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Histoire Lyonel Kaufmann

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Appel : Penser historiquement pour l’avenir du Canada | Portrait des pratiques professionnelles

29 novembre 2022 by Lyonel Kaufmann

Carla Peck et ses collegues menent une étude intitulée « Penser historiquement pour l’avenir du Canada : Portrait des pratiques professionnelles (des enseignants). » Cette étude vise à examiner les différents contextes dans lesquels l’histoire est enseignée dans les écoles de la maternelle à la 12e année au Canada afin de mieux comprendre la gamme d’expériences professionnelles des enseignant•es à l’échelle de tout les pays (Canada).

🇨🇦 Enseignant(e)s!

Enseignez-vous l’histoire ou les sciences sociales?

Nous AIMERIONS vous interviewer!

Connectez-vous à ce lien pour plus de renseignements:

tinyurl.com/InterviewProfHistoire

Pour de plus amples renseignements au sujet de cette étude, veuillez contacter :

Carla Peck
Directrice du projet
carla.peck@ualberta.ca (mailto:carla.peck@ualberta.ca)

OU

Vivian Lei
Gestionnaire de projet
yl22@ualberta.ca

#edutooter #edutooters #edutoot #histodon

Version anglaise :

🇨🇦 Teachers !

Is teaching history/social studies your cup of tea? We’d love to interview you over a cuppa! 🫖

Go to this link for more information:
tinyurl.com/HistoryTeacherInterview


Classé sous :Didactique, Nouvelles de l'histoire

Et si on arrêtait le progrès ?

27 novembre 2022 by Lyonel Kaufmann

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Bois, charbon, pétrole, nucléaire, etc. : l’histoire montre que ces énergies s’additionnent au lieu de se remplacer, au nom du progrès et/ou de l’innovation. Est-ce vraiment le progrès qui peut permettre de réaliser des transitions écologiques ? Ne devrait-on pas plutôt arrêter le progrès ? Une émission de France Culture (La Science, CQFD, émission de Natacha Triou) du 24 novembre 2022.

Une émission avec

  • François Jarrige Historien des sociétés industrielles, maître de conférences en histoire contemporaine à l’Université de Bourgogne;
  • Jean-Baptiste Fressoz Historien des sciences, des techniques et de l’environnement.

Ce billet vous en propose certains passages complétés par des contenus additionnels par rapport à certains points abordés dans l’émission.

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Chevaux attelés à une automobile devant l’auberge Krone à Chur-Masans, avant 1925. Photo: Carl Anton Lang. Archives de la ville de Coire.

On arrête pas le progrès. Le canton des Grison, oui, entre 1900 et 1925.

Datation de l’expression, « on arrête pas le progrès », elle apparaît dans le champ médiatique autour de 1900 et de l’émergence de l’industrie automobile. Dans un temps où personne ne veut de l’automobile qui apparaît comme un passe-temps, un loisir pour riches (à écouter à partir de 10:30).

En 1900, le canton des Grisons interdit l’automobile individuelle. L’Automobile Club de Suisse lancera des initiatives ou des référendum populaire. Par 10 fois, la population refusera en votation populaire l’automobile individuelle. Par contre, les camions ou les ambulances sont autorisées. Cette interdiction durera jusqu’en 1925 dans le canton des Grisons (à écouter à partir de 12:19).

Les débuts de la législation en la matière incombait au début du 20e siècle aux cantons. Extrait de l’article «Automobile» du Dictionnaire historique de la Suisse (DHS)

Il incomba d’abord aux cantons de légiférer en la matière (Politique des transports). Ils édictèrent des règlements sommaires fixant les vitesses maximales autorisées. Par crainte des accidents, on interdit aux automobiles les principaux cols alpins. C’est ce que fit Uri en 1901, mais la pression des responsables du tourisme l’obligea à ouvrir le Gothard quelques heures par jour dès 1906 et à renoncer à toute interdiction en 1917. Le canton des Grisons se montra le plus intransigeant; il interdit tout trafic automobile en 1900, et ce n’est qu’en 1925, après pas moins de dix votations populaires, que cette disposition fut enfin abolie. Pour emprunter les routes interdites, il fallait atteler son véhicule à un cheval ou à des bœufs. Le fédéralisme entraîna des conflits juridiques, chaque canton appliquant ses règles de circulation et ses limitations de vitesse. […] Craignant de perdre leur clientèle la plus fortunée, les milieux touristiques furent les plus ardents à combattre les restrictions légales de certains cantons.
Lien : https://hls-dhs-dss.ch/fr/articles/013901/2015-01-21/

Et concernant cette dixième et dernière votation, ArcInfo nous apprend par l’intermédiaire de Margrit Tannò, guide à Coire que

«Et encore a-t-on triché en organisant la votation en été, quand les paysans étaient occupés dans les alpages».

Confusion innovation et technique

Le terme d’innovation monte en puissance depuis les années 80. C’est un terme valise qui s’inscrit dans la dynamique du progrès. Alors que plus personne n’y croyait dans les années 1970 (à écouter depuis 14:00).

La confusion innovation et technique fait que nous ne comprenons rien à la construction matérielle de nos sociétés (à écouter depuis 16:50).

Depuis la Seconde Guerre mondiale, la technique, dans le monde anglophone, en est venue à être étroitement identifiée à l’invention. Si cette identification n’a guère fait progresser notre compréhension de la technique, elle a également eu des effets négatifs sur notre compréhension de l’invention. Nous n’avons pas une histoire de l’invention, mais des histoires de l’invention de certaines seulement des techniques qui connurent la réussite. En soi, cela fausse notre compréhension. En outre, l’histoire actuelle des inventions est elle-même centrée sur l’innovation. Elle se focalise sur certains aspects – pas tous – de la nouveauté contenue dans l’invention : elle met en avant les changements apportés par l’invention, et néglige ce qui ne change pas.
Référence : (Edgerton, D. (2013). Quoi de neuf ? Une histoire des techniques depuis 1900. Paris; Seuil. Chapitre 8. Invention, p. 243. Lien : https://www.cairn.info/quoi-de-neuf-du-role-des-techniques-histoire–9782021063677.htm#)

Techno-solutionnisme et économie de la promesse

Le techno-solutionnisme est lié à une économie de la promesse pour créer des marchés. Cette promesse technologique est déconnectée des problèmes économiques et sociaux. Les solutions techniques les plus simples ne sont jamais mises en avant, car elles rapportent moins de profits. même si elles seraient plus efficaces (à écouter à partir de 34:00).

