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Histoire Lyonel Kaufmann

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Opinions&Réflexions

Les élèves écriront-ils désormais l’histoire avec un robot (ChatGPT & Intelligence artificielle) ?

13 janvier 2023 by Lyonel Kaufmann

Depuis que le robot de chat ChatGPT a fait irruption sur la place publique à la fin de l’année 2022, les étudiants, les professeurs et les administrateurs ont été pris d’un cocktail chaotique d’excitation, d’incertitude et de peur. Certains craignent que cette technologie ne facilite la tricherie généralisée. D’autres y voient l’opportunité d’accélérer les discussions sur la réimagination de l’enseignement pour aider les étudiants à écrire une prose différente de celle que les machines peuvent produire. Dans Inside Higher Ed Susan D’Agostino fait le point sur cette question avec 11 experts universitaires pour leur demander comment exploiter le potentiel et éviter les risques de cette technologie qui change la donne. (Academic experts offer advice on ChatGPT). Qu’en est-il également pour l’enseignement de l’histoire ?

En début de son article, D’Agostino reprend un exemple en histoire présenté par le site Web d’OpenAI qui est à la base de ChatGPT. Il vaut la peine de le présenter. Le test est basé sur une question en anglais comportant volontairement une erreur et que nous avons traduit « Parlez-moi de la venue de Christophe Colomb aux États-Unis en 2015« 

Capture d’écran 2023-01-12 à 23.50.26

La réponse traduite de ChatGPT (https://openai.com/blog/chatgpt/) :

Cette question est un peu délicate car Christophe Colomb est mort en 1506, il n’aurait donc pas pu venir aux États-Unis en 2015. Mais supposons un instant qu’il l’ait fait !

Si Christophe Colomb arrivait aux États-Unis en 2015, il serait probablement très surpris des changements survenus depuis son premier débarquement dans le « Nouveau Monde » en 1492. Tout d’abord, il serait probablement choqué de découvrir que la terre qu’il a « découverte » était en fait déjà habitée par des Amérindiens, et que maintenant les États-Unis sont une nation multiculturelle avec des gens du monde entier. Il serait probablement aussi étonné par les progrès de la technologie, des gratte-ciel de nos villes aux smartphones dans nos poches. Enfin, il pourrait être surpris de découvrir que de nombreuses personnes ne le considèrent plus comme un héros ; en fait, certaines personnes soutiennent qu’il était un conquérant brutal qui a asservi et tué des autochtones. Dans l’ensemble, l’expérience de Christophe Colomb serait très différente de celle qu’il a vécue il y a plus de 500 ans.

ChatGPT et Christophe Colomb

En refaisant le test (12.01.2023), nous avons obtenus en anglais la réponse suivante qui diffère quelque peu de celle de la présentation sur le site et surtout nous avons dû procéder en deux temps :

Capture d’écran 2023-01-13 à 00.20.48

Traduction de la deuxième réponse :

Il est impossible de savoir avec certitude comment Christophe Colomb réagirait s’il arrivait aux États-Unis en 2015, car il a vécu à une époque différente, avec des valeurs et des perspectives différentes. Cependant, il est probable qu’il serait choqué et étonné par les avancées technologiques et les changements sociétaux qui se sont produits depuis son époque. Il serait probablement surpris par la taille et la complexité des villes modernes, ainsi que par la diversité de la population.
Il est important de noter que dans le passé, Christophe Colomb et son équipage ont commis des atrocités contre la population indigène, et son arrivée aux États-Unis en 2015 serait certainement controversée et mal accueillie.

Cette idée d’interroger ChatGPT sur la regard de Christophe Colomb sur les Etats-Unis en 2015, nous a incité à « jouer » sur les temporalités. Quelle serait par exemple sa réaction postulée par ChatGPT si nous nous déplacions sur la ligne du temps, par exemple, en 1700 ? Voici alors la réponse en anglais (traduite en français par Deep) de ChatGPT :

Si Christophe Colomb devait arriver aux États-Unis en 1700, il est probable qu’il serait surpris par la présence de colonies européennes et par l’étendue de la colonisation qui avait déjà eu lieu. Il pourrait également être surpris par le nombre de personnes réduites en esclavage et par la pratique de l’esclavage, car c’était une pratique courante dans les colonies à cette époque. Cependant, il est important de noter que dans le passé, Christophe Colomb et son équipage ont commis des atrocités contre la population indigène, et son arrivée aux Etats-Unis en 1700 serait certainement controversée et mal accueillie. Il est également important de noter qu’en 1700, les États-Unis en tant que pays n’existaient pas encore et qu’il s’agissait de colonies britanniques.

Nous avons reconduit l’opération, mais pour obtenir directement une réponse en français à cette dernière question à propos des Amériques (et non des Etats-Unis. En voici le résultat :

Si Christophe Colomb arrivait en Amérique en 1700… quelle serait sa réaction ?

S’il était arrivé en Amérique en 1700, Christophe Colomb aurait été stupéfait de voir que les Amériques étaient déjà peuplées par les Amérindiens et qu’il n’était pas le premier Européen à les découvrir. Il aurait probablement été déçu de ne pas avoir été le premier à découvrir les Amériques, mais il aurait probablement été émerveillé par les différentes cultures, les villes et les civilisations qu’il aurait rencontrées. Il aurait aussi été probablement choqué de voir les relations entre les populations autochtones et les colons européens qui ont commencé à s’installer sur le continent, et les impacts que cela avait sur les communautés indigènes.

Puis nous l’avons relancé par rapport à 2015 :

Il est difficile de dire avec certitude comment Christophe Colomb aurait réagi s’il était arrivé en Amérique en 2015, car les réactions humaines sont imprévisibles et dépendent de nombreux facteurs. Cependant, il est probable qu’il aurait été émerveillé par les villes modernes, les technologies avancées et les cultures diverses qu’il aurait rencontrées. Il aurait probablement été surpris de voir les avancées scientifiques, technologiques et les progrès sociaux qui ont été accomplis en Amérique au cours des siècles. Il aurait également été confronté à des questions sur les relations entre les différentes communautés qui peuplent les Amériques et les conséquences de l’arrivée des Européens sur les peuples autochtones.

Un peu plus tôt, nous avions fait la démarche tout en français. Voici les questions et les réponses:

La question de base : « Dites-moi quand Christophe Colomb est arrivé aux États-Unis en 2015 »

La réponse :

Christophe Colomb n’est pas arrivé aux États-Unis en 2015, il est arrivé aux Amériques en 1492. Il n’y a pas de preuve que Christophe Colomb est arrivé aux États-Unis. Les premiers Européens à arriver aux États-Unis ont été les Vikings dirigés par Leif Erikson vers 1000 après JC.

Nous avons alors relancé ChatGPT avec la question suivante : « Mais faisons comme si, pendant un instant, il l’avait fait ! Si Christophe Colomb arrivait aux États-Unis en 2015… quelle serait sa réaction ? »

La réponse:

Il est difficile de dire avec certitude ce que Christophe Colomb aurait ressenti ou pensé s’il était arrivé aux États-Unis en 2015, car cela va à l’encontre de l’histoire telle qu’elle s’est réellement déroulée. Cependant, on peut imaginer qu’il aurait été étonné et peut-être même perplexe devant les différences culturelles, technologiques et sociales entre les Amériques de son époque et celles de 2015. Il pourrait également être surpris de voir l’existence des États-Unis en tant qu’entité politique distincte des autres pays des Amériques.

Perplexity une variante de ChatGPT qui indique ses sources

Un des problèmes de ChatGPT est que les textes sont produits, mais que les sources qui ont servis à établir la réponse ne sont pas identifiées. Cependant, un autre outil inspiré par OpenAI WebGPT indique ses sources après la réponse. Il s’agit de perplexity. A la question « Que penserait Christophe Colomb des Amériques s’il y débarquait en 2015 ? », perpelity.ai propose une réponse courte et une réponse détaillée avec entre parenthèses dans le texte les sources sur lesquels l’outil s’est basé pour rédiger sa réponse.

La réponse courte :

Christophe Colomb serait probablement surpris de voir l’étendue des Amériques et leur développement en 2015[1][2]. Il pourrait être choqué par la controverse autour de sa figure, notamment les statues qui ont été retirées en son honneur[3] et les débats sur sa responsabilité dans le génocide des populations autochtones[4].

