A la suite de la journée organisée par le ministère de l’éducation en avril 2015, (http://eduscol.education.fr/cid90065/le-marche-des-objets-communicants-les-jeux-et-l-education.html) sur le thème « Le marché des objets communicants, les jeux et l’éducation », Bruno Devauchelle s’interroge, dans son dernier billet, sur la place de la « consommation » dans l’éducation.
S’il y a fort longtemps déjà l’enseignement recevait les marchands d’informatique en leur disant : si les élèves utilisent votre matériel ils seront prescripteurs pour les entreprises dans lesquelles ils travailleront, la situation est désormais autre et l’école de prescriptrice et devenue suiviste (et encore…). Certains s’en réjouissent. Or, comme l’indique Bruno Devauchelle, il y a plutôt à s’inquiéter de ce décalage de plus en plus important qui s’installe entre l’école et la société :
L’école ne serait plus prescriptrice mais suiviste. Au-delà des marchés, de la consommation, cibles faciles mais nécessaires, il y a plus généralement le décalage qui s’est creusé entre l’école et la société. Les promoteurs du retour à l’ancien temps heureux savent-ils qu’à l’époque l’école était bien la prescriptrice d’un ordre social et que la forme sociale était une suite logique de la forme scolaire ? Et pourtant s’ils analysaient ce fait, alors ils auraient une autre vision de l’école que celle qu’ils promeuvent. A moins qu’ils ne préfèrent ce retour en arrière pour tenter de restaurer cette force prescriptrice, mais pour prescrire quoi ? Car la force de l’école depuis sa création c’est que sa prescription était ancrée dans les réalités sociales du moment, sur l’ordre et la hiérarchie de l’école. Mais depuis tout ce temps bien des choses ont évolué, et pas uniquement le numérique, mais pour reprendre les trois premiers chapitres de « Petite Poucette » de Michel Serres ou encore « Deux pouces et des neurones » de Sylvie Octobre, un ensemble d’éléments qui font que les réalités sociales ont largement changé. Or l’école n’a pas modifié sa forme et a continué sur sa logique initiale de massification qui avait fait son succès jusqu’à la fin des trente glorieuses (1975).
Pour Devauchelle, c’est peut-être l’occasion de s’interroger sur les fondements de l’école et du système éducatif et envisager de questionner plus simplement le fait de « faire société » et pas seulement de « vivre ensemble ». Il envisage que ceci soit possible malgré le fait que l’école soit aujourd’hui soumise aux forces du marché, de la consommation et de l’argent, autrement dit une école sous influence de la société libérale de marché. Personnellement, j’en doute…
Pour prolonger la réflexion, je vous invite à lire deux textes qui ne sont pas en lien avec la question de la technologie en milieu éducatif, mais qui posent certaines questions qui, notamment avec la pseudo-économie du partage à la mode Uber ou Airbnb, doivent nous interpeller sur la manière de «faire société» et donc de faire ensuite école :
- Dans un article s’interrogeant sur la signification de la critique relative à la technologie, Evgeny Morozov, écrivain d’origine biélorusse, spécialiste des implications politiques et sociales du progrès technologique et du numérique et collaborateur à The New Republic, estime que la critique à l’encontre de la technologie s’est souvent révélée conservatrice. Elle est même à l’avant-garde du projet néo-libéral. Pour Morozov, «Aujourd’hui, il est évident pour moi que la critique de la technologie, si elle n’est pas couplée à un projet de transformation social radical, n’atteint pas son but». (Source : Technologie : avons-nous raison d’être critiques ? « InternetActu.net)
- Au début des années 1990, de nombreux experts ont vu dans la création du Web l’acte de naissance d’une communauté virtuelle. Les ordinateurs en réseau rendaient possible le dépassement des frontières physiques et ouvraient une ère de communion électronique. Cette utopie à portée de main trouve son origine dans la contre-culture nord-américaine et plus particulièrement la culture hippie, mais elle se serait transformée pour finir par rallier les idées économiques les plus individualistes, les moins progressistes socialement. Reste à trouver notamment des réponses à ces nouvelles formes d’exploitation du travailleur-consommateur. (Source : Réflexions sur la gauche, le travail et l’économie en mode digital)
(Via De l’enfant consommateur à l’école consommatrice et prescriptrice | Veille et Analyse TICE)
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