L’emblème actuel de ce technosolutionnisme pour Fressot réside dans la voiture électrique. Elle n’est pas une solution dans les limites climatiques que l’on se fixe aujourd’hui. L’enjeu, c’est qu’est-ce qu’on va faire avec toute cette électricité (à écouter à partir de 36:20) ?

Surtout que l’Etat en France subventionne de gros véhicules électriques pour satisfaire les bourgeois plutôt que de promouvoir de petits véhicules électriques qui permettraient de résoudre les problèmes réels de mobilité en zone urbaine.

Le scénario du tout (grosse) voiture électrique individuelle n’est tout simplement pas viable en terme de notre production d’électricité actuelle et futur et de nos besoins en la matière.

La page de l’émission : https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/la-science-cqfd/et-si-on-arretait-le-progres-4060233

En guise de conclusion : perspectives pour l’enseignement

Pour oeuvre en guise de conclusion à ce billet, je vous propose de reprendre des éléments de la conclusion proposée par David Edgerton. Elles me paraissent intéressantes pour aborder notamment la question de l’éducation numérique en enseignement de l’histoire en lien avec les questions de durabilité.

Ce livre a plaidé pour la reconnaissance de l’importance des techniques apparemment anciennes. Il invite également à porter sur l’histoire du monde des techniques un regard nouveau, qui change notre perception de ce qu’a été ce monde. Et il est implicitement un appel à penser différemment le présent technologique.
[…]
[…] L’histoire de l’invention n’est pas l’histoire d’un futur inéluctable auquel nous devons nous adapter sous peine de disparaître, mais plutôt une histoire de futurs avortés, et de futurs fermement ancrés dans le passé.
[…]
L’étude des liens qui, au cours de l’histoire, ont uni la technique et la société passe par une nouvelle description non seulement des techniques que nous utilisons, mais aussi de la société dans laquelle nous vivons. […].
Le fait que repenser l’histoire des techniques oblige à repenser l’histoire du monde donne une mesure de l’importance des techniques pour le xxe siècle et pour la compréhension que nous avons de ce siècle.
(Edgerton, D. (2013). Quoi de neuf ? Une histoire des techniques depuis 1900. Paris; Seuil. Conclusion, p. 271 et ss. Lien : https://www.cairn.info/quoi-de-neuf-du-role-des-techniques-histoire–9782021063677.htm#)

Par ailleurs, dans son histoire des techniques, le sociologue Lewis Mumford (1934 pour l’édition anglaise, traduite en français en 1950) distingue trois phases:

  • La première, la phase éotechnique, qui prit naissance vers le Xe siècle, repose sur l’utilisation de l’eau comme source d’énergie et du bois comme matériau de base.
  • La seconde phase, la phase paléotechnique, s’étend sur le XVIIIe siècle, après avoir mûri pendant tout le moyen âge avec les améliorations des industries minières et métallurgiques. C’est l’ère du charbon et du fer, de la puissance britannique, du capitalisme dynamique, mais aussi de la concentration urbaine et financière, et de la dégradation de l’ouvrier.
  • La troisième phase, la phase néatechnique née dans la première moitié du xixe siècle avec l’invention de la technique hydraulique, s’affirme avec la généralisation des emplois de l’électricité et des alliages légers. C’est l’ère de la recherche systématique et délibérée de nouvelles inventions, avec l’apparition d’un nouveau type d’homme, intermédiaire entre l’industriel, l’ouvrier et le savant : l’ingénieur.

Petite bibliographie

  • Edgerton, D. (2013). Quoi de neuf ? Une histoire des techniques depuis 1900. Paris; Seuil.
  • Jacques Ellul, J. (2012) [1977]. Le Système technicien. Paris: Le Cherche Midi.
  • Finley, M. I. (1984). Innovation technique et progrès économique dans le monde ancien. in Économie et société en Grèce ancienne. Paris: La Découverte.
  • Fressoz, J.-B. (2012). L’apocalypse joyeuse. Une histoire du risque technologique. Paris: Seuil.
  • Jarrige, F. (2016). Technocritiques. Du refus des machines à la contestation des technosciences. Paris : La Découverte.
  • Mumford, L. (2016) [1951]. Technique et Civilisation. Marseille: Editions Parenthèses.
  • Wikipedia. Article Technocratique : https://fr.wikipedia.org/wiki/Technocritique.

Classé sous :EdNum, histodons, Histoire savante, Opinions&Réflexions Balisé avec :histodons, Histoire, progrès

EdNum – Casser les codes : le long chemin des femmes

26 novembre 2022 by Lyonel Kaufmann

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En rassemblant les acteurs et les actrices engagé.e.s dans l’inclusion indispensable des femmes dans les secteur du numérique, l’association Femmes@Numérique, créée en 2021, souhaite donner toutes ses chances à la transformation en profondeur qui doit être conduite pour atteindre cet objectif. Elle a aussi servi de point de départ à la formation et au colloque organisés les 16 et 18 novembre par l’association Femmes & Sciences. Cette dernière promeut et valorise les carrières scientifiques et techniques auprès des filles et femmes de tous âges.

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Ces journées organisées par Femmes & Sciences ont donc permis, au travers de conférences et tables rondes, d’aborder :

  • l’évolution historique de la place des femmes dans les filières et carrières scientifiques et techniques (interprétations, enjeux, freins) ;

Dans le cadre du plan d’éducation numérique (EdNum) du canton de Vaud, l’enseignement de l’histoire a un rôle à jouer de manière débranchée pour mener l’enquête avec nos élèves sur la place des femmes en la matière et son évolution.

