Les jeunes, que l’on dit amnésiques et déficitaires sur le plan de la culture historique, ne sont pas sans posséder une certaine vision de l’histoire du Québec. Quelle est cette vision ? Est-elle différente selon que l’on est francophone, anglophone ou allophone ? Évolue-t-elle après que les jeunes aient suivi le cours d’histoire nationale ? Quelle est l’importance effective de ce cours dans la structuration d’une mémoire historique collective chez les jeunes Québécois ? Voilà autant de questions abordées dans cet article, premier résultat d’un grande recherche en cours, dans la Revue d’histoire de l’Amérique française.
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Toute commémoration est-elle une question sociale vive? | Chronique no 137
Que ce soit en France ou au Québec les dernières ou prochaines commémorations sont l’objet de controverses. Un peu partout nous sommes en présence de la concurrence des mémoires. Avec en filigrane deux questions : toute commémoration est-elle une question sociale vive? Comment les aborder dès lors en classe?
Au mois d’octobre, je me trouvais au Québec. Mon attention a été attirée par les controverses portant sur les commémorations de la guerre anglo-américaine de 1812. De retour ici, la controverse porte sur une autre guerre : 14-18 en relation avec le prochain centenaire du début du Premier conflit mondial.
En 1812, année de la campagne de Russie de Napoléon, la guerre éclate sur le continent nord-américain et oppose les États-Unis à l’Empire britannique entre juin 1812 et février 1815. Cette guerre est connue sous plusieurs noms : la guerre anglo-américaine de 1812, celle de seconde guerre d’indépendance, voire plus rarement de guerre américano-britannique. Alors que le Royaume-Uni devait fournir un important effort de guerre du fait de son conflit avec la France napoléonienne, les États-Unis lui déclarèrent la guerre le 18 juin 18128 pour envahir les territoires canadiens qui relevaient de l’Empire britannique, qui s’étaient peuplés d’anglophones depuis une quarantaine d’années, et entretenaient de nombreuses relations culturelles et commerciales avec les États-Unis. Cette guerre prend fin après la signature du traité de Gand le 24 décembre 1814. Le traité restaure alors les conditions d’avant-guerre par un status quo ante bellum. ((http://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_anglo-américaine_de_1812))
En juin 2012, les commémorations du bicentenaire de cette guerre de 1812 sont officiellement lancées par le gouvernement canadien. Des moyens importants sont mis à la disposition de ces commémorations comme l’illustre cette vidéo publicitaire :
Cette publicité produite par le gouvernement du Canada a été diffusée tout au long de l’été 2012 sur les écrans de cinémas, à la télévision et sur le web. Un site web en anglais et en français accompagne les commémorations est fourni un abondant matériel pédagogique pour les enseignants. ((http://1812.gc.ca/fra/1305654894724/1305655293741)) Un matériel d’autant plus nécessaire pour le gouvernement conservateur que la guerre de 1812 occupe fort peu de place dans les manuels canadiens et plus particulièrement québécois.
Concrètement, le storytelling de ces commémorations s’appuie sur quatre personnages emblématiques, posés en héros de cette guerre, soit le Major général Sir Isaac Brock, le Lieutenant colonel Charles-Michel d’Irumberry de Salaberry, Laura Secord et Tecumseh, chef de guerre shawnee. Ce storytelling développe une argumentation diffusée dès 2010 par Stephen Harper, le premier ministre conservateur canadien. Pour ce dernier, la guerre américano-britannique de 1812 a «contribué à façonner l’identité canadienne». A l’été 2012, ces propos sont répétés en boucle. Pour Josée Boileau, rédactrice en chef du journal Le Devoir,
L’idée, c’était de faire comprendre qu’en 1812, les Canadiens, sous la férule des valeurs britanniques, se sont battus ensemble pour résister à l’envahisseur américain, posant des premiers jalons d’unité nationale.
soit «une relecture historique qui n’allait pas tarder à être dénoncée par des historiens de toutes tendances, qui trouvaient que le gouvernement conservateur exagérait l’impact de cette guerre obscure.» ((Guerre de 1812 – Refaire l’histoire : http://www.ledevoir.com/politique/canada/352786/guerre-de-1812-refaire-l-histoire))
Le tout dans un contexte d’élections régionales toutes proches où le gouvernement libéral du Québec était en difficulté et où la possibilité d’un retour au pouvoir du Parti Québécois se profilait. Depuis lors, Pauline Marois du Parti Québécois est devenue première ministre du Québec et a rendu hommage début novembre à René Lévesque, chantre du Québec libre, à l’occasion des commémorations du 25e anniversaire de sa mort. ((http://www.radio-canada.ca/nouvelles/societe/2012/11/01/002-rene-levesque-anniversaire.shtml))

Quasi simultanément, après les reconstitutions, les livres, les monuments et les gravures, la guerre de 1812 trouvait une énième incarnation dans une bande dessinée interactive spécialement conçue pour l’iPad par l’Office national du film canadien (ONF), en partenariat avec Patrimoine Canada. Un quart de millions de dollars a été injecté dans ce projet imaginé par la division numérique anglophone de l’Office et désormais livré dans les deux langues officielles. (((http://www.ledevoir.com/politique/canada/363560/la-guerre-de-1812-maintenant-disponible-en-bande-dessinee))
Mais l’arrivée au pouvoir du Parti québécois marque, au mois d’octobre 2012, l’ouverture d’un nouveau front et débat. En effet, la nouvelle ministre de l’Éducation, Marie Malavoy affirme lors d’une entrevue que les cours d’histoire au secondaire redeviendront comme ils l’étaient avant l’ère du premier ministre libéral Charest et redonneront une place à la nation québécoise. ((Pour une revue de presse détaillée concernant cette question de l’enseignement de l’histoire nationale québécoise et à la suite des propos de Mme Malavoy : http://www.histoirequebec.chaire.ulaval.ca/2012/11/04/courte-bibliographie-au-sujet-de-lenseignement-de-lhistoire-au-quebec/))
Toujours est-il que, dans les deux controverses québéco-canadiennes, l’histoire et son enseignement sont instrumentalisés à des fins essentiellement politiques et tant les enseignants que les élèves sont pris en otage.
