Le numérique est-il seulement un outil ou dépasse-t-il ce cadre-là ? Transforme-t-il notre manière d’apprendre et de penser ? Doit-il nous amener à changer de pédagogie ? Dans le prolongement de récents billets, la contribution de Sébastien Stasse est une importante contribution à cette réflexion.
Ainsi qu’il l’indique, lors des 20 dernières années, les différents outils technologiques venaient supporter une démarche et dans cet état de fait, on pouvait très bien parler d’outil comme d’un « moyen d’action » sur du contenu. La technologie supportait la démarche pédagogique. Or, et je partage de plus en plus le point de vue de Sébastien Stasse,
«Je dois aujourd’hui constater que l’évolution rapide de cette technologie me porte à questionner le terme outil pour qualifier l’usage de cette technologie qui s’infiltre dans l’ensemble des aspects de notre vie, mais surtout d’une technologie qui supporte de plus en plus une partie virtuelle importante de cette vie.»
Cette évolution concerne tous les aspects de nos existences. Elle s’intègre partout, «y compris de l’acte naturel d’apprentissage et d’enseignement».
Dès lors, et c’est la conclusion de Sébastien Stasse,
«quand un élément s’intègre ainsi à un ensemble de pratiques, ne faudrait-il pas plutôt en parler comme d’un véhicule ou d’un vecteur puisqu’il permet non seulement de réaliser une tâche, mais d’en supporter le résultat et sa diffusion. Parler de la technologie en terme d’outil me semble aujourd’hui beaucoup trop réducteur et a pour effet, en éducation, à reléguer son usage à un rôle de soutien plutôt que de voir cette technologie comme une partie intégrante et inhérente à une démarche d’enseignement et d’apprentissage.»
Si tel est le cas, et je penche à suivre ces propos de Sébastien Stasse, le numérique modifie l’acte et la manière d’apprendre, jusqu’à nos opérations et structures mentales. Au même titre, que l’a fait l’imprimerie. A terme, ce sera un pléonasme que de parler de littératie numérique.
En outre, l’évolution du terme de «TIC» à celui de «numérique» indique bien un changement de nature et d’intensité dans l’évolution en cours. Il est en de même avec l’apparition de la notion d’humanités numériques. Cette dernière indique bien que nous avons dépassé en la matière la notion de simple outillage technologique. En effet, les humanités numériques modifient la manière de poser des questions et d’y répondre. Elles modifient également les procédures et la composition des équipes scientifiques qui désormais réunissent chercheurs issus des Sciences humaines et socilaes et ceux des Sciences de l’ingénierie informatique ((A titre d’exemple : Écoutez le Paris du XVIIIe siècle | CNRS Le journal)). Nous sommes bien en présence d’une rupture au sens de Thomas Kuhn.
A lire : Sébastien Stasse Les TIC peuvent-elles encore être vues comme des outils ? » In scholam – Pédagogie, technologie et administration scolaire
Références :
- Thomas Kuhn (trad. Avram Hayli), La Révolution copernicienne, Paris, Librairie Générale Française, coll. « Livre de poche., Biblio essais » (no 15), (1re éd. 1957).
- Thomas Kuhn (trad. Laure Meyer), La structure des révolutions scientifiques [« Structure of scientific revolutions »], Paris, Flammarion, coll. « Champs / 791 », (1re éd.1962), 284 p.
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