Ce numéro 2022/1 de la revue des Annales est consacré aux périodes ancienne sous l’angle de l’histoire environnementale. Voici les deux premiers paragraphes de l’éditorial de ce numéro.
Centré sur l’histoire environnementale des périodes anciennes, ce numéro spécial s’inscrit dans une tradition bien enracinée, quoique profondément renouvelée au cours des cinquante dernières années. À distance de la « longue durée » braudélienne, où le climat servait de toile de fond immobile et majestueuse au déploiement des actions humaines, une histoire environnementale davantage sensible aux « fluctuations de la météorologie » et « au paroxysme des contagions » avait déjà trouvé une place dans les Annales au début des années 1970 sous la plume d’Emmanuel Le Roy Ladurie. Après un moment d’éclipse, elle a refait surface dans les pages de la revue au cours de la dernière décennie, sans doute parce que s’y nouent étroitement des questions méthodologiques, épistémologiques et politiques.
La revue s’est ainsi fait l’écho de ces profondes mutations à travers un numéro spécial coordonné par Alice Ingold en 2011 et, plus récemment en 2017, par un volumineux dossier consacré au concept d’Anthropocène, désormais omniprésent dans le débat public et scientifique. La définition de cette nouvelle ère géologique reste toutefois controversée : si le rôle de l’humanité dans l’altération actuelle du climat fait aujourd’hui (plus ou moins) consensus, on ne s’accorde guère pour dater l’origine du bouleversement. En 3 000 ans avant notre ère ? Depuis la révolution industrielle anglaise au xviiie siècle ? Ou seulement avec les Trente Glorieuses ? Pour le dire autrement, l’Anthropocène commence-t-il dès la fin du néolithique, lorsque s’établit la conjonction entre sédentarisation humaine, domestication animale, exploitation agricole et étatisation politique ? N’est-ce pas là cependant réintroduire subrepticement l’idée de péché originel, comme si le ver avait déjà été dans le fruit… En outre, si le véritable bouleversement n’intervient qu’avec l’instauration du système capitaliste, la notion d’Anthropocène ne risque-t-elle pas de faire écran, en occultant le véritable acteur du changement – non l’homme, mais le capitalisme ? D’où la proposition d’une dénomination alternative, le Capitalocène…
Le sommaire des articles du numéro :
- L’émergence d’une histoire environnementale interdisciplinaire. Une approche conjointe de l’Holocène tardif par Adam Izdebski, Kevin Bloomfield, Warren J. Eastwood, Ricardo Fernandes, Dominik Fleitmann, Piotr Guzowski, John Haldon, Francis Ludlow, Jürg Luterbacher, Joseph G. Manning, Alessia Masi, Lee Mordechai, Timothy P. Newfield, Alexander R. Stine, Çetin Şenkul, Elena Xoplaki, Traduction d’Antoine Heudre Antoine Heudre
- Le destin de l’Empire romain dans le temps long de l’environnement (note critique) par Philippe Leveau
- Un discours de la méthode pour une histoire environnementale du haut Moyen Âge par Magali Watteaux
- La Nature et le corps du roi. Réflexions sur l’idéologie politique des temps carolingiens par Geneviève Bührer-Thierry
- Le développement économique des campagnes romaines dans le nord de la Gaule et l’île de Bretagne. Des approches renouvelées par Michel Reddé
Pour le comité éditorial de la revue:
ce numéro donne à lire une histoire environnementale réflexive, parfois inquiète, aussi attentive aux lacunes de la documentation qu’aux risques de rétroprojection anachronique.
Le numéro: Histoire environnementale. (Antiquité-Moyen Âge) | Annales. Histoire, Sciences Sociales 2022/1
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