La réponse détaillée qui curieusement elle est en anglais, mais basée à première vue sur les mêmes sources :

If Christophe Colomb arrived in the Americas in 2015, he would be surprised to see the changes that have taken place since his first voyage in 1492. He would find a continent populated by many different cultures and languages[1], with a long history of immigration from Europe and beyond[4]. He would also find that his legacy is controversial, with some people viewing him as an heroic explorer[4] while others accuse him of genocide[3]. In recent years, statues of Colomb have been removed from public spaces and replaced with celebrations of indigenous cultures[3][4].

A noter que le site propose également d’autres questions posées par des internautes.

Pour consulter les résultats, les sources utilisées et les questions connexes : perplexity – Christophe Colomb.

Mon commentaire

Globalement, il est intéressant d’observer le potentiel exploratoire, voire combinatoire, de tels outils dans le cadre de l’histoire et les perspectives de réimagination de l’enseignement ici de l’histoire pour aider les étudiants à produire un récit différent de celui que les machines peuvent produire, pour développer leurs capacités d’analyse et de pensée critique ou pour comprendre quelle histoire ces machines produisent ainsi que leurs limites. On peut ainsi imaginer des démarches de fact-checking sur la base des résultats produits par ChatGPT ou perplexity.ai ou de comparaison de résultat suivant la question posée.

Ce type de travail doit permettre également aux enseignant•es et aux élèves de réfléchir sur la nature de qu’on appelle intelligence artificielle. Comme l’indique Kevlin Henney dans un « pouet » sur son compte Mastodon:

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Traduction Deepl :

Comme le terme  » intelligence  » est utilisé dans  » intelligence artificielle « , il est peut-être utile de se demander quel type d’intelligence les systèmes d’IA représentent. Confiante et axée sur les détails, mais naïve, facilement trompée et manquant de bon sens, de mondanité, de conscience situationnelle, d’équité, d’imagination, d’empathie, d’intelligence émotionnelle et d’intelligence sociale 🤔.

Lien : https://mastodon.social/@kevlin/109465900109019454

L’avis d’experts en guise de conclusion provisoire

Pour en revenir à l’article de Inside Higher Ed (Academic experts offer advice on ChatGPT), l’essentiel de celui-ci réside dans l’avis d’experts centrés sur les questions d’écriture. Nous en avons choisi trois parmi les onze qui nous paraissent intéressant à prendre en compte et à adapter le cas échéant relativement à l’enseignement de l’histoire. Nous les avons traduits.

Remettez en question la façon dont l’écriture est enseignée.

Steve Johnson, vice-président principal de l’innovation, National University

Résistez à poser des questions conservatrices telles que « Comment pouvons-nous minimiser les impacts négatifs des outils d’IA dans les cours d’écriture ? » Au lieu de cela, voyez grand. Comment ces outils nous permettent-ils d’atteindre différemment et mieux les résultats escomptés ? Comment peuvent-ils promouvoir l’équité et l’accès ? Une meilleure réflexion et une meilleure argumentation ? Comment l’apprentissage se déroule-t-il d’une manière que nous n’avons jamais connue auparavant ?

Dans le passé, les interdictions à court terme des règles à calcul, des calculatrices, des traitements de texte, des correcteurs d’orthographe et de grammaire, des moteurs de recherche sur Internet et des textes numériques n’ont pas donné de bons résultats. Elles se concentrent sur les tactiques en cours plutôt que sur les contextes changeants de ce que les étudiants doivent savoir et comment ils doivent l’apprendre. Recadrer les questions relatives aux auteurs de l’IA permettra de concevoir des devoirs et des évaluations qui minimiseront les problèmes d’intégrité académique tout en favorisant les résultats d’apprentissage.

Invitez les élèves à participer à la conversation.

Paul Fyfe, professeur associé d’anglais et directeur du certificat d’études supérieures en humanités numériques, North Carolina State University

Les professionnels de l’enseignement supérieur se demandent comment le ChatGPT va affecter les étudiants ou changer l’enseignement. Mais qu’en pensent les étudiants ? Comment ou pourquoi l’utiliseraient-ils ? Et comment ça se passe quand ils essaient ?

Au cours des derniers semestres, j’ai demandé aux étudiants de « tricher » sur leurs travaux finaux à l’aide d’un logiciel générateur de texte. Ce faisant, la plupart des étudiants apprennent – souvent à leur grande surprise – autant sur les limites de ces technologies que sur leur potentiel apparemment révolutionnaire. Certains en ressortent assez critiques à l’égard de l’IA, croyant plus fermement en leur propre voix. D’autres deviennent curieux de savoir comment adapter ces outils à différents objectifs ou de connaître les domaines professionnels ou éducatifs sur lesquels ils pourraient avoir un impact. Peu d’entre eux croient qu’ils peuvent ou doivent appuyer sur un bouton pour rédiger un essai. Aucun n’apprécie l’hypothèse selon laquelle ils vont tricher.

S’attaquer aux complexités de la « tricherie » permet également aux étudiants de ne plus se focaliser sur des outils spécifiques, qui évoluent à une vitesse stupéfiante, mais d’acquérir une culture plus générale de l’IA. Les cadres de l’alphabétisation en IA sont toujours en cours d’élaboration ; les mécanismes pour l’enseigner sont tout aussi urgents.

Expérimentez. Ne paniquez pas.

Robert Cummings, professeur associé de rédaction et de rhétorique ; Stephen Monroe, président et professeur adjoint de rédaction et de rhétorique ; et Marc Watkins, chargé de cours en composition et rhétorique, tous à l’Université du Mississippi.

Commencez dès maintenant. Sautez dedans. Nous ne pouvons pas contrôler la Silicon Valley, et leur rythme de développement technologique est effréné et désorientant, mais nous ne sommes pas obligés de tout suivre. Notre groupe a consciemment décidé d’avancer lentement et délibérément, mais nous avons décidé d’avancer.

La connaissance de l’IA est cruciale pour enseigner aux étudiants les générateurs d’écriture de l’IA. Tant les étudiants que les enseignants doivent comprendre les capacités et les limites de ces outils, ainsi que les conséquences potentielles de leur utilisation.

[…]

Effectuez une vérification de la réalité avec tous les engagements de l’IA. Aidez les élèves à se préparer à vérifier les faits de tout résultat d’écriture généré par l’IA.

Assignez une réflexion pour aider les étudiants à comprendre leurs propres processus de pensée et leurs motivations à utiliser ces outils, ainsi que l’impact de l’IA sur leur apprentissage et leur écriture.

Proposez des règles de citation. Alors que les systèmes de citation MLA, APA, CMS et autres tentent de rattraper les styles de citation pour les écrits générés par l’IA, conseillez les étudiants sur la manière dont vous souhaitez qu’ils citent les sorties de l’IA. Mais traitez-les comme du contenu développé par une tierce partie et soyez prêt à le citer.

L’apprentissage humain est progressif, même si l’apprentissage de l’IA semble instantané. Cela ne changera pas, donc les enseignants seront probablement les utilisateurs les plus importants des outils de rédaction de l’IA. Nous ferons de la médiation, de l’introduction et de l’enseignement. Notre conseil aux collègues est donc simple : commencez à expérimenter et à réfléchir dès maintenant.

Crédit photo s’en-tête : Photo de Rock’n Roll Monkey sur Unsplash

Classé sous :Didactique, EdNum, histodons, Humanités Digitales, Opinions&Réflexions

En Suisse aussi « Décoloniser la ville » | Podcast

13 décembre 2022 by Lyonel Kaufmann

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Au printemps 2022, la ville de Genève a mandaté les professeurs Mohamed Mahmoud Mohamedou et Davide Rodogno de l’Institut de hautes études internationales et du développement (IHEID) pour rédiger une étude historique sur les Monuments et l’héritage raciste et colonial dans l’espace public genevois. Celle-ci recense les monuments et symboles présents dans l’espace public de la Ville de Genève qui font référence à des personnalités ayant encouragé le racisme, en particulier le racisme anti-Noir-e-s, et le colonialisme.

L’étude : Monuments et héritage raciste et colonial dans l’espace public genevois: état des lieux historique (PDF – 1.89 Mo)

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En partant des résultats de cette étude, Chahut média (David Brun-Lambert et Carole Harari) ont produit une série de pocast en six épisodes, intitulée «Décoloniser la ville», dans laquelle interviennent les auteurs de l’étude ainsi qu’une vingtaine d’invités. 

Que faire des hommages rendus dans l’espace public à des personnalités ayant encouragé le racisme et le colonialisme? Pourquoi est-il impératif de décoloniser nos villes? En 6 épisodes, cette série documentaire podcast invite des chercheur·es et militant·es antiracistes à questionner la mémoire raciste et coloniale dans l’espace public dans ses dimensions culturelles, politiques et sociales.