Proposant un retour sur ce colloque “Femmes et numérique : ensemble, cassons les codes !”, la Chaire UNESCO « Technologies pour la formation des enseignants par les ressources éducatives libres » nous propose deux ressources intéressantes dans cette perspective de mener une enquête historique en la matière.

La première est une archive de l’INA 1972 : Une femme reçue à l’école Polytechnique ? datant de 1970. Dans cette actualité du 29 avril 1970, les femmes étaient autorisées à passer le concours d’entrée de l’Ecole Polytechnique. Anne Chopinet, première femme reçue major au concours d’entrée, est intérrogée. Le journaliste, stupéfait par l’événement, lui pose des questions étonnantes, voir sexistes : se considère-t-elle comme un monstre? Est-elle frivole, s’intéresse-t-elle à la mode?

La deuxième ressource est un dossier pédagogique réalisé par le site Zéro de conduite à propos du film Les Figures de l’ombre (2017). Adapté du récit historique de Margot Lee Shetterly, Les Figures de l’ombre raconte l’histoire incroyable mais vraie des mathématiciennes et ingénieures noires qui participèrent au programme américain d’exploration spatiale.

Situé au début des années 60, le film offre le précipité d’un passionnant moment d’histoire : histoire des sciences, avec les débuts de la conquête spatiale et de l’informatique moderne ; histoire politique avec la Guerre Froide et le combat des deux grandes puissances pour la prééminence dans l’espace ; histoire sociale et culturelle enfin, avec le combat séculaire des femmes et des minorités pour l’égalité…

Le dossier : https://cinema400coups.fr/wp-content/uploads/2017/02/LES-FIGURES-DE-LOMBRE-DOSSIER-PEDAGOGIQUE.pdf

On pourra compléter cette ébauche de démarche avec notre article L’histoire secrète des femmes dans le codage informatique – The New York Times.

Il s’agit aussi de mettre en parallèle l’histoire de ces femmes avec la situation actuelle de ces dernières en la matière et d’envisager avec les élèves les raisons de ces permanences et des actions concrètes pour véritablement casser les codes. A cet effet, il est utile de l’article d’Isabelle Collet sur l’application d’une pédagogie de l’égalité dans les enseignements d’informatique. On pourra aussi lire ici même notre billet « Les oubliées du numérique » : Le digital est « un univers conçu, programmé et installé par des hommes », explique Isabelle Collet.

Classé sous :EdNum, histodons, Humanités Digitales, Opinions&Réflexions

Canada. Un rapport accablant dénonce la stérilisation forcée de femmes autochtones du Québec

26 novembre 2022 by Lyonel Kaufmann

Des dizaines de femmes issues des Premières Nations et Inuits auraient subi des stérilisations forcées et des avortements forcés au Québec depuis 1980. C’est la conclusion d’une étude, dont les autrices estiment que ces violences s’inscrivent “dans un continuum de violences coloniales”.

Les extraits du rapport publiés dans la presse canadienne et québécoise sont accablants et fond froid dans le dos:

Une femme, venue consulter un gynécologue pour des douleurs menstruelles, raconte qu’il lui a répondu : “Je vais te nettoyer ton ventre”, avant de procéder, sans son consentement, à une hystérectomie (ablation de l’utérus). À une autre venue accoucher par césarienne, le médecin aurait dit, trois jours plus tard : “Eh bien, pendant que j’y étais, j’ai décidé d’enlever votre utérus.”

A la lecture de ces faits, on ne peut que suivre les autrices du rapport qui, a l’analyse des témoignages, parlent de racisme systémique et de violences coloniales qui perdurent.

Les Canadiens et les Québécois n’ont pas fini de devoir non seulement faire sérieusement leur examen de conscience, mais et surtout se donner les moyens de sortir de ce cercle infernal de violences inouies faites aux communautés autochtones.

Source : Canada. Un rapport accablant dénonce la stérilisation forcée de femmes autochtones du Québec

Classé sous :Opinions&Réflexions, Publications

Livre du vendredi : La Grande peur de 1789 – Georges Lefebvre

25 novembre 2022 by Lyonel Kaufmann

Paru 1932, l’originalité du livre de l’historien Georges Lefebvre réside toujours dans l’étude de la psychologie collective. Ce sont les représentations qui importent. Le complot, dans la réalité, n’existait pas. Mais ce qui importe, c’est que les contemporains, eux, y aient cru. Et cette idée de complot est cruciale dans la Grande Peur. La Grande Peur de Lefebvre s’inscrit dans l’étude des mentalités avec d’autres livres d’histoire très célèbres, comme Les rois thaumaturges de Marc Bloch et Martin Luther de Lucien Febvre.

Georges Lefebvre La Grande peur de 1789

Comme l’indique l’article Wikipedia consacré à Georges Lefebvre, La Grande Peur de 1789. Ce livre lui vaut des commentaires très élogieux, quoique non dénués d’éléments critiques, de Marc Bloch, son collègue strasbourgeois qui écrit dans son compte rendu de l’ouvrage : 

« Sa portée, au regard de l’historien, réside avant tout, dans la valeur de symptôme, propre à déceler l’état du corps social ; et c’est de l’avoir en effet étudié de ce biais que la méthode de M. Lefebvre tire son originalité. Partant de cet ensemble de menus faits, immédiatement apparents et dont le pittoresque avait souvent masqué le sens profond, l’auteur, recherchant de proche en proche leur explication, nous fait pénétrer jusqu’au cœur de la société française du temps, dans sa structure intime et le lacis de ses multiples courants6»

https://fr.wikipedia.org/wiki/Georges_Lefebvre_(historien)

En 2004, l’historien Timothy Tackett, revient dans les Annales de la Révolution française sur ce qui fait toujours l’actualité de cet ouvrage :

Ce n’est qu’après des années de recherches assidues que Lefebvre put démontrer irrévocablement que la Peur, en fait, n’était pas un phénomène simultané, mais qu’elle consistait plutôt en une série de paniques en réactions en chaîne provenant de cinq ou six sources et qui se déroulaient pendant une période de trois semaines.

