Dans une série documentaire, l’historien Patrick Boucheron revisite les grandes dates qui ont marqué la mémoire collective. Une façon d’“orienter différemment nos certitudes”. Extraits.
De la crucifixion de Jésus à Hiroshima, vous balayez un large spectre historique. Comment avez-vous réussi ce tour de force ?
Je me suis entouré à chaque fois des meilleurs spécialistes et j’ai eu à cœur, même si j’assume le rôle de narrateur, de déléguer la parole – ne serait-ce qu’en faisant confiance au discours visuel du film lui-même, grâce au travail de Denis van Waerebeke et des autres réalisateurs, Lucie Cariès et Pascal Goblot. Ce passage de relais est important pour faire comprendre qu’il n’y a pas d’historien omniscient. Si l’on parle de Pompéi, il faut aller voir un archéologue, si on évoque Angkor, cela réclame un historien qui connaît l’épigraphie, et si l’on parle de la peste noire, il faut un spécialiste de l’épidémiologie.
(…)
Dans cette histoire filmée, vous faites également entendre une pluralité de points de vue…
C’était notre ambition. Dans chacun des épisodes, nous avons voulu raconter l’histoire différemment. Par exemple, Hiroshima est un événement bien connu de la Seconde Guerre mondiale. Mais l’historien Michael Lucken m’a donné accès à une bibliographie que je ne connaissais pas et qui indique que la décision de lâcher la bombe atomique sur une ville japonaise est prise par les Américains sur des critères raciaux. C’est clairement exprimé dans certaines archives de l’administration américaine ; la bombe atomique est une arme inhumaine or les Japonais ne sont pas tout à fait des hommes. Dans cet épisode, on raconte aussi qu’Hiroshima et Nagasaki n’annonçaient pas forcément la fin de la guerre. Elle aurait pu se terminer autrement puisque les Soviétiques étaient prêts à envahir le Japon. Avec cette série, on a voulu orienter différemment nos certitudes, regarder les événements d’un autre point de vue mais aussi, au fond, “défataliser” le cours de l’histoire.
Complément (19.03.2018)
A l’occasion de cette série d’émission, Patrick Boucheron était, le vendredi 16 mars, l’invité de France Inter. L’occasion pour France Inter de revenir avec lui sur les enjeux de la médiatisation de l’histoire, entre démocratisation et vulgarisation. C’est par là : https://www.franceinter.fr/emissions/l-instant-m/l-instant-m-16-mars-2018.
Quand l’histoire fait dates Série documentaire de Patrick Boucheron et Denis van Waerebeke (10 × 26 min). Du 17 mars au 14 avril, le samedi, 16 h 15, Arte
L’article : Sur Arte, l’historien Patrick Boucheron veut “défataliser le cours de l’histoire” | Les Inrocks
Source image : Un épisode est consacré à la libération de Nelson Mandela, en 1991. © Les Films d’Ici.
Laisser un commentaire