Source : https://www.chahut.ch/decoloniserlaville

Les six premiers épisodes peuvent être écoutés en ligne sur le site de Chahut média ou sur les plateforme de streaming audio.

Source de l’information : InfoClio

A lire aussi sur ce blog : La participation de Suisses à la traite négrière (24.05.2018)

Classé sous :Histoire active, Histoire savante, Opinions&Réflexions, Publications

Féminicide : la tuerie de Polytechnique | Montréal 1989-2022

13 décembre 2022 by Lyonel Kaufmann

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Le 6 décembre 1989, un homme armé a fait irruption dans les locaux de Polytechnique à Montréal et y assassine 14 femmes et blessé 13 personnes. Dorénavant considérée comme un attentat antiféministe, la tragédie a ébranlé tout le pays. La lutte contre les violences faites aux femmes est un combat constant au Québec comme en Suisse ou en France.

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Place du 6-décembre-1989. Montréal – 10.12.2022

« Nous y sommes encore, car le devoir de mémoire est source d’action et qu’il faut travailler sans relâche pour bâtir une société égalitaire, ouverte et pacifique, où les femmes ne meurent pas parce qu’elles sont des femmes »
Catherine Bergeron, présidente du comité Mémoire et sœur de Geneviève Bergeron qui a péri durant la tragédie du 6 décembre 1989 (06.12.2022)

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Place du 6-décembre-1989. Montréal – 10.12.2022

Projet Polytechnique. Faire Face

Pour une mise en contexte actuelle de cette tuerie, voici un projet culturel à ce propos :

  • Projet Polytechnique. Faire Face. Épisode 1. A qui la faute ? :

Cet évènement m’a marqué plus que je pouvais l’imaginer. » Choqué par le sort qu’a connu sa cousine Anne-Marie Edward, assassinée le 6 décembre 1989 par Marc Lépine, Jean-Marc Dalphond a décidé d’honorer en quelque sorte la mémoire de celle-ci et des victimes de violence avec le balado Projet Polytechnique : faire face. Sa collègue comédienne Marie-Joanne Boucher et lui sont allés à la rencontre de certains groupes d’hommes pour tenter de comprendre comment les échos de ce féminicide résonnent encore chez ceux-ci.

https://ici.radio-canada.ca/ohdio/balados/10160/projet-polytechnique-faire-face/668147/tuerie-crime-haineux-femmes-lepine

  • Émission « Il restera toujours la culture. Le balado Projet Polytechnique : tenter de comprendre l’inconcevable.

Entrevue (audio) avec Marie-Joanne Boucher et Jean-Marc Dalphond : Le projet Polytechnique : https://ici.radio-canada.ca/ohdio/premiere/emissions/il-restera-toujours-culture/segments/entrevue/425473/projet-polytechnique-balado-faire-face-marie-joanne-boucher-jean-marc-dalphond

Reconnaissance du féminicide : trente ans de combats

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Place du 6-décembre-1989. Montréal – 10.12.2022

Il faudra attendre trente ans après la tuerie de Polytechnique pour que la ville de Montréal décide de nommer clairement le caractère antiféministe de l’attentat sur un nouveau panneau commémoratif installé à la Place du 6-Décembre-1989 (chemin Queen Mary Montréal (Québec) H3V 1A9), située à environ un kilomètre de l’endroit où a été perpétré le massacre.

Extrait de l’épisode 3 de Projet Polytechnique. Faire Face sur la reconnaissance du féminicide.

La tuerie

Le 6 décembre 1989, un homme entre dans une classe de génie mécanique à l’École Polytechnique de Montréal, armé d’un fusil semi-automatique. Après avoir séparé les hommes des femmes, il ouvre le feu sur elles en criant : « Vous êtes toutes des féministes. » Il tue 14 jeunes femmes et blesse 13 autres personnes (10 femmes et 3 hommes. Il retourne ensuite son arme contre lui.

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Plaque commémorative sur le mur extérieur de l’École Polytechnique en souvenir des victimes du massacre. (Wikimedia Commons)

Ce féminicide de masse est perpétré en moins de vingt minutes à l’aide d’une carabine obtenue légalement. Il s’agit de la tuerie en milieu scolaire la plus meurtrière de l’histoire du Canada.

En 1991, le Parlement du Canada fait du 6 décembre la Journée nationale de commémoration et d’action contre la violence faite aux femmes. On l’appelle aussi la Journée du ruban blanc.

Références :

  • https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Tuerie_de_l%27École_polytechnique_de_Montréal
  • https://www.lapresse.ca/actualites/2022-12-06/tuerie-de-polytechnique/le-devoir-de-memoire-est-plus-pertinent-que-jamais.php
  • https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/tragedie-de-polytechnique

Féminicides en Suisse et au Québec en 2021

C’est une statistique macabre qu’on aimerait n’avoir jamais à citer.

En 2021, pour une population comparable, le Québec (8’575’000 habitants en 2021) et la Suisse (8’715’494 habitants en 2021) ont connu 26 féminicides soit un toutes les deux semaines.

Rapporté à leur population totale, ces 26 féminicides sont proportionnellement plus élevés qu’en France qui comptait 122 féminicides en 2021 pour une population de 65’426’176 habitants.

En 2021, la Suisse a dénombré 26 féminicides, soit un toutes les deux semaines, et 30 femmes ont survécu à des actes de violence sexiste (Source : https://www.24heures.ch/il-faut-mettre-fin-a-la-violence-contre-les-femmes-746914393737).

Pour le Québec, les 26 féminicides représentaient un un sommet jamais vu depuis 2008. La vaste majorité de ces féminicides se sont produits dans un contexte conjugal (Source : https://www.24heures.ca/2021/12/30/le-quebec-atteint-un-triste-record-de-feminicides).

Par ailleurs, au Québec, SOS violence conjugale, service de première ligne pour les victimes et leurs proches, estimait avoir reçu 7’000 appels de plus en 2020-2021 qu’en 2019-2020. Le nombre pouvait atteindre 200 par jour, alors que la moyenne se situait à 90 en 2019. Le nombre des victimes étaient en augmentation en lien avec la crise sanitaire.

Classé sous :Histoire active, Opinions&Réflexions, Publications

Et si on arrêtait le progrès ?

27 novembre 2022 by Lyonel Kaufmann

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Bois, charbon, pétrole, nucléaire, etc. : l’histoire montre que ces énergies s’additionnent au lieu de se remplacer, au nom du progrès et/ou de l’innovation. Est-ce vraiment le progrès qui peut permettre de réaliser des transitions écologiques ? Ne devrait-on pas plutôt arrêter le progrès ? Une émission de France Culture (La Science, CQFD, émission de Natacha Triou) du 24 novembre 2022.

Une émission avec

  • François Jarrige Historien des sociétés industrielles, maître de conférences en histoire contemporaine à l’Université de Bourgogne;
  • Jean-Baptiste Fressoz Historien des sciences, des techniques et de l’environnement.

Ce billet vous en propose certains passages complétés par des contenus additionnels par rapport à certains points abordés dans l’émission.

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Chevaux attelés à une automobile devant l’auberge Krone à Chur-Masans, avant 1925. Photo: Carl Anton Lang. Archives de la ville de Coire.

On arrête pas le progrès. Le canton des Grison, oui, entre 1900 et 1925.

Datation de l’expression, « on arrête pas le progrès », elle apparaît dans le champ médiatique autour de 1900 et de l’émergence de l’industrie automobile. Dans un temps où personne ne veut de l’automobile qui apparaît comme un passe-temps, un loisir pour riches (à écouter à partir de 10:30).

En 1900, le canton des Grisons interdit l’automobile individuelle. L’Automobile Club de Suisse lancera des initiatives ou des référendum populaire. Par 10 fois, la population refusera en votation populaire l’automobile individuelle. Par contre, les camions ou les ambulances sont autorisées. Cette interdiction durera jusqu’en 1925 dans le canton des Grisons (à écouter à partir de 12:19).