b) Les commémorations du 11-novembre 1918
«Un mélange des genres qui rappelle les grandes heures du roman national sarkozyste.»
«Attendue au tournant sur une nécessaire rupture idéologique avec le précédent quinquennat, la nouvelle majorité ne semble pas pressée de résorber les plaies des multiples instrumentalisations de l’histoire par le pouvoir sarkozyste pour remodeler la société française.» ((http://www.humanite.fr/politique/1914-2014-regression-memorielle-508269))
Cet article est la reprise de ma chronique mensuelle du Café pédagogique. (No 137, Novembre)
Revue de presse : Après le Goulag, l’épreuve du retour
Tous les survivants des camps nazis ou soviétiques ont connu une ultime épreuve: le voyage de retour. Un voyage qui, à la manière d’Ulysse, peut durer des années.
Julius Margolin, lui, a eu de la chance: son retour, de Slavgorod en Altaï jusqu’à Tel-Aviv en passant par Marseille, fut presque facile. Mais si le chemin de fer suit une ligne droite, son esprit reste prisonnier d’un dédale. Comme d’autres rescapés, il songe à ses cinq ans de camp, aux conditions de vie éprouvantes, au froid, à la mort de ses camarades. Il sait qu’il a désormais pour mission de témoigner. Là-bas, dans le néant carcéral, il craignait de perdre ses valeurs, d’oublier son humanité. Ici, il a peur que le souvenir s’évapore, il lutte pour ne pas oublier les autres, ceux qui sont restés. Il découvre aussi les ruines de la Pologne et le génocide de son peuple.
Ian Kershaw (2012). La Fin
« L’attrait charismatique de Hitler auprès des masses s’était de longue date dissous, mais les mentalités et les structures de son pouvoir charismatique perdurèrent jusqu’à sa mort dans le bunker. Divisées, les élites dominantes ne possédaient ni la volonté collective ni les mécanismes de pouvoir pour empêcher Hitler d’entraîner l’Allemagne vers sa destruction totale. »
L’historien Ian Kershaw livre un grand récit de la fin de la guerre.
Pourquoi la guerre a-t-elle duré si longtemps ? Comment expliquer l’incroyable résistance du régime nazi au milieu des décombres ? C’est à ces questions que Ian Kershaw tente de répondre. L’obstination fanatique du Führer, l’emprise du parti nazi sur la population, la peur viscérale de l’armée Rouge, mais aussi les choix stratégiques et militaires des Alliés sont quelques-unes des hypothèses explorées dans ce livre.
Le livre part De l’attentat manqué contre Hitler, le 20 juillet 1944, et court jusqu’à la capitulation du 8 mai 1945,
Ian Kershaw (2012). La Fin (The End, traduit de l’anglais par Pierre-Emmanuel Dauzat). Paris : Seuil, 660 pages.
Quelques comptes-rendus de l’ouvrage:
- Pierre Assouline : De l’Allemagne nazie et de l’intransigeance | La république des livres
- Le Point : Les dernières heures du Reich
- Huffington Post : La fin de Ian Kershaw, ou le dénouement d’un drame
- Sciences Humaines : Sur la ruine de l’Allemagne
- Le Temps : Allemagne, 1944-1945: autopsie d’une apocalypse
Lincoln enfermé dans son histoire | Le Devoir
Photo : 20th Century Fox
Difficile d’éviter les références à la réélection d’Obama, même si Spielberg avait en tête ce biopic sur Lincoln depuis 1999. La récente campagne électorale, avec tous ses clivages, trouve dans le film sa perspective historique. On songe aussi au chemin parcouru depuis l’abolition de l’esclavage, avec un président noir à la Maison-Blanche. Assassiné comme John F. Kennedy, Abraham Lincoln préfigure par son destin les tensions droite-gauche toujours vivaces de cette société.
Sans flash-back, ce film se concentre sur une époque-clé, en 1865, soit la lutte du président américain pour faire voter à la Chambre des représentants le 13e amendement de la Constitution autorisant l’abolition de l’esclavage.