Timothy Tackett, « La Grande Peur et le complot aristocratique sous la Révolution française
 », Annales historiques de la Révolution française, no 335,‎ janvier-mars 2004, p. 1-17 (lire en ligne).

Timothy Tackett met aussi en évidence la méthode historique de Lefebvre et ses liens avec l’histoire-problème:


Au départ, dans son introduction, Lefebvre maintient que son interprétation [sur les complots aristocratiques] n’est pas définitive et qu’elle peut être considérée comme une sorte d’hypothèse de travail : « en signalant les questions à résoudre et en suggérant des solutions, on a une chance de susciter et d’orienter des recherches nouvelles »

Idem

Sur la base de travaux plus récent, Timothy Tackett en conclut que sur ce complot, la thèse de Lefebvre, et d’autres, doit être réévaluée :

Pour une grande partie de la population française, notamment chez les habitants des zones rurales, la transformation des attitudes vis-à-vis de la noblesse put initialement se manifester après les débuts de la révolution politique. Elle se produisit non comme un abrupt “changement de paradigme”, mais évolua sur plusieurs mois, voire plusieurs années, alimentée entre autre par l’action des législateurs révolutionnaires eux-mêmes. Il ne fait aucun doute que les décrets qui suivirent la Nuit du 4 août procédèrent en partie du traumatisme de la Grande Peur et des insurrections paysannes du mois de juillet. Mais ces décrets, en fait, aidèrent à concentrer plus que jamais l’animosité anti-aristocratique. La méfiance envers la noblesse et les craintes d’un complot aristocratique, en effet, furent probablement bien plus importantes dans les années qui suivirent 1789 qu’elles ne l’avaient été à l’époque même de la Grande Peur.

Idem

Ceci sans enlever à la qualité du travail réalisé alors, sur la base des sources alors à sa disposition, au travail de Georges Lefebvre.

Dans la perspective de l’enseignement de l’histoire, il convient maintenant d’observer dans quelle mesure, ces travaux plus récents ont été intégrés aux manuels d’histoire ou dans les encyclopédies.

Ainsi, l’encyclopédie en ligne Larousse fait partie des ressources complémentaires proposées par les Moyens d’enseignement romands (MER) pour le cycle 3. Voici l’extrait de cette encyclopédie consacrée à la Grande Peur:

2.4. LA GRANDE PEUR ET SES CONSÉQUENCES

Dans tout le pays, ce choc ébranle les autorités. Les partisans des réformes (qui s’appellent entre eux les « patriotes ») prennent le pouvoir dans les municipalités urbaines et, parfois, chassent les troupes stationnées dans les châteaux royaux. Dans les campagnes, des rumeurs incontrôlées poussent les ruraux à s’armer contre de mystérieux « brigands », accusés de brûler les récoltes. Ils forment des attroupements qui s’en prennent aux propriétaires, détruisent des titres de propriétés, dévastent des logis seigneuriaux, molestent des personnes jusqu’à parfois les tuer. 

Les événements parisiens, aussi inquiétants que prometteurs, trouvent manifestement un écho qui témoigne des attentes et des craintes des ruraux français, lesquels espèrent souvent la fin des impôts, celle de la police des blés, et des terres à acheter ! Cette manifestation de psychose collective, que l’on a appelée la « Grande Peur », se répand du 20 juillet au début d’août dans presque toute la France – n’y échappent guère que la Bretagne, l’ouest de l’Aquitaine, la Lorraine et l’Alsace.

https://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/Révolution_française/140733

Est-ce mieux dans cette émission proposée par Fred de « C’est pas sorcier », série souvent prisée par les enseignant•es, également recommandée par le site destiné aux enseignant•es romands ? Je vous laisse juge. L’événement est présenté, dans l’émission au travers d’Olympe de Gouge (à partir de 15:30) :

Au travers de ces deux exemples, on voit ainsi que la thèse initiale de Georges Lefebvre a encore de beaux jours devant elle malgré les travaux historiques menées depuis lors l’ayant révisée.

Classé sous :Histoire savante, Publications

Réflexions sur l’engagement numérique et social : #Mastodon (2022-…)

18 novembre 2022 by Lyonel Kaufmann

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Après un précédent billet en forme de bilan succinct de mon utilisation de Twitter, ce billet est consacré à mes premiers pas sur Mastodon.

Note : ce billet a été rédigé avant la nouvelle vague de migration d’utilisateur•trices qui a débuté jeudi soir suite aux informations de différents médias indiquant un nouveau départ important d’employés de Twitter suite à un ultimatum d’Elon Musk.

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Image par Gerd Altmann sur Pixabay

Comme je l’indiquais en conclusion de mon précédent billet,

j’ai retrouvé sur Mastodon la fraîcheur et le dynamisme que j’avais rencontré sur Twitter en 2007. Ca me réjouit, mais cela me questionne également sur la suite et des conditions me permettant de m’éviter l’évolution que j’ai connue sur Twitter.

Plusieurs personnes ont écrit tout récemment sur ce nouveau départ d’ancien•nes de Twitter pour rejoindre Mastodon. Iels présentent aussi les principales caractéristiques de Mastodon pour ces #TwitterMigrants.

Parmi ceux-ci, je vous invite à prendre connaissance du billet d’Olivier Ertzscheid Le Mastodon(te) et l’oiseau bleu (6 novembre 2022).

