« A la vie, à la guerre » est un récit numérique sur la vie d’un soldat au cours de la Première guerre mondiale écrit par un professeur d’histoire, Julien Hervieux. Proposé par les éditions numériques 12-21 , il s’accompagne d’un blog où les lecteurs peuvent découvrir également la vie des hommes et des femmes à l’arrière pendant le conflit, tout suivant les événements qui se sont déroulés la même semaine, avec un siècle de décalage. Les courts textes y sont le fruit de différents auteurs.
Les premiers éléments du blog ont été mis en ligne le 28 juin mais le premier épisode de l’histoire d’Antoine Drouot a commencé le 3 juillet 1914 et a donc été publié le 3 juillet 2014. Ce blog et le roman-feuilleton « A la vie, à la guerre » s’appuient sur des journaux de marche du 24e régiment d’infanterie et des documents d’époque.
Les épisodes du livre sont mis en vente chaque jeudi, jusqu’au 25 décembre. Les deux premiers sont gratuits, les suivants sont vendus 0,99 euro.
Voici également le premier billet posté sur le blog est daté du 1er juillet 1914 (et donc publié le 1er juillet 2014) :
Faubourg Saint-Jacques, Paris
Maximilien Drouot
Maximilien Drouot tire sur sa pipe avant d’attraper le journal que son fils, comme chaque matin, a déposé sur la table de la salle à manger en revenant de son travail de nuit. Il parcourt les gros titres en marchant jusqu’au vieux fauteuil près de la fenêtre qui l’accueille chaque jour pour sa lecture. Il se laisse tomber en soupirant.
« Encore ces histoires ! » maugrée-t-il en voyant que les gros titres se consacrent une fois encore à la Bosnie-Herzégovine, un pays qu’il aurait été bien incapable de situer et où l’on pouvait bien s’entretuer, ça ne le regardait guère. Son vrai souci est tout autre et s’étale en caractères gras dans des colonnes plus resserrées mais bien plus intéressantes selon lui.
« V’là qu’ils nous augmentent encore les impôts ! C’est quand même pas possible, c’est pas comme si on gagnait trop ! »
Madame Aurélie Drouot, occupée à préparer le café matinal, lui jette un regard fatigué.
« Arrête de lire le journal si c’est pour râler à propos de tout.
— Ah, non ! s’insurgea-t-il en tirant de plus belle sur sa pipe. C’est quand même incroyable ! On va m’interdire de commenter ! Ma propre femme ! »
Son épouse dit simplement :
« Ton fils dort, je te rappelle qu’il est sorti du travail à 4 heures. Alors évite de parler si fort. »
Maximilien grommelle quelque chose puis marmonne un ton plus bas :
« Et v’là qu’ils veulent aussi réduire la semaine à quarante-neuf heures !
— Maximilien…
— Moi quand j’étais jeune, on travaillait soixante heures et on était bien content !
— Bon, ça suffit : tu poses ce journal, tu bois ton café et on y va, on travaille dans moins d’une heure maintenant. »
Il lève un sourcil en direction de sa femme et, réalisant qu’elle ne le laissera pas continuer à se plaindre en paix, il se lève et va la rejoindre à la table du petit déjeuner. Après l’avoir partagé en silence, tous deux se préparent puis s’apprêtent à partir. Madame Drouot note bien le regard pensif de son mari, et sourit en coin en sachant très bien ce qu’il prépare. Elle éclate d’un rire léger lorsqu’à la porte, comme elle s’y attendait, il quitte enfin le silence :
« De toute manière, les jeunes, ils ne veulent plus rien faire ! »
Tout en refermant la porte derrière eux, il ajoute :
« Ce qu’il leur faudrait, c’est une bonne guerre ! »
Le billet : 1er juillet 1914 | #ALVALG