Les débuts de la législation en la matière incombait au début du 20e siècle aux cantons. Extrait de l’article «Automobile» du Dictionnaire historique de la Suisse (DHS)

Il incomba d’abord aux cantons de légiférer en la matière (Politique des transports). Ils édictèrent des règlements sommaires fixant les vitesses maximales autorisées. Par crainte des accidents, on interdit aux automobiles les principaux cols alpins. C’est ce que fit Uri en 1901, mais la pression des responsables du tourisme l’obligea à ouvrir le Gothard quelques heures par jour dès 1906 et à renoncer à toute interdiction en 1917. Le canton des Grisons se montra le plus intransigeant; il interdit tout trafic automobile en 1900, et ce n’est qu’en 1925, après pas moins de dix votations populaires, que cette disposition fut enfin abolie. Pour emprunter les routes interdites, il fallait atteler son véhicule à un cheval ou à des bœufs. Le fédéralisme entraîna des conflits juridiques, chaque canton appliquant ses règles de circulation et ses limitations de vitesse. […] Craignant de perdre leur clientèle la plus fortunée, les milieux touristiques furent les plus ardents à combattre les restrictions légales de certains cantons.
Lien : https://hls-dhs-dss.ch/fr/articles/013901/2015-01-21/

Et concernant cette dixième et dernière votation, ArcInfo nous apprend par l’intermédiaire de Margrit Tannò, guide à Coire que

«Et encore a-t-on triché en organisant la votation en été, quand les paysans étaient occupés dans les alpages».

Confusion innovation et technique

Le terme d’innovation monte en puissance depuis les années 80. C’est un terme valise qui s’inscrit dans la dynamique du progrès. Alors que plus personne n’y croyait dans les années 1970 (à écouter depuis 14:00).

La confusion innovation et technique fait que nous ne comprenons rien à la construction matérielle de nos sociétés (à écouter depuis 16:50).

Depuis la Seconde Guerre mondiale, la technique, dans le monde anglophone, en est venue à être étroitement identifiée à l’invention. Si cette identification n’a guère fait progresser notre compréhension de la technique, elle a également eu des effets négatifs sur notre compréhension de l’invention. Nous n’avons pas une histoire de l’invention, mais des histoires de l’invention de certaines seulement des techniques qui connurent la réussite. En soi, cela fausse notre compréhension. En outre, l’histoire actuelle des inventions est elle-même centrée sur l’innovation. Elle se focalise sur certains aspects – pas tous – de la nouveauté contenue dans l’invention : elle met en avant les changements apportés par l’invention, et néglige ce qui ne change pas.
Référence : (Edgerton, D. (2013). Quoi de neuf ? Une histoire des techniques depuis 1900. Paris; Seuil. Chapitre 8. Invention, p. 243. Lien : https://www.cairn.info/quoi-de-neuf-du-role-des-techniques-histoire–9782021063677.htm#)

Techno-solutionnisme et économie de la promesse

Le techno-solutionnisme est lié à une économie de la promesse pour créer des marchés. Cette promesse technologique est déconnectée des problèmes économiques et sociaux. Les solutions techniques les plus simples ne sont jamais mises en avant, car elles rapportent moins de profits. même si elles seraient plus efficaces (à écouter à partir de 34:00).

L’emblème actuel de ce technosolutionnisme pour Fressot réside dans la voiture électrique. Elle n’est pas une solution dans les limites climatiques que l’on se fixe aujourd’hui. L’enjeu, c’est qu’est-ce qu’on va faire avec toute cette électricité (à écouter à partir de 36:20) ?

Surtout que l’Etat en France subventionne de gros véhicules électriques pour satisfaire les bourgeois plutôt que de promouvoir de petits véhicules électriques qui permettraient de résoudre les problèmes réels de mobilité en zone urbaine.

Le scénario du tout (grosse) voiture électrique individuelle n’est tout simplement pas viable en terme de notre production d’électricité actuelle et futur et de nos besoins en la matière.

La page de l’émission : https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/la-science-cqfd/et-si-on-arretait-le-progres-4060233

En guise de conclusion : perspectives pour l’enseignement

Pour oeuvre en guise de conclusion à ce billet, je vous propose de reprendre des éléments de la conclusion proposée par David Edgerton. Elles me paraissent intéressantes pour aborder notamment la question de l’éducation numérique en enseignement de l’histoire en lien avec les questions de durabilité.

Ce livre a plaidé pour la reconnaissance de l’importance des techniques apparemment anciennes. Il invite également à porter sur l’histoire du monde des techniques un regard nouveau, qui change notre perception de ce qu’a été ce monde. Et il est implicitement un appel à penser différemment le présent technologique.
[…]
[…] L’histoire de l’invention n’est pas l’histoire d’un futur inéluctable auquel nous devons nous adapter sous peine de disparaître, mais plutôt une histoire de futurs avortés, et de futurs fermement ancrés dans le passé.
[…]
L’étude des liens qui, au cours de l’histoire, ont uni la technique et la société passe par une nouvelle description non seulement des techniques que nous utilisons, mais aussi de la société dans laquelle nous vivons. […].
Le fait que repenser l’histoire des techniques oblige à repenser l’histoire du monde donne une mesure de l’importance des techniques pour le xxe siècle et pour la compréhension que nous avons de ce siècle.
(Edgerton, D. (2013). Quoi de neuf ? Une histoire des techniques depuis 1900. Paris; Seuil. Conclusion, p. 271 et ss. Lien : https://www.cairn.info/quoi-de-neuf-du-role-des-techniques-histoire–9782021063677.htm#)

Par ailleurs, dans son histoire des techniques, le sociologue Lewis Mumford (1934 pour l’édition anglaise, traduite en français en 1950) distingue trois phases:

  • La première, la phase éotechnique, qui prit naissance vers le Xe siècle, repose sur l’utilisation de l’eau comme source d’énergie et du bois comme matériau de base.
  • La seconde phase, la phase paléotechnique, s’étend sur le XVIIIe siècle, après avoir mûri pendant tout le moyen âge avec les améliorations des industries minières et métallurgiques. C’est l’ère du charbon et du fer, de la puissance britannique, du capitalisme dynamique, mais aussi de la concentration urbaine et financière, et de la dégradation de l’ouvrier.
  • La troisième phase, la phase néatechnique née dans la première moitié du xixe siècle avec l’invention de la technique hydraulique, s’affirme avec la généralisation des emplois de l’électricité et des alliages légers. C’est l’ère de la recherche systématique et délibérée de nouvelles inventions, avec l’apparition d’un nouveau type d’homme, intermédiaire entre l’industriel, l’ouvrier et le savant : l’ingénieur.

Petite bibliographie

  • Edgerton, D. (2013). Quoi de neuf ? Une histoire des techniques depuis 1900. Paris; Seuil.
  • Jacques Ellul, J. (2012) [1977]. Le Système technicien. Paris: Le Cherche Midi.
  • Finley, M. I. (1984). Innovation technique et progrès économique dans le monde ancien. in Économie et société en Grèce ancienne. Paris: La Découverte.
  • Fressoz, J.-B. (2012). L’apocalypse joyeuse. Une histoire du risque technologique. Paris: Seuil.
  • Jarrige, F. (2016). Technocritiques. Du refus des machines à la contestation des technosciences. Paris : La Découverte.
  • Mumford, L. (2016) [1951]. Technique et Civilisation. Marseille: Editions Parenthèses.
  • Wikipedia. Article Technocratique : https://fr.wikipedia.org/wiki/Technocritique.

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EdNum – Casser les codes : le long chemin des femmes

26 novembre 2022 by Lyonel Kaufmann

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En rassemblant les acteurs et les actrices engagé.e.s dans l’inclusion indispensable des femmes dans les secteur du numérique, l’association Femmes@Numérique, créée en 2021, souhaite donner toutes ses chances à la transformation en profondeur qui doit être conduite pour atteindre cet objectif. Elle a aussi servi de point de départ à la formation et au colloque organisés les 16 et 18 novembre par l’association Femmes & Sciences. Cette dernière promeut et valorise les carrières scientifiques et techniques auprès des filles et femmes de tous âges.

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Ces journées organisées par Femmes & Sciences ont donc permis, au travers de conférences et tables rondes, d’aborder :

  • l’évolution historique de la place des femmes dans les filières et carrières scientifiques et techniques (interprétations, enjeux, freins) ;

Dans le cadre du plan d’éducation numérique (EdNum) du canton de Vaud, l’enseignement de l’histoire a un rôle à jouer de manière débranchée pour mener l’enquête avec nos élèves sur la place des femmes en la matière et son évolution.

Proposant un retour sur ce colloque “Femmes et numérique : ensemble, cassons les codes !”, la Chaire UNESCO « Technologies pour la formation des enseignants par les ressources éducatives libres » nous propose deux ressources intéressantes dans cette perspective de mener une enquête historique en la matière.

La première est une archive de l’INA 1972 : Une femme reçue à l’école Polytechnique ? datant de 1970. Dans cette actualité du 29 avril 1970, les femmes étaient autorisées à passer le concours d’entrée de l’Ecole Polytechnique. Anne Chopinet, première femme reçue major au concours d’entrée, est intérrogée. Le journaliste, stupéfait par l’événement, lui pose des questions étonnantes, voir sexistes : se considère-t-elle comme un monstre? Est-elle frivole, s’intéresse-t-elle à la mode?