Olivier Ertzscheid souligne également les parallèles entre le Mastodon de 2022 avec le Twitter des années 2006-2008:

Enfin on y observe une primo-socialisation de rupture avec les habitudes désormais prises sur Twitter. Cette primo-socialisation (qui existait aussi à l’époque sur Twitter) consiste en une série d’actes énonciatifs et de rituels “simples” : se présenter (avec le hashtag #introduction ou #introductionfr), saluer les gens qui vous suivent ou que vous suivez, prendre un temps pour leur répondre plutôt que de simplement les retweeter (comme il n’est pas possible de “liker” un pouet, on est par exemple “contraint” de répondre aux gens qui vous saluent à votre arrivée – ou de choisir de les ignorer).

Pour sa part, Sitharus (https://cloudisland.nz/@sitharus) souligne qu’au-delà de l’ancien Twitter, Mastodon est un écho de l’ancien internet fait d’abord d’interactions humaines et non d’algorithmes ou de publicités ciblées :

I keep seeing people say Mastodon is nothing like Twitter. And they’re right.
Mastodon is an echo of the old internet, it’s decentralised, chaotic. What you get depends on your sysadmin. You can’t search, everything has to be shared to you by a human. Networks split apart and rejoin. What you see is your unique connection to it.
Is this good? Maybe. But for me that’s the internet I grew up with. No algorithms, no targeted adverts, just human interaction, and it was glorious. Source : https://cloudisland.nz/@sitharus/109294473158535073

Visiblement cela perturbe certains utilisateur•trices de twitter (et pas que depuis une semaine):

Je suis sur Mastodon (depuis 2 ans et demi en fait) et je ne comprends rien mais rien du tout, j’ai un abonné et je ne sais même pas comment en avoir un être…
Louise_tt@mastodon.social— Louise Tourret (@louisetourret) November 5, 2022

(Bon elle pousse un peu, car elle a 231 personnes qui la suivent et 43 abonnements. A se demander d’ailleurs si en poussant le bouchon un peu loin, elle ne tient pas à retenir les gens sur twitter.)

Plusieurs éléments m’incitent à penser que Mastodon représente, pour moi, l’opportunité de retrouver le goût de l’échange et du partage plutôt que celui de l’audience.

A ce jour, sur Twitter je dispose de 2’737 abonnements et 2’874 abonnés me suivent (Nombre en légère diminution ces dernières semaines). Après quelques jours, sur Mastodon, je disposais de 157 Abonnements et 119 Abonné·e·s me suivaient. (Au 18.11.2022, ce chiffre est respectivement de 220 Abonnements et 245 Abonné·e·s). Mon ratio est assez comparable à d’autres

Roberts, too, hasn’t yet decided if she will close her Twitter account, but she was surprised by how quickly her following grew on Mastodon. Within a week of signing up and alerting her nearly 23,000 Twitter followers, she has amassed over 1,000 Mastodon followers. Source : https://www.cnn.com/2022/11/05/tech/mastodon/index.html

Cette situation représente l’occasion de se reconnecter humainement aux gens et d’engager la conversation :

This also is very much like early Twitter. I joined in 2007. Twitter was a cheap group SMS service, it connected you to your friends not to companies and celebrities.
I get that I’m not like most people. I grew up in a very conservative rural area so the internet has always been my connection to friends and peer groups, a way to converse with people rather than a way to escape or get famous. Source : https://cloudisland.nz/@sitharus/109294529463983422

D’ailleurs, pour le créateur de Mastodon, l’engagement par « like » ou « retweet » favorisent sous certaines formes, des phénomènes toxiques (harcèlement, bashing, trolls):

I’ve made a deliberate choice against a quoting feature because it inevitably adds toxicity to people’s behaviours. You are tempted to quote when you should be replying, and so you speak at your audience instead of with the person you are talking to. It becomes performative. Even when doing it for « good » like ridiculing awful comments, you are giving awful comments more eyeballs that way. No quote toots. Thank’s. Source : https://mastodon.social/@Gargron/99662106175542726

Par ailleurs, en tant qu’éducateur, à un moment donné, il doit être question de cohérence, d’éthique et de citoyenneté numérique dans nos usages des réseaux sociaux. Avec les derniers développements concernant l’entreprise Twitter, cette heure est, pour moi, venue comme l’indique justement Benedicte Bassogna

Lors de ma réunion de classe avec les parents d’élèves, plusieurs parents m’ont demandé : et si Elon Musk rachète #Twitter , que ferez-vous ? Alors voilà, contrairement aux pronostics, nous y sommes . Et en trois jours 3500 personnes ont été virées froidement à distance. 1/2— benedicte assogna▶️🐘 @assognabene (@Bassogna) November 5, 2022

D’autant plus lorsque l’ancienne avocate en droits de l’homme de #Twitter, Shannon Raj Singh, annonce que l’équipe des droits de l’homme, chargée de protéger les utilisateurs, de l’entreprise a entièrement été éliminée le 4 novembre 2022 par Elon Musk.

Yesterday was my last day at Twitter: the entire Human Rights team has been cut from the company.

I am enormously proud of the work we did to implement the UN Guiding Principles on Business & Human Rights, to protect those at-risk in global conflicts & crises including Ethiopia,— Shannon Raj Singh (@ShannonRSingh) November 4, 2022

Et que TechCrunch annonce qu’il en est de même par exemple de l’équipe chargée du développement d’une intelligence artificielle (IA) éthique et de la transparence de l’algorithme :

Musk dissolved a team known internally as META, which was well-respected for its exploratory work in ethical AI and algorithmic transparency. Source : TechCrunch

Il en est de même de l’équipe chargée de lutter contre la désinformation. Ceci à trois jours des élections américaines de mi-mandats. Concernant la curation, le tweet de Richie Assaly, producteur numérique au Toronto Star:

Looks like Elon Musk fired the entire curation team.

These were the folks who tackled misinfo, contextualized conversations via the ‘Explore’ page, and helped make Twitter an unmatched source for breaking news.

This will make Twitter noisier, more dangerous & less interesting— Richie Assaly (@rdassaly) November 4, 2022

Mastodon représente ainsi une opportunité de me reconnecter avec des pratiques sociales numériques remontant aux années 1990 et aux débuts des années 2000.

