Un article et un cours relativement à la question de l’anthropcène en histoire et dans nos enseignement. Histoire de partir en 2020 sur de bons pieds.
Résumé de l’article
L’article : Jean-Baptiste Fressoz et Muriel Louâpre, « L’ère anthropocène : pour en finir avec la fin de l’histoire. Entretien avec Jean-Baptiste Fressoz », 3Écrire l’histoire3 En ligne, 15 | 2015, mis en ligne le 08 octobre 2018, consulté le 28 décembre 2019. URL : http://journals.openedition.org/elh/589 ; DOI : 10.4000/elh.589
De crise environnementale en prédictions anxiogènes, le discours apocalyptique est devenu un genre contemporain en vogue, non sans analogie avec ce qui a pu se passer au xixe siècle alors que s’imposait l’idée d’une autonomisation de l’homme vis-à-vis de l’histoire naturelle. Pour Jean-Baptiste Fressoz, historien des techniques, qui a réédité, avec François Jarrige, La Fin du monde par la science d’Eugène Huzar, la redécouverte de ces discours oubliés fait comprendre surtout les phénomènes qui ont permis l’occultation des donneurs d’alerte – et de questionner leurs avatars contemporains. La théorie de la modernité réflexive, en particulier, quand elle justifie la création d’une technonature, prolonge et célèbre cette séparation. Or si nous sommes bien entrés dans une ère postgéologique, l’anthropocène, dans laquelle l’action humaine transforme la planète à très longue échelle, reconstituer les « grammaires environnementales » du passé permettrait de mieux comprendre ce qui se joue dans la crise environnementale contemporaine, qualifiée ici de « fin du monde slow motion ».
Un entretien et une mise en perspective très stimulants.
Extrait : la notion d’anthropocène
« L’intérêt de la notion d’anthropocène est tout de même de permettre de sortir de ce discours apocalyptique : ce que nous vivons n’est pas la fin du monde, mais ce n’est pas non plus une simple crise environnementale après laquelle on pourrait passer à autre chose. C’est une révolution géologique d’origine humaine avec laquelle il va falloir vivre pour toujours ou presque. »
Extrait : Une histoire buissonnante des techniques, salutaire pour penser les questions environnementales
« C’est surtout en histoire des techniques que le rejet d’une histoire phasiste, c’est-à-dire conçue comme une succession de phases reliées par des transitions, est déterminant. Pour faire comprendre ce point très simple et très radical, je peux prendre l’exemple d’un chimiste qui s’opposait au gaz d’éclairage au début du xix siècle. Il proposait l’expérience de pensée suivante : imaginons que le gaz ait existé avant la lampe à huile. L’invention de la lampe à huile serait alors considérée comme formidable : plus besoin de tout ce fatras de gazomètres et de tuyaux, plus besoin non plus des ouvriers œuvrant dans les usines à gaz et susceptibles de saboter l’illumination des villes. Un ancien collègue, David Edgerton, a écrit un livre formidable sur ce point. Il montre parfaitement combien nous avons une vision excessivement « phasiste » de l’histoire des techniques. Or une technique n’en remplace pas totalement une autre, elles s’additionnent. L’infrastructure matérielle de nos sociétés est très ancienne : les objets qui nous entourent n’ont pas été inventés aujourd’hui, ils existent depuis des décennies. Mais la technique est obsédée par le futur et tend à négliger l’ancien, les structures, le rémanent. Au début du xix siècle, l’administration n’appréhendait pas la technique sous cet angle du progrès : la police ne voyait aucune difficulté à utiliser des ordonnances du xii siècle pour réguler des nuisances. L’idée d’un perpétuel perfectionnement s’installe au début du xix siècle : l’historicité de la technique s’impose à ce moment-là. Revenir sur cette vision de l’histoire des techniques est salutaire pour penser les questions environnementales. »
-Source L’ère anthropocène : pour en finir avec la fin de l’histoire. Entretien avec Jean-Baptiste Fressoz
Comment prendre en considération cette notion d’anthropocène dans l’enseignement de l’histoire ?
Si cette question vous intéresse, le Groupe d’étude de la didactique de l’histoire de la Suisse romande et italienne (GDH) propose, à l’occasion de son 23ème cours de formation, de mieux comprendre les problématiques environnementales ayant jalonné l’histoire jusqu’à nos jours. Ce cours aura lieu du 26 au 27 mars 2020 à la HEP-Valais à Saint-Maurice (VS).
Dans le cadre des réflexions contemporaines sur ce thème et son enseignement, plusieurs perspectives sont à mettre en évidence sur le statut et la place de l’histoire environnementale, ainsi que sur des difficultés qu’elle révèle quant à l’épistémologie, les concepts et les méthodes des historiens. L’étude des interactions qu’elle suggère entre les sociétés humaines et leur environnement, et les effets durables ou destructeurs qui résultent de leur gestion, amènent aussi à une interrogation dont la notion d’ « Anthropocène » est un des aboutissements.
C’est à partir de ce questionnement que le cours proposera des études de cas historiques, des réflexions didactiques et des pistes d’exploitation en classe.
Durant ces deux jours de formation continue, vous aurez l’occasion tant de vous familiariser avec l’histoire environnementale, par exemple en vous demandant quelles sont les sources qui peuvent être utilisées ? Quels sont les conclusions des chercheurs actuels ? Comment est-il possible de travailler sur ces aspects avec nos élèves et nos étudiant-e-s, tant d’un point de vue didactique, que durant des sorties ou à travers un jeu informatique ? Enfin, nous tenterons également de répondre aux questionnements de nos élèves et de nos étudiant-e-s sur les enjeux climatiques de demain.
Le délai d’inscription est fixé au 28 février 2020. Pour vous inscrire, envoyer un mail à Stéphanie Dubosson : stephanie.dubosson at gmail.com.
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