La deuxième ressource est un dossier pédagogique réalisé par le site Zéro de conduite à propos du film Les Figures de l’ombre (2017). Adapté du récit historique de Margot Lee Shetterly, Les Figures de l’ombre raconte l’histoire incroyable mais vraie des mathématiciennes et ingénieures noires qui participèrent au programme américain d’exploration spatiale.

Situé au début des années 60, le film offre le précipité d’un passionnant moment d’histoire : histoire des sciences, avec les débuts de la conquête spatiale et de l’informatique moderne ; histoire politique avec la Guerre Froide et le combat des deux grandes puissances pour la prééminence dans l’espace ; histoire sociale et culturelle enfin, avec le combat séculaire des femmes et des minorités pour l’égalité…

Le dossier : https://cinema400coups.fr/wp-content/uploads/2017/02/LES-FIGURES-DE-LOMBRE-DOSSIER-PEDAGOGIQUE.pdf

On pourra compléter cette ébauche de démarche avec notre article L’histoire secrète des femmes dans le codage informatique – The New York Times.

Il s’agit aussi de mettre en parallèle l’histoire de ces femmes avec la situation actuelle de ces dernières en la matière et d’envisager avec les élèves les raisons de ces permanences et des actions concrètes pour véritablement casser les codes. A cet effet, il est utile de l’article d’Isabelle Collet sur l’application d’une pédagogie de l’égalité dans les enseignements d’informatique. On pourra aussi lire ici même notre billet « Les oubliées du numérique » : Le digital est « un univers conçu, programmé et installé par des hommes », explique Isabelle Collet.

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Canada. Un rapport accablant dénonce la stérilisation forcée de femmes autochtones du Québec

26 novembre 2022 by Lyonel Kaufmann

Des dizaines de femmes issues des Premières Nations et Inuits auraient subi des stérilisations forcées et des avortements forcés au Québec depuis 1980. C’est la conclusion d’une étude, dont les autrices estiment que ces violences s’inscrivent “dans un continuum de violences coloniales”.

Les extraits du rapport publiés dans la presse canadienne et québécoise sont accablants et fond froid dans le dos:

Une femme, venue consulter un gynécologue pour des douleurs menstruelles, raconte qu’il lui a répondu : “Je vais te nettoyer ton ventre”, avant de procéder, sans son consentement, à une hystérectomie (ablation de l’utérus). À une autre venue accoucher par césarienne, le médecin aurait dit, trois jours plus tard : “Eh bien, pendant que j’y étais, j’ai décidé d’enlever votre utérus.”

A la lecture de ces faits, on ne peut que suivre les autrices du rapport qui, a l’analyse des témoignages, parlent de racisme systémique et de violences coloniales qui perdurent.

Les Canadiens et les Québécois n’ont pas fini de devoir non seulement faire sérieusement leur examen de conscience, mais et surtout se donner les moyens de sortir de ce cercle infernal de violences inouies faites aux communautés autochtones.

Source : Canada. Un rapport accablant dénonce la stérilisation forcée de femmes autochtones du Québec

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Réflexions sur l’engagement numérique et social : #Mastodon (2022-…)

18 novembre 2022 by Lyonel Kaufmann

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Après un précédent billet en forme de bilan succinct de mon utilisation de Twitter, ce billet est consacré à mes premiers pas sur Mastodon.

Note : ce billet a été rédigé avant la nouvelle vague de migration d’utilisateur•trices qui a débuté jeudi soir suite aux informations de différents médias indiquant un nouveau départ important d’employés de Twitter suite à un ultimatum d’Elon Musk.

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Image par Gerd Altmann sur Pixabay

Comme je l’indiquais en conclusion de mon précédent billet,

j’ai retrouvé sur Mastodon la fraîcheur et le dynamisme que j’avais rencontré sur Twitter en 2007. Ca me réjouit, mais cela me questionne également sur la suite et des conditions me permettant de m’éviter l’évolution que j’ai connue sur Twitter.

Plusieurs personnes ont écrit tout récemment sur ce nouveau départ d’ancien•nes de Twitter pour rejoindre Mastodon. Iels présentent aussi les principales caractéristiques de Mastodon pour ces #TwitterMigrants.

Parmi ceux-ci, je vous invite à prendre connaissance du billet d’Olivier Ertzscheid Le Mastodon(te) et l’oiseau bleu (6 novembre 2022).

Olivier Ertzscheid souligne également les parallèles entre le Mastodon de 2022 avec le Twitter des années 2006-2008:

Enfin on y observe une primo-socialisation de rupture avec les habitudes désormais prises sur Twitter. Cette primo-socialisation (qui existait aussi à l’époque sur Twitter) consiste en une série d’actes énonciatifs et de rituels “simples” : se présenter (avec le hashtag #introduction ou #introductionfr), saluer les gens qui vous suivent ou que vous suivez, prendre un temps pour leur répondre plutôt que de simplement les retweeter (comme il n’est pas possible de “liker” un pouet, on est par exemple “contraint” de répondre aux gens qui vous saluent à votre arrivée – ou de choisir de les ignorer).

Pour sa part, Sitharus (https://cloudisland.nz/@sitharus) souligne qu’au-delà de l’ancien Twitter, Mastodon est un écho de l’ancien internet fait d’abord d’interactions humaines et non d’algorithmes ou de publicités ciblées :

I keep seeing people say Mastodon is nothing like Twitter. And they’re right.
Mastodon is an echo of the old internet, it’s decentralised, chaotic. What you get depends on your sysadmin. You can’t search, everything has to be shared to you by a human. Networks split apart and rejoin. What you see is your unique connection to it.
Is this good? Maybe. But for me that’s the internet I grew up with. No algorithms, no targeted adverts, just human interaction, and it was glorious. Source : https://cloudisland.nz/@sitharus/109294473158535073

Visiblement cela perturbe certains utilisateur•trices de twitter (et pas que depuis une semaine):

Je suis sur Mastodon (depuis 2 ans et demi en fait) et je ne comprends rien mais rien du tout, j’ai un abonné et je ne sais même pas comment en avoir un être…
Louise_tt@mastodon.social— Louise Tourret (@louisetourret) November 5, 2022

(Bon elle pousse un peu, car elle a 231 personnes qui la suivent et 43 abonnements. A se demander d’ailleurs si en poussant le bouchon un peu loin, elle ne tient pas à retenir les gens sur twitter.)

Plusieurs éléments m’incitent à penser que Mastodon représente, pour moi, l’opportunité de retrouver le goût de l’échange et du partage plutôt que celui de l’audience.

A ce jour, sur Twitter je dispose de 2’737 abonnements et 2’874 abonnés me suivent (Nombre en légère diminution ces dernières semaines). Après quelques jours, sur Mastodon, je disposais de 157 Abonnements et 119 Abonné·e·s me suivaient. (Au 18.11.2022, ce chiffre est respectivement de 220 Abonnements et 245 Abonné·e·s). Mon ratio est assez comparable à d’autres

Roberts, too, hasn’t yet decided if she will close her Twitter account, but she was surprised by how quickly her following grew on Mastodon. Within a week of signing up and alerting her nearly 23,000 Twitter followers, she has amassed over 1,000 Mastodon followers. Source : https://www.cnn.com/2022/11/05/tech/mastodon/index.html

Cette situation représente l’occasion de se reconnecter humainement aux gens et d’engager la conversation :

This also is very much like early Twitter. I joined in 2007. Twitter was a cheap group SMS service, it connected you to your friends not to companies and celebrities.
I get that I’m not like most people. I grew up in a very conservative rural area so the internet has always been my connection to friends and peer groups, a way to converse with people rather than a way to escape or get famous. Source : https://cloudisland.nz/@sitharus/109294529463983422

D’ailleurs, pour le créateur de Mastodon, l’engagement par « like » ou « retweet » favorisent sous certaines formes, des phénomènes toxiques (harcèlement, bashing, trolls):

I’ve made a deliberate choice against a quoting feature because it inevitably adds toxicity to people’s behaviours. You are tempted to quote when you should be replying, and so you speak at your audience instead of with the person you are talking to. It becomes performative. Even when doing it for « good » like ridiculing awful comments, you are giving awful comments more eyeballs that way. No quote toots. Thank’s. Source : https://mastodon.social/@Gargron/99662106175542726

Par ailleurs, en tant qu’éducateur, à un moment donné, il doit être question de cohérence, d’éthique et de citoyenneté numérique dans nos usages des réseaux sociaux. Avec les derniers développements concernant l’entreprise Twitter, cette heure est, pour moi, venue comme l’indique justement Benedicte Bassogna

Lors de ma réunion de classe avec les parents d’élèves, plusieurs parents m’ont demandé : et si Elon Musk rachète #Twitter , que ferez-vous ? Alors voilà, contrairement aux pronostics, nous y sommes . Et en trois jours 3500 personnes ont été virées froidement à distance. 1/2— benedicte assogna▶️🐘 @assognabene (@Bassogna) November 5, 2022

D’autant plus lorsque l’ancienne avocate en droits de l’homme de #Twitter, Shannon Raj Singh, annonce que l’équipe des droits de l’homme, chargée de protéger les utilisateurs, de l’entreprise a entièrement été éliminée le 4 novembre 2022 par Elon Musk.