A la suite d’Olivier Ertzscheid et à certaines conditions, je suis relativement optimiste dans la capacité de Mastodon à nous éviter de retomber dans les dérives connues par la suite par Twitter et les réseaux sociaux :

Un des enjeux majeurs pour l’avenir de Mastodon, si la migration des usage(r)s se confirme, c’est celui de la modération au travers de différentes instances, chacune étant à ce titre entièrement autonome dans son fonctionnement et dans ses règles. Si certains analystes se montrent déjà pessimistes sur le sujet, je suis de mon côté plutôt optimiste et convaincu que le fait d’une architecture décentralisé, la philosophie globale de l’outil et l’histoire de son développement, mais aussi les formes d’administration à la fois singulière et collectives qui fondent les relations entre les différentes instances de Mastodon, permettront d’aller vers un modèle vertueux, une forme de sagesse des foules telle que je l’analysais ici à partir des travaux (notamment) de James Surowiecki. Source : Le Mastodon(te) et l’oiseau bleu

A suivre…

Classé sous :Médias et technologies, Nouvelles de l'histoire, Opinions&Réflexions, Publications

Réflexions sur l’engagement numérique et social : #Twitter (2007-2022)

12 novembre 2022 by Lyonel Kaufmann

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C’est probablement la discussion la plus vive depuis quelques années concernant un réseau social depuis le rachat de Twitter par Elon Musk et le phénomène de migration qui s’en suit depuis.

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Ca m’a pris dix ans pour être déçu du capitalisme (Google). Super pour toi, moi ça m’a pris trois mois (Twitter). Twittons – Manu Cornet (11.08.2022). Utilisation libre avec attribution.

En même temps, il y a longtemps que l’esprit initial de Twitter s’est progressivement perdu pour devenir au fil du temps le repaire des trolls en tout genre et de la fausse nouvelle.

Le réseau a connu un sursaut en excluant Donald Trump (notamment) de sa plate-forme et un départ d’une partie de ses affidés sans que fondamentalement Twitter retrouve son esprit initial.

Si le départ d’une partie des abonnés sur Mastodon n’est pas actuellement suffisamment significatif concernant le devenir de Twitter (quelques centaines de milliers par plus sur plus de 300 millions d’abonnés), il s’accompagne actuellement d’une défiance de ses annonceurs qui, elle, est bien plus problématique à court terme pour la viabilité du réseau social.

Pour ma part, la situation actuelle m’amène à réfléchir sur mon utilisation actuelle, passée et futur sur les réseaux sociaux.

En effet, Twitter a été très longtemps mon réseau social préféré. J’y ai adhéré en juillet 2007 soit un peu plus d’un an après sa création (mars 2006).

Twitter a longtemps été un réseau social pour happy few (acceptation stendhalienne) réunissant en premier lieu des passionnés de la technologie. J’y ai ainsi progressivement constitué un réseau de personnes actives dans l’éducation dite aujourd’hui numérique ou en lien avec l’histoire. Mon réseautage professionnel est ainsi immédiatement devenu mondial dans des domaines où nous n’étions initialement que quelques-uns en Suisse et même dans la Francophonie, voire dans le monde.

Dans cette première époque de mon utilisation du réseau, j’y développais, même en 140 caractères, des échanges forts et significatifs. Nous nous renforcions mutuellement dans nos approches et aussi nos convictions éducatives. La bienveillance était de mise, probablement favorisée par une forme d’entre soi. J’y ai fait de très belles rencontres virtuelles qui pour certaines n’ont eu lieu dans le monde réel que bien des années après et toujours de manière admirable et riche.

Je ne saurai dire exactement quand une inflexion s’est produite.

Probablement qu’une première inflexion est venue lorsque le réseau est sorti de cet entre soi et que mon nombre d’abonnés a augmenté (aujourd’hui j’en suis à 2745 abonnements et 2887 abonnés[^En consultant, après le brouillon initial de ce billet, le nombre d’abonnés sur mon profil, j’ai perdu 8 abonnés. J’ai aussi 6 abonnements en moins. Je peux imaginer qu’il s’agit de personnes qui viennent de quitter twitter à la suite du rachat par E. Musk.]). La discussion est devenue moins fluide. Mes tweets se sont composés de plus en plus d’annonces de publications de mes billets de blogs, de retweets et de like, mais moins de vraies conversations entre les gens. https://mastodon.social/@marie_peltier/109310630427792492/embed

Dans un échange avec Marie Peltier remonte elle à 2013 et au conflit syrien pour le début de cette inflexion (quelle nomme enfer)

Le deuxième phénomène qui m’a marqué réside dans l’arrivée des trolls en rapport avec les questions de l’enseignement et de l’enseignement numérique. Leur violence s’est particulièrement manifestée durant le ministère de Najat Vallaud-Belkacem (2015-2016), le fait qu’elle soit femme et d’origine marocaine n’y ait à mon avis pas étrangère, même si à terme le résultat aurait probablement été le même. J’y ai été choqué par le manque d’éthique et de respect de la personne de la part de personnes dont la profession devrait les rendre exemplaires sur ce point.

Pour ma part, je n’y ai pas été confronté, mais cela m’a amené à prendre progressivement une distance plus grande et grandement inconsciente.

Pourtant, malgré ses dérives (et il faudrait encore ajouter que pendant longtemps la publicité a été absente ou très modeste sur la plate-forme), je restais attaché à Twitter. Le bannissement du super mega troll planétaire en chef (D. Trump pour ne pas le nommer) a, à ce propos, été une bouffée d’oxygène et de fierté finalement à l’égard de ce réseau social.

Avec l’arrivée officielle d’Elon Musk, j’ai alors fait le pas de non seulement m’inscrire sur Mastodon, mais également de reprendre des formes de microblogging telle que je les pratiquais à mes débuts sur Twitter.

Visiblement je ne suis pas le seul a retrouver sur Mastodon le twitter originel.

