Alors que la photographie du roi Georges VI prononçant son discours est une mise en scène où le roi mime son discours et non pas une photographie prise dans le «feu de l’action», Grégory Divoux nous précise que cela n’est pas anodin.
En effet,
« en 1939, les conditions du reportage “moderne” sont réunies : les appareils photographiques plus légers et les pellicules permettent aux photographes d’être au plus près des événements, quant aux journaux illustrés, ils permettent à leurs images d’être diffusées. Au moment où le roi Georges VI prononce son discours, Capa a par exemple déjà couvert la guerre d’Espagne, Leica en bandoulière. Les deux systèmes d’énonciation de la photographie coexistent donc mais dans les deux cas la photographie est bien présentée comme témoignage au monde. Là où la radio est bien vue comme le moyen de toucher directement, instantanément et en direct des millions de personnes, la photographie est déjà reléguée à un rôle accessoire dans l’information, soumise à un ensemble de contraintes, à toute une chaîne d’énonciation qui font du photographe un simple rouage d’une machinerie qui le dépasse. D’un côté il est pris entre le commanditaire de l’image, en l’occurrence le roi, et la façon dont on diffuse les images qu’il produit. Et cette dialectique de la photographie construite mais offerte comme document n’est pas seulement un vestige du passé : l’image réalisée après le discours du roi Georges VI es bien encore aujourd’hui utilisée comme illustration de ce discours, comme sur les site Internet du Guardian et de Courrier International (voir ci-dessous) ; c’est même bien ainsi qu’elle est diffusée par Corbis. Aujourd’hui la télévision a remplacé la radio comme canal de diffusion des discours des chefs d’État ; quant à la photographie, 70 ans plus tard, elle est toujours présentée comme ce document devant coller aux faits quand bien même elle n’est qu’une construction.»