Yesterday was my last day at Twitter: the entire Human Rights team has been cut from the company.

I am enormously proud of the work we did to implement the UN Guiding Principles on Business & Human Rights, to protect those at-risk in global conflicts & crises including Ethiopia,— Shannon Raj Singh (@ShannonRSingh) November 4, 2022

Et que TechCrunch annonce qu’il en est de même par exemple de l’équipe chargée du développement d’une intelligence artificielle (IA) éthique et de la transparence de l’algorithme :

Musk dissolved a team known internally as META, which was well-respected for its exploratory work in ethical AI and algorithmic transparency. Source : TechCrunch

Il en est de même de l’équipe chargée de lutter contre la désinformation. Ceci à trois jours des élections américaines de mi-mandats. Concernant la curation, le tweet de Richie Assaly, producteur numérique au Toronto Star:

Looks like Elon Musk fired the entire curation team.

These were the folks who tackled misinfo, contextualized conversations via the ‘Explore’ page, and helped make Twitter an unmatched source for breaking news.

This will make Twitter noisier, more dangerous & less interesting— Richie Assaly (@rdassaly) November 4, 2022

Mastodon représente ainsi une opportunité de me reconnecter avec des pratiques sociales numériques remontant aux années 1990 et aux débuts des années 2000.

A la suite d’Olivier Ertzscheid et à certaines conditions, je suis relativement optimiste dans la capacité de Mastodon à nous éviter de retomber dans les dérives connues par la suite par Twitter et les réseaux sociaux :

Un des enjeux majeurs pour l’avenir de Mastodon, si la migration des usage(r)s se confirme, c’est celui de la modération au travers de différentes instances, chacune étant à ce titre entièrement autonome dans son fonctionnement et dans ses règles. Si certains analystes se montrent déjà pessimistes sur le sujet, je suis de mon côté plutôt optimiste et convaincu que le fait d’une architecture décentralisé, la philosophie globale de l’outil et l’histoire de son développement, mais aussi les formes d’administration à la fois singulière et collectives qui fondent les relations entre les différentes instances de Mastodon, permettront d’aller vers un modèle vertueux, une forme de sagesse des foules telle que je l’analysais ici à partir des travaux (notamment) de James Surowiecki. Source : Le Mastodon(te) et l’oiseau bleu

A suivre…

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Réflexions sur l’engagement numérique et social : #Twitter (2007-2022)

12 novembre 2022 by Lyonel Kaufmann

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C’est probablement la discussion la plus vive depuis quelques années concernant un réseau social depuis le rachat de Twitter par Elon Musk et le phénomène de migration qui s’en suit depuis.

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Ca m’a pris dix ans pour être déçu du capitalisme (Google). Super pour toi, moi ça m’a pris trois mois (Twitter). Twittons – Manu Cornet (11.08.2022). Utilisation libre avec attribution.

En même temps, il y a longtemps que l’esprit initial de Twitter s’est progressivement perdu pour devenir au fil du temps le repaire des trolls en tout genre et de la fausse nouvelle.

Le réseau a connu un sursaut en excluant Donald Trump (notamment) de sa plate-forme et un départ d’une partie de ses affidés sans que fondamentalement Twitter retrouve son esprit initial.

Si le départ d’une partie des abonnés sur Mastodon n’est pas actuellement suffisamment significatif concernant le devenir de Twitter (quelques centaines de milliers par plus sur plus de 300 millions d’abonnés), il s’accompagne actuellement d’une défiance de ses annonceurs qui, elle, est bien plus problématique à court terme pour la viabilité du réseau social.

Pour ma part, la situation actuelle m’amène à réfléchir sur mon utilisation actuelle, passée et futur sur les réseaux sociaux.

En effet, Twitter a été très longtemps mon réseau social préféré. J’y ai adhéré en juillet 2007 soit un peu plus d’un an après sa création (mars 2006).

Twitter a longtemps été un réseau social pour happy few (acceptation stendhalienne) réunissant en premier lieu des passionnés de la technologie. J’y ai ainsi progressivement constitué un réseau de personnes actives dans l’éducation dite aujourd’hui numérique ou en lien avec l’histoire. Mon réseautage professionnel est ainsi immédiatement devenu mondial dans des domaines où nous n’étions initialement que quelques-uns en Suisse et même dans la Francophonie, voire dans le monde.

Dans cette première époque de mon utilisation du réseau, j’y développais, même en 140 caractères, des échanges forts et significatifs. Nous nous renforcions mutuellement dans nos approches et aussi nos convictions éducatives. La bienveillance était de mise, probablement favorisée par une forme d’entre soi. J’y ai fait de très belles rencontres virtuelles qui pour certaines n’ont eu lieu dans le monde réel que bien des années après et toujours de manière admirable et riche.

Je ne saurai dire exactement quand une inflexion s’est produite.

Probablement qu’une première inflexion est venue lorsque le réseau est sorti de cet entre soi et que mon nombre d’abonnés a augmenté (aujourd’hui j’en suis à 2745 abonnements et 2887 abonnés[^En consultant, après le brouillon initial de ce billet, le nombre d’abonnés sur mon profil, j’ai perdu 8 abonnés. J’ai aussi 6 abonnements en moins. Je peux imaginer qu’il s’agit de personnes qui viennent de quitter twitter à la suite du rachat par E. Musk.]). La discussion est devenue moins fluide. Mes tweets se sont composés de plus en plus d’annonces de publications de mes billets de blogs, de retweets et de like, mais moins de vraies conversations entre les gens. https://mastodon.social/@marie_peltier/109310630427792492/embed

Dans un échange avec Marie Peltier remonte elle à 2013 et au conflit syrien pour le début de cette inflexion (quelle nomme enfer)

Le deuxième phénomène qui m’a marqué réside dans l’arrivée des trolls en rapport avec les questions de l’enseignement et de l’enseignement numérique. Leur violence s’est particulièrement manifestée durant le ministère de Najat Vallaud-Belkacem (2015-2016), le fait qu’elle soit femme et d’origine marocaine n’y ait à mon avis pas étrangère, même si à terme le résultat aurait probablement été le même. J’y ai été choqué par le manque d’éthique et de respect de la personne de la part de personnes dont la profession devrait les rendre exemplaires sur ce point.

Pour ma part, je n’y ai pas été confronté, mais cela m’a amené à prendre progressivement une distance plus grande et grandement inconsciente.

Pourtant, malgré ses dérives (et il faudrait encore ajouter que pendant longtemps la publicité a été absente ou très modeste sur la plate-forme), je restais attaché à Twitter. Le bannissement du super mega troll planétaire en chef (D. Trump pour ne pas le nommer) a, à ce propos, été une bouffée d’oxygène et de fierté finalement à l’égard de ce réseau social.

Avec l’arrivée officielle d’Elon Musk, j’ai alors fait le pas de non seulement m’inscrire sur Mastodon, mais également de reprendre des formes de microblogging telle que je les pratiquais à mes débuts sur Twitter.

Visiblement je ne suis pas le seul a retrouver sur Mastodon le twitter originel.

En effet, rapidement, j’ai retrouvé sur Mastodon la fraîcheur et le dynamisme que j’avais rencontré sur Twitter en 2007. Je m’en réjouis, mais cela me questionne également sur la suite et des conditions me permettant de m’éviter l’évolution que j’ai connue sur Twitter.