En effet, rapidement, j’ai retrouvé sur Mastodon la fraîcheur et le dynamisme que j’avais rencontré sur Twitter en 2007. Je m’en réjouis, mais cela me questionne également sur la suite et des conditions me permettant de m’éviter l’évolution que j’ai connue sur Twitter.

A suivre…

Classé sous :Médias et technologies, Opinions&Réflexions, Publications

Un massacre de « voisins sur leurs voisins » : La Saint-Barthélemy

9 novembre 2022 by Lyonel Kaufmann

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Ce très intéressant podcast (07.11.2022 – 24 minutes) de l’émission Les voies de l’histoire de eu!radio est consacré au massacre de la Saint-Bathélemy et au travail de l’historien Jérémie Foa.

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« Les Voies de l’Histoire » sur euradio est une émission du Centre de Recherches en Histoire Internationale et Atlantique (CRHIA), le laboratoire d’histoire de l’Université de Nantes, animée par Virgine Adane, maîtresse de conférences en histoire moderne.

Dans cet épisode, Virginie Adane reçoit Jérémie Foa, maître de conférences habilité à diriger des recherches à Aix-Marseille Université et membre du laboratoire TELEMME. Ensemble, ils reviennent sur le massacre des protestants le 24 août 1572 et sur cet épisode des guerres de religion.

Le lien vers l’émission pour écouter le podcast : https://euradio.fr/emission/4BZ4-les-voies-de-lhistoire/K7BR-un-massacre-de-voisins-sur-leurs-voisins-la-saint-barthelemy#

Classé sous :Histoire savante, Nouvelles de l'histoire

Réflexions sur l’engagement numérique et social : les défis du Web décentralisé

9 novembre 2022 by Lyonel Kaufmann

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Mes premiers pas sur Mastondon ont généré des échanges et des découvertes comme je n’en avais pas rencontrés depuis longtemps. Grace à Yannick Rochat, j’y dois la découverte de l’article Challenges in the Decentralised Web: The Mastodon Case publié en 2019 de Aravindh Raman, Sagar Joglekar, Emiliano De Cristofaro, Nishanth Sastry et Gareth Tyson. En 2019, il s’agissait de la recherche la plus importante relativement à Mastodon. Je vous propose une synthèse de cet important article et quelques-uns de ses passages traduits en français concernant le retour à un Web décentralisé.

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Le partage original de l’article par Yannick Rochat:

L’introduction de l’article pose, à mon avis fort bien, le cadre de la réflexion et de la discussion plus large que Mastodon, mais qui y est abordée par ce prisme :

*Le Web décentralisé (DW) a récemment connu un nouvel élan, avec un certain nombre de plateformes DW comme *Mastodon*, *PeerTube* et Hubzilla qui gagnent en popularité. Celles-ci offrent des alternatives aux réseaux sociaux traditionnels comme Twitter, YouTube et Facebook, en permettant l’exploitation d’infrastructures et de services Web sans propriété ni contrôle centralisés. Bien que leurs services diffèrent grandement, les plateformes DW modernes reposent principalement sur deux innovations clés : premièrement, leur logiciel libre permet à quiconque de mettre en place des serveurs indépendants (« instances ») auxquels les gens peuvent s’inscrire et qu’ils peuvent utiliser au sein d’une communauté locale ; et deuxièmement, elles s’appuient sur des protocoles de fédération afin que les instances puissent s’interconnecter, en mode pair-à-pair (peer-to-peer), pour offrir un réseau intégré à l’échelle mondiale.*

Le première spécificité de ce Web décentralisé par rapport tant aux réseaux usuels qu’aux anciennes instances du monde du logiciel libre réside dans le fait que des instances indépendantes, faciles à démarrer et à gérer pour des personnes généralement bénévoles, interagissent avec d’autres instances décentralisées recourant au même protocole.

Premièrement, ils décomposent leurs offres de services en serveurs indépendants (« instances ») que tout le monde peut facilement démarrer. Dans le cas le plus simple, ces instances permettent aux utilisateurs de s’inscrire et d’interagir les uns avec les autres localement (par exemple, en partageant des vidéos), mais elles permettent également une interaction inter-instances via la deuxième innovation, c’est-à-dire la fédération. Cela implique de s’appuyer sur des protocoles décentralisés pour permettre aux instances d’interagir et d’agréger leurs utilisateurs afin d’offrir un service intégré à l’échelle mondiale.

C’est cette fédération entre les instances qui est appelée Fediverse.

Tout système ne pouvant pas générer que des avantages, certains défis ou questions se posent néanmoins que les auteurs de l’article observent ensuite à travers le cas de Mastodon. Cette instance était déjà, avant ses derniers jours et le rachat de Twitter par Elon Musk, l’instance la plus utilisée du Fediverse.

Le principal défi est celui des pressions naturelles à la centralisation (s’abonner à l’instance du Fediverse comportant le plus d’abonnés par exemple). Le deuxième défi est probablement la résistance de ces instances aux activités malveillantes à grande échelle (par exemple, les robots spammeurs). Le troisième défi est celui de la protection de l’utilisateur contre la la perte de données pendant les pannes d’instance.

Leur analyse a porté sur 67 millions de toots (messages) durant 15 mois.

Il est à noter qu’en 2019 s’il existait un large éventail d’instances et, avant la migration en cours des utilisateur•trices de twitter, la pression existait déjà en faveur de la centralisation du dispositif, pression exercée par les utilisateurs, les infrastructures et les défaillances (pannes) des instances.

Ces défaillances touchaient tous les types d’instances et la nature volontaire de nombreux opérateurs d’instance, c’est-à-dire que les instances à faible disponibilité, ne jouaient aucun rôle en la matière :

les défaillances se produisent sur des instances dans tout le spectre de la popularité – il y a un certain nombre d’instances qui hébergent plus de 100K toots qui connaissent des pannes.

En résumé, les défaillances d’instances ne sont pas rares et peuvent avoir un impact qui dépasse leur base d’utilisateurs locale en raison de l’interconnexion (fédérée) entre les instances des utilisateurs.

