Olivier Glassey lors de son intervention à la HEP Vaud du samedi 27 juin 2015
Dans le cadre de son intervention dans le cadre d’une journée consacrée à l’utilisation de jeux vidéos en éducation (Apprendre avec les jeux vidéos ? Applications pédagogiques et éducatives, journée de formation continue organisée à la HEP Vaud, samedi 27 juin 2015), Oliver Glassey, maître d’enseignement et de recherche à l’Université de Lausanne, nous proposait son regard sociologique sur 35 ans de jeux vidéos consacrés à la Première Guerre mondiale, travail effectuée en collaboration avec des historiens.
Son premier constat portait sur la ludothèque de ces trente-cinq ans de jeux vidéos. Depuis 1980, Olivier Glassey a recensé 54 jeux ayant pour thème la Première Guerre mondiale. Dans son article «Représenter la Première Guerre mondiale dans les jeux vidéo : entre absence et uchronie», la Mission centenaire arrive à un constat comparable. Pour leur part, ils ont recensé 41 jeux vidéos se rapportant à la Première Guerre mondiale contre 506 consacrés, par exemple à la Deuxième Guerre Mondiale. Cette thématique est donc relativement peu traitée dans les jeux vidéos. Glassey constate néanmoins une accélération du nombre de jeux depuis 2013. Il y voit un effet des commémorations du centenaire.
Au niveau du type de jeux, deux catégories se détachent : les jeux de stratégie et ceux de simulation (plus particulièrement les jeux de simulations de vol). A partir des années 2000, une nouvelle tendance se dessine avec des jeux de tirs à la première personne, à la manière de Call of Duty. Olivier Glassey s’interroge sur ce que cela veut dire de vivre ainsi la Première Guerre mondiale. Il y observe un fétichisme lié aux artefacts (objects). Le contexte historique reste un simple décor et la psychologie reste totalement absente dans ce type de jeu. Il s’agit ici d’un détournement de l’histoire en faveur d’un univers vidéo existant préalablement et en tant que tel. On peut faire quelque peu le parallèle avec la série historique Assassin’s Creed.
Si avec les premières boites de jeu, l’inspiration du cinéma est très clairement visible, la dernière production, Soldats Inconnus (2014) d’Ubisoft ((Voir ma présentation : L’histoire de la guerre 14-18 racontée au travers d’un jeu vidéo | Serious-Game)) analysée par Olivier Glassey emprunte son univers à la bande dessinée. Est-ce une nouvelle tendance ? On pourrait le penser avec la production toute récente d’Apocalypse – 10 destins ((Voir mon billet Apocalypse 10 destins : un outil pédagogique guère nouveau)) qui se réfère au même univers de la bande dessinée.
Surprenantes au premier abord (univers de la bande dessinnée, choix d’un personnage), les similitudes entre un produit commercial (Soldats Inconnus. Mémoires de la Grande Guerre d’Ubisoft) et un produit à visée pédagogique (Apocalypse 10 destins de Canopé) trouvent rapidement une explication lorsqu’on lit l’extrait suivant d’un reportage de France 24 (Jeu vidéo : une plongée dans la Grande Guerre, France 24) :
« Pour concevoir cette aventure au cœur de la « Der des Ders », l’équipe du studio Ubisoft de Montpellier s’est entourée d’historiens et des réalisateurs du documentaire à succès « Apocalypse« , diffusé par France 2. Elle a également reçu l’appui du label national de la Mission centenaire. Même si leurs personnages sont fictifs, les concepteurs du jeu ont tenu à respecter scrupuleusement la véracité historique. »
L’interactivité fort décevante d’«Apocalypse 10 destins» ne manquera pas d’inciter les élèves à se rabattre vers son grand frère. On peut néanmoins s’interroger sur ces échanges de bons procédés entre partenaires publics et privés qui s’autopromovent entre eux, à l’exemple de la labélisation de «Soldats Inconnus» par la Mission centenaire.
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