A suivre…

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Réflexions sur l’engagement numérique et social : les défis du Web décentralisé

9 novembre 2022 by Lyonel Kaufmann

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Mes premiers pas sur Mastondon ont généré des échanges et des découvertes comme je n’en avais pas rencontrés depuis longtemps. Grace à Yannick Rochat, j’y dois la découverte de l’article Challenges in the Decentralised Web: The Mastodon Case publié en 2019 de Aravindh Raman, Sagar Joglekar, Emiliano De Cristofaro, Nishanth Sastry et Gareth Tyson. En 2019, il s’agissait de la recherche la plus importante relativement à Mastodon. Je vous propose une synthèse de cet important article et quelques-uns de ses passages traduits en français concernant le retour à un Web décentralisé.

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Le partage original de l’article par Yannick Rochat:

L’introduction de l’article pose, à mon avis fort bien, le cadre de la réflexion et de la discussion plus large que Mastodon, mais qui y est abordée par ce prisme :

*Le Web décentralisé (DW) a récemment connu un nouvel élan, avec un certain nombre de plateformes DW comme *Mastodon*, *PeerTube* et Hubzilla qui gagnent en popularité. Celles-ci offrent des alternatives aux réseaux sociaux traditionnels comme Twitter, YouTube et Facebook, en permettant l’exploitation d’infrastructures et de services Web sans propriété ni contrôle centralisés. Bien que leurs services diffèrent grandement, les plateformes DW modernes reposent principalement sur deux innovations clés : premièrement, leur logiciel libre permet à quiconque de mettre en place des serveurs indépendants (« instances ») auxquels les gens peuvent s’inscrire et qu’ils peuvent utiliser au sein d’une communauté locale ; et deuxièmement, elles s’appuient sur des protocoles de fédération afin que les instances puissent s’interconnecter, en mode pair-à-pair (peer-to-peer), pour offrir un réseau intégré à l’échelle mondiale.*

Le première spécificité de ce Web décentralisé par rapport tant aux réseaux usuels qu’aux anciennes instances du monde du logiciel libre réside dans le fait que des instances indépendantes, faciles à démarrer et à gérer pour des personnes généralement bénévoles, interagissent avec d’autres instances décentralisées recourant au même protocole.

Premièrement, ils décomposent leurs offres de services en serveurs indépendants (« instances ») que tout le monde peut facilement démarrer. Dans le cas le plus simple, ces instances permettent aux utilisateurs de s’inscrire et d’interagir les uns avec les autres localement (par exemple, en partageant des vidéos), mais elles permettent également une interaction inter-instances via la deuxième innovation, c’est-à-dire la fédération. Cela implique de s’appuyer sur des protocoles décentralisés pour permettre aux instances d’interagir et d’agréger leurs utilisateurs afin d’offrir un service intégré à l’échelle mondiale.

C’est cette fédération entre les instances qui est appelée Fediverse.

Tout système ne pouvant pas générer que des avantages, certains défis ou questions se posent néanmoins que les auteurs de l’article observent ensuite à travers le cas de Mastodon. Cette instance était déjà, avant ses derniers jours et le rachat de Twitter par Elon Musk, l’instance la plus utilisée du Fediverse.

Le principal défi est celui des pressions naturelles à la centralisation (s’abonner à l’instance du Fediverse comportant le plus d’abonnés par exemple). Le deuxième défi est probablement la résistance de ces instances aux activités malveillantes à grande échelle (par exemple, les robots spammeurs). Le troisième défi est celui de la protection de l’utilisateur contre la la perte de données pendant les pannes d’instance.

Leur analyse a porté sur 67 millions de toots (messages) durant 15 mois.

Il est à noter qu’en 2019 s’il existait un large éventail d’instances et, avant la migration en cours des utilisateur•trices de twitter, la pression existait déjà en faveur de la centralisation du dispositif, pression exercée par les utilisateurs, les infrastructures et les défaillances (pannes) des instances.

Ces défaillances touchaient tous les types d’instances et la nature volontaire de nombreux opérateurs d’instance, c’est-à-dire que les instances à faible disponibilité, ne jouaient aucun rôle en la matière :

les défaillances se produisent sur des instances dans tout le spectre de la popularité – il y a un certain nombre d’instances qui hébergent plus de 100K toots qui connaissent des pannes.

En résumé, les défaillances d’instances ne sont pas rares et peuvent avoir un impact qui dépasse leur base d’utilisateurs locale en raison de l’interconnexion (fédérée) entre les instances des utilisateurs.

En même temps, certaines instances très influentes fonctionnent comme des « mangeoires » pour le reste du réseau. Plus une instance génère de toots, plus la probabilité qu’ils soient répliqués à d’autres instances est élevée (corrélation 0,97), soulignant ainsi l’importance d’un petit nombre d’instances. Il s’agit donc d’une autre forme inhérente de centralisation.

Paradoxalement (ou pas), cela confirme que la décentralisation des instances est le meilleur garant contre les effets d’une défaillance d’un serveur. En effet, après avoir effectué des simulations à partir des données récoltées, les auteurs notent que par exemple

la suppression des 10 premières instances n’entraîne plus que 2,1 % de toots indisponibles (contre 62,69 % sans réplication).

Voici maintenant les éléments principaux de leur conclusion :

Nous avons constaté que la décision de conception de Mastodon de donner à chacun la possibilité de créer sa propre instance indépendante a conduit à un écosystème actif, avec des instances couvrant une grande variété de sujets. Cependant, un thème commun dans notre travail a été la découverte de formes apparentes de centralisation au sein de Mastodon. Par exemple, 10 % des instances hébergent presque la moitié des utilisateurs, et certaines catégories présentent une dépendance remarquable à un petit ensemble d’instances. Cela s’étend aux pratiques d’hébergement, avec trois AS hébergeant près de deux tiers des utilisateurs.

Nos simulations ont également confirmé que ces pressions naturelles vers la centralisation entraînent des points de défaillance potentiels. […] des pannes dans seulement 10 instances peuvent supprimer presque la moitié de tous les toots. […] À la recherche de mesures d’atténuation possibles, nous avons expérimenté des stratégies de réplication simples pour constater que la disponibilité peut être considérablement améliorée en copiant les toots sur des instances secondaires, c’est-à-dire en réduisant le niveau de centralisation. […]

Nous soutenons que si ces problèmes sont ignorés, le DW risque de converger vers un système semi-centralisé.

A mon avis, ce risque de semi-centralisation existe d’autant plus avec la migration actuelle. La politique adoptée par certaines instances de ne plus accepter de nouveaux comptes au-delà d’une certaine limite est un bon moyen de l’éviter pour autant qu’elle soit adoptée par ces grandes instances identifiées par les auteurs de l’article. Autrement, les anciens utilisateurs de twitter, habitués par la recherche de LA GRANDE INSTANCE, vont prioritairement ouvrir leur compte auprès de ces instances et accélérer ainsi une centralisation mal venue pour la qualité des échanges.

Dès lors aussi, l’augmentation du nombre de nouveaux utilisateurs rejoignant Mastodon, doit s’accompagner d’une augmentation proportionnelle d’instances pour les accueillir.

Ce message d’Eugen, fondateur de Mastodon, du 07 novembre 2022 est encourageant.

Il s’agirait aussi et peut-être de réfléchir à splitter (automatiquement) en deux les instances dès qu’elle atteignent un certains nombres de membres.

La décentralisation du web était la norme au début de l’Internet et elle doit le revenir. Pour notre bien commun.

Le lien vers l’article (en .pdf) : Raman, A. et al. (2019, October). Challenges in the decentralised web: The mastodon case. In Proceedings of the Internet Measurement Conference (pp. 217-229).

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Les 20 ans du «Rapport Bergier» (mercredi 30 novembre) | Journée d’étude

7 novembre 2022 by Lyonel Kaufmann

© Chappatte dans Le Temps (mars 2002), Suisse.

20 ans après sa publication, le «rapport Bergier» continue à imprimer une marque profonde dans l’histoire de la Suisse et la pratique de la recherche historique, et pas seulement celle qui est consacrée à la Seconde Guerre mondiale. Le 30 novembre, l’Université de Lausanne organise unejournée d’étude. Celle-ci s’interrogera sur la postérité des travaux de la commission chargée de la rédaction de ce rapport.

© Chappatte dans Le Temps (mars 2002), Suisse.

© Chappatte dans Le Temps (mars 2002), Suisse.

USAGES ET MÉSUSAGES DES RECHERCHES HISTORIQUES

Comment les commissions indépendantes d’experts se sont développées ces dernières années ?

Quelles trajectoires professionnelles ont suivi les chercheur·ses engagé·es dans les recherches ?

Quelles sont les marges de libertés pour la recherche dans un contexte de controverses ?