En même temps, certaines instances très influentes fonctionnent comme des « mangeoires » pour le reste du réseau. Plus une instance génère de toots, plus la probabilité qu’ils soient répliqués à d’autres instances est élevée (corrélation 0,97), soulignant ainsi l’importance d’un petit nombre d’instances. Il s’agit donc d’une autre forme inhérente de centralisation.

Paradoxalement (ou pas), cela confirme que la décentralisation des instances est le meilleur garant contre les effets d’une défaillance d’un serveur. En effet, après avoir effectué des simulations à partir des données récoltées, les auteurs notent que par exemple

la suppression des 10 premières instances n’entraîne plus que 2,1 % de toots indisponibles (contre 62,69 % sans réplication).

Voici maintenant les éléments principaux de leur conclusion :

Nous avons constaté que la décision de conception de Mastodon de donner à chacun la possibilité de créer sa propre instance indépendante a conduit à un écosystème actif, avec des instances couvrant une grande variété de sujets. Cependant, un thème commun dans notre travail a été la découverte de formes apparentes de centralisation au sein de Mastodon. Par exemple, 10 % des instances hébergent presque la moitié des utilisateurs, et certaines catégories présentent une dépendance remarquable à un petit ensemble d’instances. Cela s’étend aux pratiques d’hébergement, avec trois AS hébergeant près de deux tiers des utilisateurs.

Nos simulations ont également confirmé que ces pressions naturelles vers la centralisation entraînent des points de défaillance potentiels. […] des pannes dans seulement 10 instances peuvent supprimer presque la moitié de tous les toots. […] À la recherche de mesures d’atténuation possibles, nous avons expérimenté des stratégies de réplication simples pour constater que la disponibilité peut être considérablement améliorée en copiant les toots sur des instances secondaires, c’est-à-dire en réduisant le niveau de centralisation. […]

Nous soutenons que si ces problèmes sont ignorés, le DW risque de converger vers un système semi-centralisé.

A mon avis, ce risque de semi-centralisation existe d’autant plus avec la migration actuelle. La politique adoptée par certaines instances de ne plus accepter de nouveaux comptes au-delà d’une certaine limite est un bon moyen de l’éviter pour autant qu’elle soit adoptée par ces grandes instances identifiées par les auteurs de l’article. Autrement, les anciens utilisateurs de twitter, habitués par la recherche de LA GRANDE INSTANCE, vont prioritairement ouvrir leur compte auprès de ces instances et accélérer ainsi une centralisation mal venue pour la qualité des échanges.

Dès lors aussi, l’augmentation du nombre de nouveaux utilisateurs rejoignant Mastodon, doit s’accompagner d’une augmentation proportionnelle d’instances pour les accueillir.

Ce message d’Eugen, fondateur de Mastodon, du 07 novembre 2022 est encourageant.

Il s’agirait aussi et peut-être de réfléchir à splitter (automatiquement) en deux les instances dès qu’elle atteignent un certains nombres de membres.

La décentralisation du web était la norme au début de l’Internet et elle doit le revenir. Pour notre bien commun.

Le lien vers l’article (en .pdf) : Raman, A. et al. (2019, October). Challenges in the decentralised web: The mastodon case. In Proceedings of the Internet Measurement Conference (pp. 217-229).

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Les 20 ans du «Rapport Bergier» (mercredi 30 novembre) | Journée d’étude

7 novembre 2022 by Lyonel Kaufmann

© Chappatte dans Le Temps (mars 2002), Suisse.

20 ans après sa publication, le «rapport Bergier» continue à imprimer une marque profonde dans l’histoire de la Suisse et la pratique de la recherche historique, et pas seulement celle qui est consacrée à la Seconde Guerre mondiale. Le 30 novembre, l’Université de Lausanne organise unejournée d’étude. Celle-ci s’interrogera sur la postérité des travaux de la commission chargée de la rédaction de ce rapport.

© Chappatte dans Le Temps (mars 2002), Suisse.

© Chappatte dans Le Temps (mars 2002), Suisse.

USAGES ET MÉSUSAGES DES RECHERCHES HISTORIQUES

Comment les commissions indépendantes d’experts se sont développées ces dernières années ?

Quelles trajectoires professionnelles ont suivi les chercheur·ses engagé·es dans les recherches ?

Quelles sont les marges de libertés pour la recherche dans un contexte de controverses ?

Mercredi 30 novembre 2022

Programme:

  • 10h30 (Géopolis 1628) – Conférence d’introduction: «Le rapport Bergier (2002-2022): quel bilan?» (Marc Perrenoud)
  • 11h00 (Géopolis 1628) – Première table ronde: «L’atelier de l’historien.ne sous contraintes: l’expérience au sein de la Commission Bergier et après» (Valérie Boillat, Suzanne Peters, Gilles Forster)
  • 14h30 (Géopolis 1620) – Deuxième table ronde: «Faire de l’histoire en Suisse: un parcours semé d’embûches» (Rodrigo Lopez, Flavio Eichmann, Alix Heiniger, Sandra Bott)
  • 16h00 (Géopolis 2879) – Troisième table ronde: «Le rapport Bergier: acquis et pistes pour des recherches à venir» (Sébastien Guex, Pierre Eichenberger, Christina Späti, Claire-Lise Debluë)
  • 19h00 (Palais de Rumine, Aula Magna) – Grand débat: «De la neutralité scientifique à la neutralisation des controverses?» (Matthieu Leimgruber, Flavio Eichmann, Marc Perrenoud, Anne-Françoise Praz, Janick Schaufelbuehl)

Source : https://news.unil.ch/display/1667766406606

Pour aller plus loin :

  • Le site de la commission indépendante d’experts Suisse – Seconde Guerre Mondiale
  • Le débat pour les dix ans du rapport à l’UNIL
  • P. Boschetti, «Le rapport Bergier pour tous»

Pour se préparer :

https://youtu.be/mKj6ybCex3Y

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