Aujourd’hui, pour la journée du patrimoine, l’occasion pour Actuel Moyen Age de revenir sur l’invention de cette notion, et ses implications politiques.
En 1471, le pape Sixte IV offre au Peuple Romain, en grande pompe, des statues antiques en bronze dont la célèbre Louvre Capitoline , qui est devenue le symbole de la ville de Rome et de sa fondation. C’est la création d’un des premiers musées du monde occidental, qui existe d’ailleurs toujours aujourd’hui, le musée du Capitole.
Avant cette intervention et création du Pape, au Moyen Âge, la notion même de patrimoine n’existe pas.
Combien de maisons romaines ont été construites à partir des pierres du Panthéon ou du Forum ? Combien de linteaux, de briques, de fondations sont en fait des réutilisations de bâtiments antiques démembrés ? On se verrait difficilement expliquer aujourd’hui que l’on ajoute un étage à sa maison en puisant dans les gradins du Colisée, et puis d’ailleurs, que ce petit-bas-relief si joli fera du meilleur effet pour soutenir sa cheminée. Mais c’est comme cela que Rome s’est construite pendant la majeure partie du Moyen Âge.
Alors pourquoi, tout d’un coup, un pape décide-t-il d’honorer des statues antiques ?
L’invention du musée, et l’invention du patrimoine, répondent à un projet politique : redonner à la papauté le rôle et le prestige qui lui revient. Protéger des réalisations du passé servait les intérêts politiques ; il s’agissait de reconstruire un récit mythique – à défaut d’être national – qui fait de la papauté romaine l’héritière de la Rome antique glorieuse. Quel plus bel exemple que la Louve Capitoline ? Devenue l’image même de la fondation de Rome, elle est en réalité une pure construction : la louve elle-même date sans doute du Ve siècle avant, mais en revanche, les deux bambins symbolisant Remus et Romulus ont été rajoutés bien après, précisément à la fin du XVe siècle, plus ou moins au moment de la donation de Sixte IV. D’une simple statue représentant une louve, on a fait la louve allaitant les frères fondateurs, la louve grâce à qui Rome est née. Il s’agit autant d’une œuvre antique que d’une création médiévale, qui vise à donner un symbole fort pour un passé dont on cherche à se rapprocher.
Pour aller plus loin :
- Élisabeth Crouzet-Pavan, Renaissances italiennes 1380–1500, Paris, Albin Michel, 2013.
- Fabrice Delivré, « L’universalisme romain », Histoire du Monde au XVe siècle, Paris, Fayard, 2011, p. 724-739
- Jean-Claude Maire-Vigueur, L’Autre Rome. Une histoire des Romains à l’époque des communes (XIIe-XIVe siècle), Paris, Tallandier, 2010.
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