Mercredi 30 novembre 2022

Programme:

  • 10h30 (Géopolis 1628) – Conférence d’introduction: «Le rapport Bergier (2002-2022): quel bilan?» (Marc Perrenoud)
  • 11h00 (Géopolis 1628) – Première table ronde: «L’atelier de l’historien.ne sous contraintes: l’expérience au sein de la Commission Bergier et après» (Valérie Boillat, Suzanne Peters, Gilles Forster)
  • 14h30 (Géopolis 1620) – Deuxième table ronde: «Faire de l’histoire en Suisse: un parcours semé d’embûches» (Rodrigo Lopez, Flavio Eichmann, Alix Heiniger, Sandra Bott)
  • 16h00 (Géopolis 2879) – Troisième table ronde: «Le rapport Bergier: acquis et pistes pour des recherches à venir» (Sébastien Guex, Pierre Eichenberger, Christina Späti, Claire-Lise Debluë)
  • 19h00 (Palais de Rumine, Aula Magna) – Grand débat: «De la neutralité scientifique à la neutralisation des controverses?» (Matthieu Leimgruber, Flavio Eichmann, Marc Perrenoud, Anne-Françoise Praz, Janick Schaufelbuehl)

Source : https://news.unil.ch/display/1667766406606

Pour aller plus loin :

  • Le site de la commission indépendante d’experts Suisse – Seconde Guerre Mondiale
  • Le débat pour les dix ans du rapport à l’UNIL
  • P. Boschetti, «Le rapport Bergier pour tous»

Pour se préparer :

https://youtu.be/mKj6ybCex3Y

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Utiliser la littérature jeunesse pour aborder les sujets sensibles en histoire : récit de pratique autour de la Shoah | Histoire Engagée

17 octobre 2025 Par Lyonel Kaufmann Laisser un commentaire

Pour Mathieu Mercier, enseignant d’histoire et de géographie à l’École secondaire de Rivière-du-Loup, collaborateur au Service national du RÉCIT, domaine de l’univers social, enseigner l’Holocauste au secondaire est à la fois un défi et une nécessité : défi, parce que le sujet évoque des horreurs indescriptibles et des récits traumatiques qui peuvent heurter les élèves; […]

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ChatGPT à l’école : entre tabou et encouragement, le dialogue compliqué entre professeurs et élèves | Le Monde

12 octobre 2025 Par Lyonel Kaufmann Laisser un commentaire

Décryptage. Une minorité d’enseignants s’abstient de parler d’intelligence artificielle dans leurs classes. Mais ils sont de plus en plus nombreux à ouvrir la discussion sur le sujet, jusqu’à, pour certains, s’atteler à faire circuler les bonnes pratiques. Extrait : Certains enseignants profitent d’un espace aménagé par l’éducation nationale : l’intelligence artificielle figure en effet au programme […]

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L’héritage toxique des épaves de la seconde guerre mondiale

8 octobre 2025 Par Lyonel Kaufmann Laisser un commentaire

De nombreux navires coulés entre 1939 et 1945 gisent au fond des mers. Avec le temps et la corrosion, ces vestiges historiques menacent de libérer les substances qu’ils contiennent, avec des conséquences néfastes pour l’environnement. A l’échelle internationale, on estime à plus de 8 500 le nombre d’épaves potentiellement polluantes, dont la plupart issues des […]

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Colloque infoclio.ch 2025: Open Science in History. Ouvrir les sciences des Lumières à l’intelligence articifielle (21.11.2025)

16 septembre 2025 Par Lyonel Kaufmann Laisser un commentaire

L’Open Science met les chercheuses et chercheurs au-devant de choix toujours plus complexes relatifs au partage de leurs résultats, méthodes, outils et données de recherche. Le colloque infoclio.ch 2025 explore les antécédents intellectuels et techniques de la notion d’Open science et discute des enjeux pratiques de sa mise en œuvre à l’ère des modèles génératifs […]

Abstract painting, coloring, modern art

Une histoire fragmentée ? Liens et ruptures dans un paysage de la recherche et de l’éducation en pleine remise en question (Journées suisses d’histoire 2025)

11 septembre 2025 Par Lyonel Kaufmann Laisser un commentaire

Dans le cadre des journées suisses d’histoire à Lucerne (juillet 2025), j’ai eu le plaisir d’assister et de réaliser le compte rendu pour infoclio.ch de la table ronde intitulée Fragmentierte Geschichte? Verbindungen und Brüche in einer sich ausdifferenzierenden Forschungs- und Bildungslandschaftm à laquelle participaient du côté francophone Nadine Fink (HEP Vaud) et François Vallotton (Université […]

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Vernissage : Plateforme Assistance et coercition (16.09.2025)

10 septembre 2025 Par Lyonel Kaufmann Laisser un commentaire

ÉVÉNEMENT 🗓️ Enseigner une histoire longtemps tue. Écouter les voix de celles et ceux qui l’ont vécue. Cinq témoins romands prennent la parole dans un nouveau média éducatif pour aborder les mesures de coercition à des fins d’assistance et des placements extrafamiliaux en Suisse. Conçue pour les élèves dès le secondaire I, la plateforme «Assistance […]

Tirés de nos archives

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Ces (im)possibles réformes scolaires – D’EVM à la LEO : nouvel et bref arrêt sur image (2017)

27 octobre 2017 Par Lyonel Kaufmann Laisser un commentaire

En relisant 17 ans après mon texte précédent Ces (im)possibles réformes scolaires – EVM : arrêt sur image (2000), mais surtout la synthèse et mes propositions, je constate que mes présuppositions, voire prédictions, ont été confirmées par la suite. Ainsi, mes craintes sur la fragilité du projet pédagogique étaient fondées. Et cela sans que la […]

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Quand le prêtre formera l’instituteur, par Caroline Fourest – Opinions – Le Monde.fr

2 mai 2009 Par Lyonel Kaufmann Laisser un commentaire

Jusqu’ici, les établissements catholiques privés pouvaient parfaitement préparer des élèves au bac, mais ceux-ci devaient passer leur diplôme avec tous les autres. Petite astuce connue des professeurs : de nombreux établissements privés choisissent de ne présenter que les meilleurs élèves sous leurs couleurs et d’envoyer les autres en candidats libres pour améliorer leur score de réussite […]

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Comment enseigne-t-on l’Histoire en France depuis le XIXe siècle ? – Nonfiction.fr

1 juin 2018 Par Lyonel Kaufmann Laisser un commentaire

L’ouvrage Sur l’enseignement de l’Histoire de Laurence de Cock est publié à un moment où les débats sur la place de l’Histoire dans la société et dans l’enseignement en France sont à nouveau exacerbés entre, d’une part, les historiens qui prônent une histoire scientifique et impartiale et, d’autre part, ceux qui, qualifiés par leurs adversaires « […]

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La mémoire immédiate du 13 novembre | La République des Livres

4 avril 2016 Par Lyonel Kaufmann Laisser un commentaire

Le Bataclan, la Belle équipe, le Petit Cambodge, c’était hier. Et pourtant, ces noms de théâtre et de cafés parisiens sont déjà entrés dans l’Histoire. Celle de la France en 2015, annus horribilis du terrorisme islamiste. S’emparant du concept tout neuf de « mémoire immédiate » en résonance avec celui d’ « histoire immédiate » cher à Jean Lacouture, l’historien et documentariste […]

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Guide 2010: l'iManuel a portée de main par CourseSmart

14 janvier 2010 Par Lyonel Kaufmann Laisser un commentaire

En ce début 2010, plutôt que de bonnes résolutions, je me propose de m’attarder sur quelques tendances, opinions, réflexions relatives à l’emploi des média et technologies en milieu scolaire. A vous ensuite de trier, de vous faire un avis et/ou de prolonger. Cet été, CourseSmart, l’un de leaders de la distribution de manuels scolaires aux […]

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Qwant Calcule et Plan Calcul | binaire

7 octobre 2018 Par Lyonel Kaufmann Laisser un commentaire

On peut passer son temps à se plaindre de l’impérialisme de grandes entreprises du Web ou, comme Qwant, on peut essayer de changer cela. Binaire a parlé de cette start-up l’an dernier : Qwant, aux armes citoyens ! Depuis, l’entreprise a fait un bout de chemin. En juin 2018, elle était créditée de 8% du […]

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Marignano – wie erinnern? | infoclio.ch

31 mars 2015 Par Lyonel Kaufmann Laisser un commentaire

Les commémorations du 500e anniversaire de la bataille de Marignan font débat en Suisse. Cet article d’infoclio.ch regroupe les contributions d’historiens parues dans les médias en Suisse alémanique au sujet de ces commémorations ou d’autres événements jubilaires de 2015. via Marignano – wie erinnern? | infoclio.ch.

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