard
Pourquoi appelle-t-on la première guerre mondiale la « Grande Guerre » ? | 14-18 : Chroniques du Centenaire
Toutes les nations belligérantes ont employé cette expression. Une question se pose pourtant : quand et dans quel pays l’expression « Grande Guerre » est-elle apparue pour la première fois ? L’historien Nicolas Offenstadt, spécialiste de la première guerre mondiale, répond :
« A ma connaissance, on manque d’une étude fine sur la question. Dès 1914-1915, l’expression est largement employée dans l’espace public en France ou en Allemagne. Plusieurs séries de publications portent ce titre. Mais elle n’est pas la seule pour désigner le conflit : on parle de « la guerre », de « guerre mondiale » (« Weltkrieg » est aussi courant en Allemagne), ou encore de « la guerre de 1914 », qui devient après « la guerre de 1914-1915 » »…
Bibliothèque : L'Entretemps de Patrick Boucheron
Dans un livre publié l’an dernier, L’Entretemps, Patrick Boucheron poursuivait sa réflexion sur l’histoire. L’Entretemps constitue un discours de la méthode historique mais aussi une mise au point politique à l’heure où certains prétendent encore que les « civilisations ne se valent pas » et où les différences « culturelles » sont mises en avant pour justifier des inégalités que l’on n’ose plus nommer autrement.
Pour Patrick Boucheron,
« lorsque l’historien est du côté des vainqueurs et que les choses se sont produites comme il les avait prévues ou espérées, sans doute n’est-il guère stimulé à échafauder un système complexe de causalité historique : la téléologie, même implicite – surtout implicite – lui suffit, qui le conforte dans l’aimable certitude que celui qui a gagné devait gagner ».
via Patrick Boucheron: pourquoi le Moyen Age nous parle politique – Page 1 | Mediapart.
Damien Carron: La Suisse et la guerre d’indépendance algérienne (1954–1962). Lausanne 2013. – H-Soz-u-Kult / Rezensionen / Bücher
„La Suisse et la guerre d’indépendance algérienne (1954–1962)“ est la publication de la thèse de doctorat de Damien Caron, soutenue à l’université de Fribourg en avril 2010. L’ouvrage se base sur des sources algériennes, françaises et suisses, conservées dans leurs archives nationales respectives ainsi que sur des sources orales et privées. L’auteur a travaillé de 2000 à 2008 au sein des Archives fédérales suisses en tant que collaborateur des Documents Diplomatiques Suisses (Dodis).
Pour InfoClio,
« Cet ouvrage vient combler un lacune historiographique concernant la Suisse dans ce contexte ainsi que les relations internationales durant ce conflit, peu étudiées par les historiens français et algériens. La thèse de Damien Carron apporte un éclairage novateur sur la Guerre d’indépendance algérienne et ouvre de nombreuses perspectives de recherche en soulevant des problématiques comme les légionnaires suisses, les relations entre la Suisse et l’Algérie, le fameux trésor perdu du Front de Libération Nationale (FLN) ou encore les soutiens suisses de l’Organisation armée secrète (OAS). »
Le compte-rendu de l’ouvrage par InfoClio : Damien Carron: La Suisse et la guerre d’indépendance algérienne (1954–1962). Lausanne 2013. – H-Soz-u-Kult / Rezensionen / Bücher.