Pour Le Devoir, «Lincoln se révèle un excellent cours d’histoire, mais bien indigeste. Il n’est pas certain que son public suivra Spielberg dans cette voie exigeante et suffocante.»
A lire : Lincoln enfermé dans son histoire | Le Devoir.
Mise à jour (20.11.2012)
Sur History News Network, David O. Stewart s’interroge : How True is « Lincoln »? et il conclut que, dans l’ensemble, Lincoln est un film historiquement solide qu’on peut aller voir la conscience tranquille.
Sur les traces de George Washington | Le Devoir
Photo : Annik MH De Carufel – Le Devoir
Les rebondissements de l’histoire sont parfois étranges. Comment un acte de reddition signé en 1754 de la main de George Washington, père fondateur des États-Unis, a-t-il pu traverser les siècles pour se retrouver dans les archives québécoises ?
L’explication: Sur les traces de George Washington | Le Devoir.
Livres : Le succès fou de l'histoire suisse
Les livres consacrés à l’histoire de la Suisse, ou à ses institutions, rencontrent un succès étonnant.
Ce succès démontre la curiosité du public romand. Et une forme d’inquiétude à l’égard de la mondialisation.
11 novembre 1918 : “le cauchemar est fini” O.Kerjean
«Le cauchemar est fini. Les mugissements des canons, les sifflements des balles se sont tus. Le ciel bleuté de cette fin d’automne n’est plus terni par les lourdes fumées pestilentielles. Il s’égaie d’un soleil chaud encore qui affirme que la vie peut être vécue comme elle le fut jadis.
Des plateaux crevassé de trous immenses, des tranchées emplies de fils de fer déchirés et de gabions éventrés, des amas de cailloux que sont les ruines des pauvres villages, ne montent plus ni les cris déchirants des blessés, ni les longues plaintes monotones des mourants».
Olivier Kerjean, le Cri du Peuple du 16 novembre 1918.
Cité par 11 novembre: “le cauchemar est fini” O.Kerjean | Enklask / Enquête.
L'avenir des manuels scolaires numériques | Looking Up
Que devrait-être un manuel numérique ? Quelles en sont les les caractéristiques utiles? Comment pouvons-nous tirer parti au mieux des capacités des appareils et de leur connectivité pour en faire une ressource plus utile? Voici quelques questions auxquelles tente de répondre Andrew Campbell, enseignant, sur son blog.
Pour Campbell, six idées forces doivent présider au futur des manuels scolaires numériques. Ils devraient être
- Des dispositifs fiables et interconnectés : ainsi, par exemple, les manuels numériques doivent être accessibles sur des appareils fiables, interconnectés et faciles à utiliser.
- Leur contenu doit être personnalisable : le contenu des manuels numériques doit être ouvert pour permettre aux enseignants de les actualiser et d’en réécrire des parties en fonction des besoins évolutifs des élèves. Les élèves également doivent pouvoir ajouter du contenu.
- Leur interface doit pouvoir être personnalisée : car nos expériences numériques sont personnalisées à l’exemple de Facebook ou de Twitter.
- Ils seront Interactifs : les étudiants publieront des commentaires et partageront du contenu et des idées sur ce qu’ils ont appris. Ces matériaux prendront des formes multiples (textes, podcasts, images, vidéos et autres multimédias) et pourront être ajoutées à distance via des appareils mobiles quand et où les étudiants sont inspirés.
- Ils faciliteront des liens personnels : les manuels numériques devront faciliter les connexions à des ressources externes à l’appareil.
- L’évaluation sera intégrée : l’évaluation est intégrée dans le contenu et le contenu s’ajuste en fonction des commentaires de l’évaluation. Les enseignants vérifient les progrès des élèves en temps réel, ajoutent des observations et des commentaires pour le portfolio de l’élève. Ils interviennent en cas de besoin et guident l’élève.
L’article complet : The Future of Digital Textbooks « Looking Up.
Colloque infoclio.ch 2012: Accessibilité et droits d’utilisation des ressources historiques sur le web
Le colloque infoclio.ch 2012 s’est tenu vendredi 2 novembre au Kornhauforum de Berne, sur le thème « Accessibilité et droits d’utilisation des ressources historiques sur le web ». Vous pouvez dès à présent retrouver tous les enregistrements et les présentations des conférenciers sur cette page spéciale dédiée au colloque. Le thème de ce 4ème (déjà) colloque s’intitulait «Médias numériques pour les sciences historiques».
L’objectif de ce colloque étail triple
- éclairer le contexte international qui régit l’accès aux sources historiques sur le web et leurs conditions d’utilisation pour la recherche.
- présenter les solutions légales adoptées par les institutions suisses pour garantir un accès le plus large possible à leurs ressources, notamment les licences Creative Commons.
- réunir les différents acteurs impliqués pour engager un dialogue et esquisser une stratégie d’action coordonnée pour le développement d’un environnement numérique de recherche fonctionnel et durable.
Le programme et les interventions : Colloque infoclio.ch 2012: Accessibilité et droits d’utilisation des ressources historiques sur le web | infoclio.ch.