Le retour du télétravail doit être l’occasion de repenser globalement l’organisation du travail, estime Isabelle Barth, professeure en sciences du management, qui s’inquiète de la tentation de réduire les temps jugés « improductifs ». Extrait.
Avec le télétravail, beaucoup de tout ce qui nous occupait disparaît : les trajets travail-domicile bien sûr, mais aussi tous les déplacements intraprofessionnels. Les moments de socialisation se réduisent à peau de chagrin : les pauses, les déjeuners, les « afterworks » [moments conviviaux entre collègues]. Les conférences, les cours, les réunions peuvent parfaitement se tenir en distanciel.
En effet, le bilan est là : le job est fait ! Est-ce que pour autant, tout ce qu’il y avait autour, était superfétatoire ? Inutile le pot à la fin d’une soutenance de thèse ? Inutiles les discussions de fin de cours autour du prof ? Inutiles les échanges de regards, les discussions en off lors d’une réunion ? Inutiles les petits bavardages dans le couloir ? Bien sûr que non !
En parallèle, une prise de conscience se fait : ce qui était accepté en présentiel devient insupportable en distanciel. Ces réunions qui durent des heures avec de longs monologues qui n’intéressent que celui qui « cause », ces enseignants qui se contentent de lire leurs slides, ces conférences mal préparées qui brassent des idées vagues. Le distanciel grossit le trait, zoome sur toutes ces dérives et amène la question : entre temps au travail et temps de travail, quel est l’écart acceptable ?
Après ce constat, Isabelle Bart propose trois pistes d’action pour ne pas aller vers un assèchement drastique du travail:
- La première est d’organiser des systèmes hybrides conjuguant présentiel et distanciel, qui amènent à recentrer le lieu de travail sur l’échange et la socialisation.
- La deuxième piste est de former massivement les salariés à des méthodologies de gestion du temps, gestion de projet, prise de parole en réunion, animation de groupes de travail… ce qui est jusqu’à présent réservé à l’encadrement.
- La dernière recommandation, et la plus importante, est de réfléchir à l’« indirectement productif », ce qui consiste à mieux définir ce qu’on attend des temps non directement alloués à la production. Ces temps ne sont pas directement « utiles » mais ils contribuent aussi indirectement à l’activité, à la qualité du produit ou du service.
Source : « La vraie question que pose le télétravail, c’est celle de l’utilité du travail »